◇ Les deux semaines me séparant du jour fatidique furent les plus longues et les plus désagréables de ma vie. Entre les vomissements de plus en plus imprévisibles et les nuits mouvementées dues à mon cerveau en surchauffe, mon corps a décidé de me faire chier jusqu'au bout.
J'essaye tant bien que mal de rester neutre, mais mon envie irrépressible d'affection me pousse à me réfugier dans ses bras à la moindre occasion. Les larmes me montent un peu trop facilement à mon goût et sans aucune raison. Je me suis même retrouvé l'autre jour à les laisser couler quand Satoshi m'a sorti "Je suis là si tu as besoin". Non mais devant cette idiote de ballerine quoi ! La honte !
Depuis, que ce soit Kounen ou lui, j'ai l'impression d'être en permanence sous haute surveillance. Un peu barbant mais on ne va pas se plaindre non plus. Heureusement que ceux qui me servent de potes sont potentiellement aveugles ou abrutis. Je dis potentiellement parce que je sens le Hiroki sur le qui vive. Manque plus qu'il s'y mette lui aussi ...
Et pour mon plus grand soulagement, c'est le week-end que mon corps est le plus compréhensif. Si en plus je devais avoir ma mère sur le dos quand je passe les voir, autant s'exiler en haut d'une montagne. Mais bon, elle doit pas être dupe non plus, c'est ma mère quoi. Elle a bien compris que quelque chose cloche mais tant qu'elle sait pas quoi, je suis en sursis.
J'ai bien cru que les minutes avant midi ne voudraient jamais s'écouler, que j'allais craquer avant l'heure, mais j'ai tenu bon. J'ai rendez vous à 14h, Kounen m'a proposé d'aller manger dehors avant de me conduire à la clinique. Je ne dis pas non, je n'aurais pas tenu plus longtemps au milieu des autres.
Thaï poulet-curry, piquant comme j'aime, ça remonte légèrement le moral qui pointait dans les - 20 jusqu'à maintenant. A croire qu'il me connait quand même un peu, cet andouille.
Le midi, j'ai toujours la dalle, vu que je gerbe l'entièreté de mon estomac quelques heures plus tôt. Alors je gobe mon plat et dévore le siens, qu'il me tend sous prétexte de ne plus avoir faim. Mensonge, mais je m'en contente.
Une vingtaine de minutes avant l'heure, la boule dans ma gorge reprend place. Pourtant, il a bien tenté de meubler le temps qui restait en essayant de détourner mon attention. Mais plus forte que moi, l'angoisse m'empêche de rester calme, et mes mains se mettent à trembler.
Je sens son bras venir s'enrouler autour de mon épaule et je viens fourrer mon nez dans son tee shirt, histoire d'avoir son odeur imprégnée dans mes narines. La chaleur que son torse diffuse m'apaise un peu. Je crois que j'ai identifié malgré moi tout ce qui le constitue comme point d'ancrage quand je sombre dans la tourmente. Un peu con mais tant pis. Tout redeviendra comme avant quand cette journée prendra fin.
- On y va ? Ça va être l'heure
- Hum, ai je le choix ?
- Oui toujours
Il vient caresser mes cheveux, mélant ses doigts dans mes mèches rebelles.
- Tout ira bien Kinji
- Oui je sais, mais je flippe quand même
- C'est normal
Le trajet fut long, le chemin du parking jusqu'à la porte encore plus long, et l'attente avant d'être pris en charge interminable. Ma main ancrée dans la sienne, mes ongles plantés dans sa peau, l'air me manque.
- Monsieur ? C'est à vous
Sérieux, le monsieur, encore. Ils font vraiment aucun effort. J'ai quatre paires d'yeux sur moi maintenant.
- Je t'attends ici d'accord ? Juste là, je ne bouge pas
Et il vient m'embrasser le front avant de m'inviter à suivre l'infirmière en me lâchant la main. Une vague de froid plus que désagréable m'envahit. Je me retrouve encore seul avec moi même. Un moi qui déconne et dont j'ai extrêmement peur.
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◇ Anomalie ◇
Short Story◇ Une soirée de remise des diplômes quelque peu arrosée, une odeur de tabac, un égarement au creux des draps, une paire d'yeux obscures qui te dévisage au soleil levant, écarquillés de surprise. En soit, d'un commun accord, on oubli et on continue n...