XIII ◇ Si longtemps

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◇ Le soleil faiblissant laisse place à une pénombre aux teintes rosâtres. La chaleur de cette fin d'été commence doucement à fléchir devant une brise fraîche bienvenue.

J'ouvre doucement les yeux en le sentant se mouvoir doucement contre moi. Nous avons dû succomber au sommeil, enfouis dans les bras l'un de l'autre. Il essaye de se dégager sans me réveiller avant de s'apercevoir que j'ai les yeux rivés sur lui.

- Je t'ai réveillé ?

- Pas grave

- Tu te sens prêt pour que je te ramène ?

- Je sais pas trop

- Tu veux plutôt que je t'emmène manger dehors ?

- Grave oui ! J'ai la dalle !

- Italien ? Je connais un petit restau sympa, ça te dit ?

- Carrément !

- Je t'invite pas contre

- Genre rencard ?

- Avec plaisir oui, notre premier rendez vous

- Premier ? Tu comptes m'inviter une autre fois ?

- Plein d'autres fois petit chat

Cet andouille a le don pour me foutre mal à l'aise tout en me faisant extrêmement plaisir. Il est doué !

Après avoir donné à manger à sa meute de félins, on quitte l'appartement pour se diriger à pieds vers le restaurant. Une envie soudaine fait son apparition lorsque je déambule ainsi près de lui. Mais je la garde pour moi, c'est sûrement trop tôt.

C'était sans compter sur cet homme qui lit en moi comme un livre ouvert. Il attrape donc ma main pour la garder au chaud dans la sienne, un sentiment de plénitude m'envahissant petit à petit.

Lorsque l'on s'arrête à un passage piéton, attendant tranquillement le feu vert, je m'aperçois que l'on est entouré de monde et qu'on se tient toujours la main, collés l'un contre l'autre.

Je croise un regard curieux qui s'attarde sur nos mains enlacées, le premier réflexe qui me vient à l'esprit est de retirer ma main et de tracer mon chemin. Mais à la place, un sentiment bizarre de fierté m'empêche de faire marche arrière. J'ai décidé de vivre ma vie, j'ai décidé d'emmerder ceux à qui ça ne plaisait pas, je vais pas fuir maintenant.

- Cela te gêne que l'on se tienne la main dans la rue ?

- Arrête de lire dans ma tête c'est relou

- Haha pardon ! On peut se lâcher si tu ne te sens pas à l'aise

- Je vais pas abandonner au premier regard de travers. Va falloir que je m'y fasse, avec un bide énorme, je vais être le centre de l'attention. Surtout si tu me tiens la main

- Mais tu n'es pas obligé de te brusquer, on peut y aller plus doucement

- Non. J'en ai marre de vivre en fonction du regard des autres ou de m'adapter à quelque-chose qui ne me convient pas. Tu es mon mec et on va voir un bébé. C'est aux autres de s'adapter à ça, point

- Je t'aime petite tête brûlée

Il prononce ces mots en venant embrasser mon front, un petit rire bienveillant passant ses lèvres doucement.

Le petit restau, faut avouer, qu'il paye pas de mine mais connaissant Kounen, on s'en fout de l'extérieur ! Et effectivement, la bouffe est à tomber. Je l'ai laissé commander à ma place et il ne s'est pas loupé, encore une fois. Ce mec me connait sur le bout des doigts alors que réellement, on sort ensemble depuis quoi, 3h ?

- Ça te plaît pas ?

- Si c'est parfait, c'est exactement ce que j'aurais pris

- Alors pourquoi tu fais ta tête d'assassin en série ?

- Ma quoi ? T'es con ! C'est juste que tu fais flipper à me connaître par coeur en si peu de temps

- Je te regarde, c'est tout

- Alors continue

- Je ne compte pas arrêter

- Parfait

On finit de manger dans une ambiance agréable, très agréable. Savoir que l'on te regarde enfin, pour de vrai, toi, et pas un masque, c'est très plaisant. Il m'emmène ensuite boire un chocolat chaud dans le parc en face de chez lui. Le genre de truc bourré de Chantilly et de coulis de caramel. Je me sens comme une gamine qui tombe amoureuse pour la première fois. Niais, overdose de guimauve mais j'avoue que j'apprécie quand même.

Une fois assis sur un banc, enfoui dans les bras l'un de l'autre pour nous tenir chaud, on sirote ce concentré de glucose à l'abri dans notre bulle d'amour naissante. Le paradis.

Il rompt le silence pour venir faire le papa poule. Ça commence, je sens qu'il va être très collant, très très très collant. Mais ce serait déplacé de me plaindre vu que c'est ce que je recherchais.

- Il va falloir reprendre un suivi régulier, pour ta grossesse je veux dire. Pour surveiller que tout va bien, surtout dans ton cas. Tu veux peut être changer de médecin ?

- Nan celui de l'autre fois me va. Et puis il avait raison, j'aimerai le remercier

- Je peux m'occuper de la prise des rendez-vous et de toute la paperasse si tu veux, pour que tu te concentres sur vous deux

- Avec plaisir oui, je déteste l'administratif

- Je m'en doute ! Alors je gère, tu n'a pas de soucis à te faire

- Merci Kounen, sincèrement

Les chocolats terminés, il me redépose devant le campus après un dernier baiser passionné. Je regarde sa voiture s'éloigner au loin, un petit pincement m'enserrant le coeur. Et bah, si être séparé de lui deux minutes ça m'est déjà désagréable à ce point, je vous raconte pas la suite.

Un sourire étire mes lèvres lorsque je m'étale sur mon lit et m'enroulant dans ma couette, une vague de satisfaction m'emplie tranquillement. Cette journée ressemble fortement à des montagnes russes. En quelques heures, j'ai eu l'impression de jouer ma vie. C'est un peu le cas en fait, et pas que la mienne d'ailleurs.

Et pour la première fois depuis 3 mois, j'eus envie d'avoir un contact avec lui. Les larmes au bord des yeux, je pose ma main sur mon ventre avant de murmurer d'une voix éraillée.

- Bonjour mon bébé, c'est un de tes papas... Pardon d'avoir été un idiot, mais c'est fini maintenant, on t'attend ..

Et sur ses mots, mes yeux laissant s'échapper les dernières larmes que mon corps contenait. Le sommeil m'emporte, me permettant enfin de me reposer, bercé par des rêves en sa compagnie.

Merde, je me sens bien, si bien. Ça fait si longtemps, que je n'ai pas senti mon coeur battre ◇

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◇ Anomalie ◇Où les histoires vivent. Découvrez maintenant