◇ Cette soirée commence à partir en couille je crois. Depuis quand l'introverti danse sur les tables ? Depuis quand la musicos chante faux ? Depuis quand mon idiot de pote reste accroché à mes baskets, littéralement parlant, en chouinant comme un con ?
Je crois sincèrement que je n'aurais pas du boire ce dernier verre, le sol se met à tanguer sous mes pieds alors que je suis assis. Mais bon, pour supporter cette bande de dégénérés, c'est bien nécessaire.
Après avoir rembarré l'allumeuse pour la cinquième fois en lui répétant que non, je ne vais pas danser en caleçon avec elle, je décide de reprendre un verre. Tant pis pour la gueule de bois qui pointera sûrement le bout de son nez à mon réveil.
Une nouvelle bière à la main, faute de mieux car nous sommes bien d'accord, les cocktails de l'hyperactif c'est mort, je me dirige vers la terrasse. En profitant d'un moment d'égarement du boulet que je traine à ma cheville depuis plus d'une heure, je permets ainsi à mes tympans de ne pas succomber si jeunes dans des circonstances débiles.
L'air frais qui vient fouetter mon visage, me redonne un chouïa de vigueur, assez pour ne pas aller gerber aux pieds de la pauvre glycine qui n'a rien demandé.
Une odeur de tabac peu agréable vient chatouiller mes narines. Intrigué par cet énergumène qui fume en cachette, je suis la fumée jusqu'à découvrir Kounen assis à même le sol contre un tronc d'arbre. Lui qui est d'habitude toujours droit et propre sur lui, imposant le respect et l'obéissance par sa simple prestance, se retrouve actuellement frôlant l'aspect du zombie. Je ne suis pas le seul à ne plus être très frais apparemment.
- Vous fumez vous maintenant ?
Je le vois sursauter comme si un de ses congénères mort vivant venait justement de faire son apparition. Quoi ? Moi aussi je fais peur à voir ? Où est il juste au bout du rouleau ?
- Tranquille, c'est juste moi
- Ha.. Kinji..Jt'avais pas entendu arriver
- Ouais, j'avais remarqué !
- Retire moi c'tair hautain jeune homme. C'pas parcque c'est la fête et qu't'es enfin débarrassé de moi, que t'dois m'manquer d'respect
Je ne peux m'empêcher de lâcher un rire devant sa voix pâteuse qui buche sur tous les mots. Si un jour on m'avait dit que j'aurai la chance de voir le tyran qui m'en a fait baver pendant ces 4 ans de fac dans cet état, j'aurai signé direct.
- Et tu t'fous d'ma gueule en plus sale gosse ?
Je le vois se relever, enfin, s'aplatir sur le tronc plutôt, un air pas du tout sévère sur le visage malgré l'effort qu'il y met. Tellement loin de la tête qu'il tire quotidiennement à l'accoutumée.
- Non pas du tout ! Fin' si un peu j'avoue, c'est drôle de vous voir bourré. Mais pas de soucis, je garde ça pour moi ! Bougez pas, je vais chercher de l'eau, ça nous fera du bien à tous les deux
Et je m'éloigne en pouffant dans mon coin. Et bien ça, je m'y attendais pas ! Ça fait remonter cette soirée dans mon estime !
En revenant à l'extérieur, ayant réussi à esquiver deux ou trois abrutis, mes deux bouteilles d'eau à la main, je le retrouve de nouveau assis, triturant l'herbe, le regard dans le vide.
- Vous êtes toujours vivant ?
"Hum" fut le seul truc que j'aurai sûrement comme réponse. Il siffle la bouteille en moins de deux et finit de s'échouer sur le sol tel un lamantin sur une plage. Vision exceptionnelle gravée dans ma mémoire, et mon portable, à jamais.
Trouvant une porte de sortie à ma présence au millieu de la foule, j'utilise ce pauvre bougre comme excuse pour ne pas retourner à l'intérieur. Quoi il faut bien le surveiller ! Imaginez qu'il serve de repas à un puma ? Si si, y'a des puma dans la région, je vous jure. Je m'installe donc à mon aise contre le tronc et ferme les yeux un instant, l'écoutant marmonner un flux inaudible sans queue ni tête.
En les ouvrant je ne sais combien de temps après, je tombe dans des prunelles obscures qui me fixent intensément. Peu sur de moi, je prends la parole.
- Vous voulez quelque chose ?
- Non, je te trouvais juste beau comme ça
Ouais OK il est toujours aussi déchiré. Il se lève, sans tant de mal par rapport à tout à l'heure, et se dirige vers la maison.
- Je vais me chercher un verre, tu en veux un ?
Mais bon, je ne vais pas répondre vu qu'il est déjà parti sans attendre un oui ou un non.
Une éternité passant, je me dis qu'il a dû se perdre en chemin. Me levant finalement dans l'optique de me barrer de ce trou, je croise de nouveau ses yeux au recoin de la porte.
- Tu pars ? Je t'avais fait un truc sympa
Et il me tend innocemment son mélange sûrement peu recommandable. Mais bon, au point où on en est !
- Nan c'est bon je vais le boire
Il retourne s'asseoir dans son petit coin. Le suivant tout en sachant pertinemment que je cours à ma propre perte, je me replace à ses côtés. Il relève la tête rapidement comme s'il venait de se souvenir d'un truc méga important et me tend son verre faisant déborder quelques gouttes. Son visage s'étire d'un sourire que je ne lui connaissais pas. Charmant ?
- Félicitations pour ta certif au fait ! Je savais que tu l'aurais, tu étais le meilleur de cette promo
Ha oui, c'est vrai que c'est le sujet de la soirée. La remise des certifications. Adieu les cours de danse intensif et direction le monde réel. Pouvoir enfin fouler la scène, la vraie, au sein d'une compagnie chevronnée. C'est pas trop tôt ! Je fais de même avec un entrain retrouvé et viens trinquer mon verre contre le sien.
- Bien sûr que je suis le meilleur. Enfin, j'avais un mentor en or aussi
- Hum. Plus besoin de faire le lèche botte. Tu n'as plus aucun compte à me rendre maintenant
- On sait jamais !
Son verre fut vidé en quelques secondes, et d'après ce que je comprends, il m'incite à faire de même. Qu'est ce que je fous là déjà ? Je vide d'une traite ce breuvage qui s'avère être délicieux mais sûrement traître.
Et effectivement, je sens déjà mon centre de gravité changer un peu trop rapidement et ma tête bourdonner intensément. Je glisse mon regard vers lui pour jauger son état et le découvre les yeux plongés dans une contemplation intense de ma personne.
Je crois le voir se rapprocher et j'en conclus que oui lorsqu'il vient plaquer ses lèvres contre les miennes. Je sais pas trop quoi faire quand il se décolle un instant pour venir attraper mes hanches dans le but de venir me placer sur ses cuisses. A part peut être y retourner avidement, ancrant mes ongles dans la peau de ses épaules. Putain, mais c'est le pied en fait !
Merde, ça part vraiment en couille là. Dérapage en vue. Black out en approche.
L'alcool c'est mal ◇
~◇~◇~◇~◇~◇~◇~◇~◇~◇~◇~◇~◇~◇~◇~◇~
🐈⬛
VOUS LISEZ
◇ Anomalie ◇
Short Story◇ Une soirée de remise des diplômes quelque peu arrosée, une odeur de tabac, un égarement au creux des draps, une paire d'yeux obscures qui te dévisage au soleil levant, écarquillés de surprise. En soit, d'un commun accord, on oubli et on continue n...