𝗥𝗘𝗗 𝗟𝗜𝗚𝗛𝗧 𝗗𝗜𝗦𝗧𝗥𝗜𝗖𝗧 || Vitrine 🄽 ° 7

𝘾𝙝𝙖𝙥𝙞𝙩𝙧𝙚 𝟭𝟭 : le mulet.

Avec la souplesse féline qui le caractérisait, il ôta la veste de son costume, puis la jeta sur un pouf rond. Malgré elle, elle laissa courir son regard le long de sa chemise blanche immaculée qui moulait à la perfection ses muscles fins et laissait deviner les biceps de son torse. Son élégance n'adoucissait en rien la dureté de ses traits. Elle ne lui avait encore jamais vu cette expression, qui était un mélange d'incrédulité, de mépris et de colère, assaisonné d'une condamnation silencieuse. À vrai dire, le voir aussi calme, l'effrayait. Elle appréhendait le calme qui précédait les grandes tempêtes. Son cerveau comme hébété avait d'abord refusé de saisir le sens de sa réplique. Elle se mit à transpirer abondamment, malgré la fraîcheur du soir. La sueur s'accumulait sur son front surtout...

Était-ce parce que la lumière était tamisée de rouge que le visage de l'inconnu paraissait encore plus redoutable ?

Les yeux de l'inconnu, rivés aux siens, la faisaient se sentir extrêmement féminine, faible, menacée, et pourtant totalement séduite. Des yeux, dont les prunelles vertes d'un éclat doré, la clouaient sur place.

— Un compte à régler, ai-je bien entendu ?

Il desserra sa cravate, et déboutonna les trois premiers boutons de sa chemise, laissant apercevoir un peu de peau hâlée. Il changeait de montres luxueuses comme de chaussettes. Aujourd'hui, il portait une Patek Philippe extra plate aux lignes épurées avec un boîtier en or qui brillait à son poignet.

— Oui, c'est bien ce que j'ai dit : tu as commis l'impardonnable.

Elle s'efforça de soutenir son regard, même si elle y lisait des choses terrifiantes. On aurait dit une panthère cachée dans les hautes herbes, qui guettait le moment opportun pour bondir sur sa proie. Mais elle n'avait rien d'une brebis peureuse, se persuada-t-elle intérieurement, ni d'une pauvre soumise d'ailleurs. Au cours des vingt-trois années de sa vie, dont dix-huit passées à surmonter la souffrance liée à la perte de ses parents et le reste à s'occuper d'Amanda pendant sa maladie, elle avait appris à se battre contre quoi que ce soit, et avant tout, à se défendre. Elle s'était toujours targuée d'être une femme libre comme l'air, et ne dépendait d'aucune personne. Sauf peut-être de sa mère...

Sa mère était son unique point faible.

— Ce que je fous dans ma vie, n'est pas de tes maudites affaires. Gabin m'a proposé de faire ensemble le parachute ascensionnel, et j'ai accepté. C'était une belle expérience !

— Comme c'est chouette ! Est-ce que tu te rends compte que ce que tu fais te rend tellement égoïste ? Tu es en train de piétiner les sentiments de ton amie.

— Parce que toi, tu te soucies des sentiments des gens ?

Sa flèche atteignit son but, et en ce moment, la teinte de son regard hésita entre marron et vert avant de s'alarmer de plus belle.

— C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! ajouta-t-elle avec amertume.

Elle se mordit la lèvre pulpeuse jusqu'au sang, tandis que les souvenirs de leur folle partie de jambe en l'air firent crépiter l'air autour d'elle. Elle n'oublierait jamais l'incroyable intimité qu'ils avaient partagée, même si pour l'instant, elle préférait la chasser de son esprit.