Chapitre 13

483 49 3
                                    

Juan faisait tranquillement tourner le liquide dans son verre. Markus et Jasper l'avaient incité à sortir. D'abord des sorties familiales. Le samedi, il les accompagnait avec Jolan au parc, au musée, en balade. En semaine, Markus le trainait un peu de force au relais parents-enfant afin que leurs bébés jouent avec d'autres, et ils bavardaient avec des parents. Ils n'évoquaient pas leur situation familiale particulière, mais il n'avait pas échappé à l'animatrice que Markus diffusait des phéromones apaisantes régulièrement. Pas celles d'un parent. Elle n'avait rien dit, elle devait estimer que cela ne la regardait pas. À juste titre.

Du reste, Juan en était venu à apprécier ces quelques sorties, et cette socialisation forcée, même s'il en rentrait aussi épuisé que leurs bébés. Il faisait souvent la sieste avec eux pendant que Markus s'occupait de faire la cuisine.

Mais cela ne suffisait pas aux yeux de ses amis qui, puisqu'il leur avait offert une nuit entière de babysitting, entendaient faire de même. Il avait résisté plusieurs semaines, mais lorsqu'il avait proposé, lui, de garder encore une fois les enfants toute la nuit parce qu'il savait que les parents de Jasper partaient en weekend, il sut qu'il avait perdu. Jasper clama qu'il n'en était pas question tant que lui n'aurait pas pris le temps de se vider la tête avec une soirée sans enfant. Il était donc là, seul dans un bar, simplement pour rassurer ses amis. Julie devait le rejoindre plus tard, pour un cinéma. Mais quitte à être contraint de « profiter de sa soirée », autant essayer de le faire le mieux possible. Il était donc accoudé zinc, un cocktail devant lui. Il triturait pensivement le petit pic avec l'olive, dans son verre, le regard rivé à son téléphone, hésitant entre deux films.

— Tu es tout seul ?

Il tourna la tête vers la voix. Elle appartenait à un grand brun, sur sa gauche. Ses yeux pétillaient de malice, son sourire était chaleureux, ses joues rondes et piquées d'une barbe de trois jours, et il n'émettait pas de phéromones.

— Plus maintenant, puisque tu es là. Qu'est-ce que tu bois ?

L'inconnu lui sourit à nouveau, et indiqua au barman le cocktail qu'il désirait. Juan l'observa discrètement. Grand, un peu rond, souriant, il portait un jean et une chemise sombre un peu tendue au niveau de l'abdomen. Il était plutôt bel homme. Après avoir passé sa commande, il se tourna vers lui et le dévisagea à son tour, avant de se pencher vers son oreille.

— Hassan. Mon prénom.

— Juan.

L'Oméga dissimula le petit frisson qui l'avait parcouru lorsque le souffle chaud de l'inconnu avait dévalé son cou. La musique était forte, ils étaient obligés de se rapprocher pour parler, et cette proximité n'avait absolument aucun autre but, se raisonnait-il. Mais Hassan était agréable, drôle, et s'intéressait à lui alors qu'il n'avait absolument rien fait pour. Tout juste avait-il accepté de porter une chemise plutôt qu'un vieux t-shirt, quand Markus lui avait dit qu'il ne pouvait « quand même pas sortir comme ça ! », même si son unique rencard de la soirée était un ciné avec sa meilleure amie. Il avait peut-être bien fait, finalement. Après un second cocktail, il se laissa entraîner sur la piste de danse pour plusieurs chansons, et Hassan était un partenaire suffisamment agréable pour qu'il passe un bon moment. Lorsqu'il revint au bar, Julie était arrivée et le regardait d'un air amusé. Elle s'était déjà commandé un verre, et informa Juan que le cinéma pouvait être reporté à une autre fois. Hassan la dévisagea un moment, mais ce n'est que lorsqu'elle se présenta que son regard s'éclaira.

— Julie comme Julie Donati, la ministre aux cheveux roses ?

Elle opina, un fin sourire aux lèvres, et trempa ses lèvres dans son verre.

— On ne me reconnait pas si facilement d'habitude, ça fait déjà cinq ans que je ne suis plus nulle part dans les médias.

— Vous faites partie des acteurices principaux de la Révolution, il faudrait être idiot pour ne pas vous reconnaître ! Vous connaissez Juan depuis longtemps ?

RévolutionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant