(II.11) Disharmonie

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Alors qu'elle finissait de remettre ses vêtements, Natzora repensait à ce qu'elle avait avoué à demi-mots une heure plus tôt. Le « je crois » qu'elle n'avait pas omis de placer en début de phrase lui permettait de faire bonne figure mais il n'en valait pas moins que Kuroro n'avait nullement retourner la déclaration. Il est vrai que cette lacune avait été quelque peu compensée juste après, au travers de l'enthousiasme dont il avait fait preuve durant leur divertissement luxurieux, un intermède dont elle avait savouré chaque seconde et qui comme d'habitude, l'avait enivrée infiniment. Pourtant, aussi passionné que se soit montré le chef de l'Araignée, il était aussi resté cruellement muet et à ce stade, on pouvait en conclure que la balance était bien loin de son point d'équilibre.

La jeune femme soupira. Elle qui s'était promis de ne pas tomber sous le charme du chef de la Brigade Fantôme, elle était dans de beaux draps. Elle savait son attirance physique pour lui indomptable mais plus encore que cet attrait que certains qualifieraient de superficiel, elle avait le grand brun dans la peau. Elle chérissait leurs échanges savants, appréciait son sens de l'humour fin et piquant à souhait, affectionnait sa façon bien à lui de la traiter avec respect tout en la mettant parfois face à des vérités dérangeantes. Elle aimait partager sa propre vision du monde avec lui et en apprendre plus sur la sienne, y décelant parfois des bribes de son passé et son histoire. Elle adorait découvrir petit à petit toutes les facettes de sa personnalité, captivée par la diversité de leurs teintes chamarrées et de leurs lumières hétérogènes. En résumé, Natzora aimait tout simplement être à ses côtés, et cela, elle n'y était pas du tout préparée.

Elle repensa à sa version d'elle-même d'il y a quelques mois. Existait-il un autre chemin qui ne l'aurait pas menée droit dans les bras de Kuroro Lucifer ? A quel moment tout avait-il basculé ? Était-ce à l'Abukù ? Ou juste avant, sur le pont du bateau qui les y avait tristement guidés ? Peut-être était-ce encore plus ancien, à Edo-Ado alors qu'elle hésitait à l'aider dans sa quête ? Sur ce vaste continent, quel mystère avait guidé Kuroro jusqu'à son village alors qu'il était blessé à mort ? Et quel curieux destin l'avait mis sur la route de Bo ? Le roulis de ses interrogations finit par lui donner un mal de tête et elle marcha jusqu'à la fenêtre pour se changer les idées. Trouver une réponse ne lui apporterait rien, car si tant est qu'elle l'aurait souhaité, on ne remonte pas le temps.

Dans la salle de bain, Kuroro était en pleine cogitation. Il se sentait faiblir face à ses principes de jour en jour et se duper lui-même devenait de plus en plus compliqué. Il voyait ses sentiments pour la jeune femme croître démesurément et si cela avait parfois un côté agréable, c'était aussi terriblement effrayant. Natzora égratignait la surface de ses convictions les plus tenaces et il se sentait plus en danger que jamais. En danger de quoi, c'était difficile à dire. Il ressassa sa vie avec la jeune femme et ces moments où il avait senti la panique l'ensevelir. A bien y réfléchir, il s'agissait principalement de moments où il avait cru la voir s'éloigner, où il avait pensé la perdre. L'idée qu'elle sorte de sa vie l'angoissait affreusement et c'était bien là tout le problème.

Une part de lui voulait tout envoyer en l'air pour s'assurer que quoiqu'il arrive, elle resterait à jamais saine et sauve à ses côtés, mais une autre part de lui craignait qu'elle le rejette. C'était probable, après tout. Tout du moins dans sa tête. Et si toute cette histoire n'était qu'une romance idiote enjolivée par un mystérieux artifice ? Le temps lasse et les amours passent, voilà ce que le chef de l'Araignée avait appris au cours de sa vie. Natzora finirait par se lasser et ce serait alors une souffrance insupportable. Dans son esprit torturé, Kuroro ne voyait qu'une seule échappatoire : pour ne pas souffrir, il devrait se lasser le premier.

Ses habits noirs revêtus, il sortit de la salle de bain et Natzora lui signala avoir vu passer Franklin et Bonorenof dans la cour depuis la fenêtre, puis Nobunaga à peine deux minutes plus tard. Il lui indiqua qu'il était temps pour eux de rejoindre la salle principale et elle comprit qu'il était surtout temps pour elle de s'en aller, ce pourquoi elle empoigna son sac avant de sortir de la chambre.

Nos cœurs alliés - Amor fati (Kuroro x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant