Épilogue : Tome 1

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    Je réfléchis à la question que vient de me poser madame Martin, tout en portant mon attention sur un peu tout ce qui m'entoure. Je remarque qu'elle a changé le calendrier, alors que nous ne sommes qu'en mai.

    Est-ce que je me sens mieux ? Me demande-t-elle. C'est une bonne question, puisque moi-même je n'arrive pas à y répondre, déjà parce que mon ventre et ma tête me font toujours mal à cause de ma gueule de bois et ensuite, parce que je n'en sais tout simplement rien. Ça ne va pas, ça c'est certain, mais comme depuis le début ça fait des hauts et des bas. Aujourd'hui ça peut passer, même si ce n'est pas non plus la grande joie. C'est ce que je lui réponds en tout cas.

- Et par rapport à Antoine ?

    Je sais où elle souhaite en venir, c'est prévisible puisque depuis ma rupture elle va toujours dans la même direction. Est-ce que ça me fait replonger ? Me fait encore moins croire en moi ? Me fait croire que c'est en grande partie à cause de ma maladie ? Toutes les réponses elle les connaît, même si elle n'est pas d'accord avec chacune d'entre elles.

- Toujours la même chose, de toute façon c'était inévitable, je savais où ça allait terminer en me mettant avec...

- C'est-à-dire ?

    Je souffle, je sais très bien qu'elle sait de quoi je parle, ce n'est pas compliqué de savoir en sachant que l'on en vient aux mêmes conclusions à chaque fois, même si elle s'oppose.

- Je sais que ma maladie crée un obstacle aux relations et peut les détruire, ça n'a pas manqué...

- Jules, ce n'est pas la faute de la bipolarité, du moins pas complètement. Si tu ne connais pas réellement l'autre et ce qui l'anime, tu ne peux pas t'installer dans une relation longue et stable. Le vrai obstacle de la bipolarité dans ce cas-là, c'est que tu ne l'affirment pas devant les autres, qui ne connaissent pas cet aspect de toi qui est pourtant bel est bien présent. Certes, ça ne te définit pas, mais par moment elle est bien trop présente pour que tu la caches à ceux qui sont proches de toi.

- Vous voudriez que je lui dise ! Jamais.

    Cette fois c'est à elle de souffler.

- C'est à toi de voir, je ne peux rien t'imposer, juste te conseiller. Même si c'est dur, pour que tes amis ou petits amis comprennent, il faut leur expliquer. Ils ne comprendront jamais et ne te soutiendront jamais si ce n'est pas le cas. Rien ne t'oblige à le divulguer à la terre entière, une ou deux personnes suffiraient.

- Je ne veux pas les faire souffrir avec ça.

- Tu ne les feras pas plus souffrir que maintenant, au contraire. L'ignorance peut faire plus mal et c'est ce qui peut pousser les autres qui t'entourent à s'éloigner.

- Et s'ils ne m'acceptent pas comme je suis quand ils auront vu comment je peux être ?

- Alors tant pis pour eux, ils auront perdu quelqu'un de super et surtout, ils n'en valent pas le coup. Je suis d'accord que comme n'importe quelle maladie, pour certain ça fait peur et certain ne désire pas vivre celle-ci à travers la personne. Mais c'est un risque à prendre, ainsi tu t'accepteras davantage et feras aussi la rencontre de merveilleuses personnes, dès avec qui la bipolarité va fonctionner et d'autre moins.

- Je ne sais pas...

- Personnellement, comme je ne fais que te répéter, je trouve que c'est le meilleur moyen de tenir une relation. Voir au-delà des apparences ne suffit pas, parfois il faut que toi-même tu exposes ce qu'il y a derrière ce que tu montres, sinon ça ne marche pas. Sincèrement je trouve que, et peut-être que je me trompe, mais vu ce que tu m'as raconté, tu t'es accroché à Antoine et à votre relation comme à une bouée de sauvetage, pour empêcher de te noyer. D'après ce que j'ai pu faire ressortir de ce que tu m'as raconté, le caractère d'Antoine t'a accroché, mais pas de la meilleure des manières. Je comprends qu'il soit plein de vie et que ça fasse rêver, mais il ne peut pas l'être pour deux. Un couple se vit à deux. En plus, et c'est une observation que j'ai constatée à plusieurs de nos rendez-vous, tu m'as dit qu'il te faisait oublier ta « maladie », mime-t-elle entre guillemet pour reprendre mes mots. Tu m'as dit que pour une fois elle ne te contrôlait pas entièrement. Je ne suis pas d'accord avec cette démarche, me dit-elle tandis que je grimace. Le but n'est pas d'oublier, mais de cohabiter avec elle. Elle ne doit pas te contrôler, et tu ne peux pas vraiment le faire. Mais surtout, Antoine n'a pas ce rôle que tu lui transmets inconsciemment, surtout qu'il ne sait rien de ta bipolarité.

- Ce n'est pas ça ! M'objectais-je, avec un certain doute tout de même, puisque j'arrive à me retrouver un peu dans ce qu'elle dit.

- C'est en tout cas mon impression. Est-ce qu'il te connaît vraiment ? Et aussi, est-ce que toi tu le connais vraiment ?

    Je reste incertain suite à sa question, en essayant de bafouiller un « oui ». Bien sûr que je le connais, j'ai quand même passé pas mal de temps avec lui depuis le début de l'année et je suis sorti avec. Cependant, tout d'un coup ce que m'a dit Hugo me revient en tête, est-ce possible que je n'ai pas fait attention à qui il était réellement et ce qu'il peut penser. Visiblement madame Martin est aussi de cet avis et tout ça commence à me faire moi-même douter. Est-ce que je le décris vraiment toujours comme un gars souriant avec une joie de vivre et rien d'autre ? Plus j'y réfléchis et plus la réponse se tourne vers un oui. J'ai tout foiré dans cette relation et pas à cause de ma maladie, du moins pas entièrement, loin de là. Je n'ai jamais cherché à voir plus loin que ce qu'il montrait aux autres. Moi qui d'habitude m'amuse à analyser les autres et ce qui en ressort, au-delà des apparences qu'ils donnent, je n'ai même pas réussi à le faire avec la personne qui me plait.

    Elle a raison, ils ont tous raison, si je n'arrive pas à voir au-delà des apparences d'Antoine et que moi-même je ne montre rien de plus pour qu'il voie au-delà des miennes, comment notre relation aurait-elle pu fonctionner ? Je me suis attaché à ce que représente Antoine sans savoir qui il était vraiment, parce que cette version me faisait presque oublier mon plus grand démon et montrait ce que je désirais être. Mais personne ne peut avoir aucun problème et comme l'a dit Antoine, quand je le connaissais à peine, on ne vit pas dans le monde des Bisounours. Bien sûr que lui aussi ne montre pas tout, mais seulement le meilleur, et cache ses propres démons. Avec tout ça, bien sûr que de réels liens essentiels dans une relation stable ne se sont pas créés. Voilà le vrai problème, ce que ma psychologue cherchait à me faire comprendre depuis le début, mais je suis restée aveugle volontairement. Bien sûr je ne désire toujours pas parler de ma maladie, enfin ma bipolarité, mais au moins maintenant j'ai compris ce que j'aurais dû comprendre dès le début. Tout n'est pas à rejeter sur ma bipolarité.

Au delà des apparences (BxB) Tome 1+2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant