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𝓐imé










Je suis sûr que la mère de Sohane devait être d'une beauté à couper le souffle. Il est rare de croiser un homme avec des traits aussi harmonieux. Même en ce moment, alors qu'il est endormi comme chacun des hommes de nos troupes, son visage est si attirant, que je dois me retenir de le toucher.

            Que ce soit sa mâchoire, son nez droit, ses pommettes saillantes et rosées, les grains de beauté qui constellent le dessous de ses yeux, ses longs cils noirs, ou ses cheveux bruns, il dégage une attraction fascinante que je ne suis pas sûr de retrouver chez une femme un jour.

            Isayah lui aussi partageait ce charme peu commun, et je ne l'ai jamais retrouvé chez leur père, le roi. J'aurais aimé rencontrer leur mère, elle avait l'air d'être une belle personne, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur.

            Hier, j'ai perdu la raison. Ce soldat – à présent mort – me répugnait déjà pour ce qu'il avait fait à Tara et je m'étais promis de le lui faire payer. Mais l'entendre manquer ouvertement de respect à Sohane m'a fait perdre tout contrôle, et je me retrouve désormais à veiller sur lui pendant qu'il achève sa nuit. 

            Ce qui me met mal à l'aise, c'est qu'une fois de plus, j'ai éprouvé une certaine quiétude en faisant souffrir cet ignoble soldat.

            De l'autre côté de la pièce, Erèbe est assis en tailleur et d'un signe du menton, il m'invite à le rejoindre. Le jour est sur le point de se lever, Sohane a dormi au moins cinq heures, et je garde mon attention rivée sur lui en rejoignant mon camarade. Je m'assois à ses côtés, conscient que les autres peuvent émerger d'une seconde à l'autre.

Par réflexe, je lui assène un léger coup de poing sur l'épaule, mais un gémissement de douleur s'échappe de sa trachée.

            — Rien de grave, s'esclaffe-t-il. C'est juste Raven qui a estimé que je me tenais trop près de Tara, et je peux te dire qu'elle ne paie pas de mine, mais qu'elle fait mal.

            J'essaie d'étouffer mon rire.

— Une longue journée nous attend, soufflé-je.

            — Encore une où tu vas courir après le prince.

            — Non, j'abandonne. J'aurais beau insister, il ne me fera jamais confiance.

            — Aimé...

            — Il n'a pas envie d'être aidé, je peux te dire que j'ai essayé. Et puis il sait où me trouver, je n'ai pas à lui courir après, comme tu dis.

            — Aimé, insiste-t-il. Tu crois vraiment que s'il te faisait confiance il te le dirait explicitement ? Enfin, c'est Sohane Kihara. Je n'ai jamais vu ce type sourire une seule fois, et j'ai dû l'entendre parler trois fois au maximum.

            — Il ne montre pas ce qu'il ressent, le défends-je.

            Du revers de la main, il m'indique que je viens de m'apporter la réponse à mon problème de moi-même.

            — Je ne le porte pas dans mon cœur, mais j'admets que tout ce qui est dit sur lui n'est pas forcément vrai. Il ne supporte pas le contact physique, tout le monde le sait, mais tout le monde prétend le contraire.

            Ça me rassure de savoir qu'Erèbe n'est pas aussi crédule qu'il le laisse croire, sur tous les sujets qui concernent Sohane.

— Je ne pense pas que tu réalises combien tu dois être spécial pour lui, pour parvenir à te tenir si proche et le toucher, sans mourir.

Le Chaos Naquit Après [Tomes 1 & 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant