𝓢ohane
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« L'enfer c'est les autres »
J.Paul SartreJe ne me ferai jamais à l'odeur nauséabonde du sang frais qui coule jusque sur mes lèvres. La mort me révulse, pourtant celle-ci me permet d'obtenir ce que je veux. Je corromps alors ma morale à des fins puériles, telles que la reconnaissance ou l'attention. Mes cheveux humidifiés par la sueur troublent la silhouette d'Aimé, dont la taille diminue à mesure qu'il s'éloigne. Je m'adonne au silence du couloir, écœuré par l'acte que je viens de commettre.
Mon père était là, au centre des gradins, il m'épiait. Alors laisser ma place à un inconnu était inenvisageable. Pas quand il est obligé de porter son regard sur moi, son fils cadet, au milieu d'une arène en son nom. Il s'est délecté d'une périphérie directe sur la mort latente qui m'attendait. J'avais beau m'être présenté pour l'ouverture des duels, chose que jamais Isayah ne ferait, c'était moi qui couvrais son regard de honte. Peu importe que je fournisse mille efforts à peine reconnus par le peuple, si mon père n'en voit pas l'ombre d'un.
Son cœur devait être témoin des menaces de mort qui s'accumulaient à mon égard le long des gradins.
Il n'a jamais été plus qu'un mirage illusoire auquel je m'efforce de m'accrocher en vain, parvenant constamment à se défaire des liens que j'érige entre nous. Il semblerait que le fait de me garder à l'écart mérite plus d'efforts que ne rien faire du tout. C'est pourquoi je pense être atteint de démence lorsque je relève les yeux et qu'il se trouve face à moi.
— Ça y est ? Tu me vois ? me moqué-je.
— Cesse d'être immature et de t'humilier en public ainsi pour des raisons aussi médiocres, me reprend-il.
— Donc cette putain de victoire n'est pour toi qu'une humiliation ?
— N'oublie pas à qui tu t'adresses, je ne suis là que parce que Isayah me l'a demandé.
Je masque ma déception derrière un sourire excédé, comme j'ai toujours su le faire. Évidemment qu'il ne se serait jamais présenté pour une autre personne qu'Isayah...
— Peu importe ce que dit ou fait Isayah, tu t'acharnes à lui faire des éloges, remarqué-je. Pourquoi ne peux-tu pas en faire autant pour moi ?
— Ton frère se préoccupe de ton bien-être, et toi, tu ne sais que le jalouser.
Je me percerais bien la poitrine, si ça pouvait lui arracher un semblant de sentiment. Rien qu'une expression maussade, ou une simple larme silencieuse. Mais je ne suis même pas sûr que ma mort lui suffirait.
— Qu'est-ce qu'il y a de si mauvais chez moi ? murmuré-je.
— Ton comportement est puérile, arrête de me faire perdre mon temps Sohane.
Sais-je faire quelque chose d'autre ?
Je n'insiste pas quand – de la même manière qu'Aimé – il m'abandonne dans l'obscurité morbide des coulisses et rejoint l'extérieur.
⍦
Je fais abstraction de l'étonnement mêlé à l'ébat qui apparaît sur les premiers visages que j'aperçois. S'ils sont offusqués par mon retour à la taverne, qu'il en soit ainsi. Je refuse de remettre un pied au palais avant la fin des sélections, si c'est pour endurer les remarques constantes qui y découlent sur mon nom. Le tavernier s'empresse de me débarrasser de mon matériel et demande :
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Le Chaos Naquit Après [Tomes 1 & 2]
Roman d'amourAlors qu'il croyait pouvoir fuir le palais royal jusqu'à sa mort, Aimé se voit contraint de s'y impliquer pour venger le meurtre de sa mère. Sa quête de rétribution se mêle à celle de Sohane, fils cadet du roi, l'obligeant à réprimer sa rivalité pou...