Le Chaos Naquit Après [Tomes 1 & 2]

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𝓢ohane

❦

« Je t'aime de toutes mes larmes »
- Jessica Simard

Avant

Maman dit que le comportement des hommes n'est que le reflet de ceux qu'ils ont côtoyés auparavant. Papa a-t-il grandi avec des individus qui ne posaient jamais les yeux sur lui ?

Je l'observe gouverner depuis la balustrade de l'étage supérieur, le ventre noué. Son visage est déjà marqué par les traits de fatigue qui soulignent les yeux de tous les adultes.

Mon nez dépasse à peine la barrière dorée qui me dissimule du regard des invités, et c'est pour le mieux. Je déteste qu'ils me jugent. J'ai toujours l'impression d'être atteint d'une maladie mortelle lorsqu'ils le font.

Peu importe, du moment qu'il n'en est pas de même pour papa, tout va bien. Lui ne me prête jamais attention, mais quand il le fait, je ne me sens pas infonctionnel.

Aucun enfant du palais ne veut jouer avec moi pour cette raison, ils disent que je ne suis pas comme eux. Leurs parents les empêchent de me côtoyer parce que de leur avis, mon agressivité risque de déteindre sur eux.

Je ne sais si ce qui m'affecte est contagieux, mais j'aimerais que ça ne le soit pas. J'aimerais avoir un ami, quelqu'un à qui parler, et qui me comprendrait. Juste une personne de mon âge qui me donnerait son attention, même si, quand Isayah le fait, je n'ai pas le sentiment de le mériter.

Les autres ne me considéreront jamais autant que je ne leur porte d'importance. Je suis un idiot absolu. Encore combien de temps, avant que je n'admette que mon absence n'impacte la vie de personne ?

Papa, lui, a un meilleur ami. Il s'appelle Arès, et parfois, je me demande s'il n'est pas plus un père pour moi. Ils ne sont pas si proches que ça en public, mais il m'arrive de les surprendre ensemble de temps à autres, et je remarque qu'il met assez papa en confiance pour qu'il se confie à lui sur tous les problèmes qui l'embarrassent.

Arès lui parle même de moi, c'est ce qui fait que je l'apprécie tant. Il s'évertue à lui répéter que je suis aussi important que Isayah, mais je suis sûr que papa le sait déjà, il préfère simplement ne pas le montrer pour des raisons politiques. C'est normal, il doit se dévouer pour son aîné, l'homme qui le succédera.

Il n'a pas de temps à perdre avec moi.

Quand je serai plus grand, tout sera différent. Papa ne me verra plus comme un enfant, et alors, peut-être que j'obtiendrai de lui une preuve de reconnaissance.

— Sohane, murmure maman, dressée dans mon dos. Tu n'as rien à faire là.

            Sa voix est aussi douce que la peau cotonneuse de sa joue qui frôle la mienne. Malgré sa mise en garde, elle s'attarde sur ce qui me captive, prenant place à mes côtés. Si papa savait que je contrains la reine à s'accroupir un étage au-dessus de la tête des invités, il me le ferait payer cher.

Maman glisse son œil entre deux barreaux, un léger sourire aux lèvres à l'instant où elle aperçoit Isayah converser avec des nobles du haut de ses onze ans.

            — Il s'en sort parfaitement, s'enjoue-t-elle.

            J'effectue une moue renfrognée, et dès qu'elle s'en rend compte, elle me serre contre sa poitrine. Son odeur apaise les vagues d'animosité qui engouffrent mon cœur.

            — Il en sera de même pour toi, mon ange. N'oublie pas que tu es différent d'Isayah, mais pas moins brillant.

            Elle me prend par la main, dépoussière les couches de tissu qui lui servent de robe, et m'incite à la suivre. Sa tenue traîne sur le sol, et ses manches – aussi longues qu'étroites – me masquent la vue. Mes battement de cœur s'emballent quand je prends conscience qu'elle nous fait descendre les escaliers principaux pour atterrir au centre du bal.