(I.1) Dinnara

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Ochima était un pays gigantesque gouverné maladroitement jusqu'à ce qu'une guerre éclate un siècle plus tôt et que celle-ci fasse des ravages dans toute la région. La guerre s'était terminée environ 80 ans plus tôt et avait laissé derrière elle des villes en ruines, des villages dépeuplés et des habitants affamés. Depuis, le pays s'était reconstruit et les divers peuples faisaient en sorte de s'entendre suffisamment bien pour qu'aucun nouveau conflit ne vienne perturber la paix fragile qui s'était tissée difficilement.

Au sud d'Ochima, la frontière avec les Cités Libres était une ligne impassable. La côte Nord du pays quant à elle, s'étendait sur des milliers de kilomètres et il était dit que les vents y étaient les pires du monde connu. Les vagues chargées d'écumes s'écrasaient brutalement sur les falaises à perte de vue, des offensives acharnées, immuables et insensibles qui suffisaient à faire fuir les curieux et à allécher les suicidaires. En somme, ce littoral était illustrement connu pour être une zone « à éviter ». Le fait que par-delà la mer agitée, sous l'épais nuage de poussière visible à des centaines de kilomètres, se situait la cité à la réputation la plus funeste qui soit n'y était probablement pas pour rien. Combien de fois le beau-père de Natzora avait-il menacé de la balancer, elle et son frère, à la mer ?

Un jour viendra et je vous jetterai du haut de la plus haute falaise. Mourrez ou nagez jusqu'à l'Etoile Filante ! Des déchets tels que vous auront leur place avec les autres tas de merde qui s'y trouvent !

Des menaces jamais exécutées mais qui terrorisaient leurs esprits d'enfant. Lorsqu'elle s'en sentait la plus courageuse, Natzora osait lui répondre qu'avec son corps qui manquait incontestablement d'entrainement, il n'arriverait jamais à les porter tous les deux et à monter jusque la plus haute falaise. Le feu de son poing massif sur sa joue de gamine témoignait alors de la suite des événements. Sa mère, qui assistait à ces scènes sans sourciller, terminait souvent en leur disant qu'ils devaient se montrer plus reconnaissant du toit au-dessus de leurs têtes, sans quoi ils finiraient bel et bien de l'autre côté de l'océan.

Ses menaces avaient dû faire naître chez elle une certaine phobie car à ce jour, elle n'avait encore jamais vu la côte Nord de ses propres yeux et son retour sur ce continent n'avait pas pour but d'y remédier.

C'est donc via la côte ouest que le dirigeable qui conduisait Natzora atteint Ochima. Les alentours de l'aérodrome étant aussi agréable qu'une nuit à la belle étoile en pleine tempête, elle avait rapidement filé en direction des terres sur une mobylette de location. Heureusement pour elle, les routes étaient goudronnées et bien qu'elle dut éviter des nids de poules de la taille d'un bœuf à plusieurs reprises, elle arriva saine et sauve à Elric, la ville voisine de celle de son enfance. Elle y passa la nuit, répétant dans sa tête le discours qu'elle avait préparé pour cette rencontre si peu attendue mais qui, à défaut d'être agréable, serait peut-être utile.

Natzora se réveilla aux aurores d'une nuit peu paisible. Les cernes au bas de ses yeux en attestaient et elle se passa de l'eau sur le visage pour tenter de les faire disparaître. Elle prit un petit-déjeuner rapide à l'auberge dans laquelle elle séjournait puis alla faire un tour en ville. Il était encore bien trop tôt pour reprendre la route. Sa mère vivait à Steel, une bourgade située à un vingtaine de kilomètres, enfin, si celle-ci était encore en vie. La femme n'était pas du genre à apprécier les visites tôt le matin, mieux valait donc aller à sa rencontre en fin de matinée.

Natzora arpenta sans but les rues qui s'éveillaient, croisant passants pressés et enfants sur le chemin de l'école. Quelques levés de rideaux en métal la firent sursauter tandis que les commerçants s'apprêtaient à accueillir leur clientèle. Elle tomba sur une vitrine présentant des briquets et couteaux haut de gamme. Elle s'arrêta pour examiner les lames qui brillaient de façon alléchante sous les lumières méticuleusement ajustées pour en faire ressortir l'éclat. Elle s'attarda un moment devant les objets et remarqua que l'un d'eux ressemblait vaguement à celui que Kuroro lui prêtait pendant ses entrainements. Elle se demanda si elle ne devrait pas se munir d'une telle arme et le destin dut en penser de même car le propriétaire de la boutique apparut au même instant et l'invita à entrer.

Nos cœurs alliés - Amor fati (Kuroro x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant