(III.10) De pluie et de larmes

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La porte se referma et encore une fois, Natzora se retrouva seule dans l'accablante noirceur de la fatalité. L'étau déjà resserré sur son avenir referma sa gueule écrasante et de ses crocs acérés, perfora la jeune femme de part en part. Qui était cet homme qui, pire encore que de lui avoir voler son Troisième Œil, venait de lui arracher le cœur ? Tout s'était passé si vite et si lentement à la fois.

Quand l'esprit se confronte à une situation irrespirable, il a tendance à vous voiler la face aussi joliment que possible et de ce glaçage mielleux, vous enrobe pour préserver tout votre être. Un bien beau procédé qui vous permet d'échapper aux aiguilles du traumatisme qui, pendant ce temps, se font une place bien au chaud dans un coin de votre tête. Une réaction inconsciente tout droit issue de votre instinct de survie, car sans cela, que vous resterait-il pour vous empêcher de commettre l'irréparable ? Comment ne pas choisir la solution définitive qui vous sortirait à jamais des tourments de la vie ?

Natzora s'extirpa de sa tétanie, récupéra pour la énième fois son sac de voyage et s'enfuit en courant vers sa voiture. Elle roula à toute vitesse sur cette route qu'elle connaissait par cœur. Son monde s'effondrait et de ses vœux purs ne restait que son impuissance désolante. A cet instant, la seule chose qui maintenait ses espoirs, aussi menus soient-ils, était la possibilité d'arriver à Edo-Ado avant qu'Aizen ne mette ses menaces à exécution. Et si celui qui dirigeait l'Univers se décidait enfin à lui accorder un répit, alors elle prendrait sa grand-mère et le reste de sa famille pour les mettre à l'abri. Où ? Elle ne le savait pas encore mais elle trouverait une solution. Aizen ne se montrerait plus jamais en chair et en os alors la fuite était sa seule échappatoire.

L'humidité de cette fin d'été ne tarda pas à faire craquer les nuages et à répandre sur sa carcasse les gouttes de son spleen. Les choses ne s'arrangèrent pas quand, à bout de force, ses paupières s'allégèrent des papillons noirs de sa tristesse profonde. Ces flots hors de contrôle inondèrent ses sens jusqu'à les endolorir et de la puissance submersive de leur torrent, tentèrent de la noyer sans vergogne.

Natzora étouffait aux travers de ses sanglots. Un ruissellement continue qui obscurcit davantage sa vue déjà imparfaite en cette nuit orageuse, alors quand une silhouette humaine se dessina en frontière de ses phares, elle n'eut qu'une fraction de seconde pour appuyer sur le frein et tourner brusquement son volant sur le côté. Sa voiture manqua de faire une embardée fatale sur l'asphalte rendue glissante par l'averse monstrueuse et sa tête cogna violemment sur son volant avant de repartir en arrière dans un choc tout aussi brutal.

Natzora cligna des yeux dans la pénombre avant de redresser sa tête, déclenchant une douleur vive au niveau de ses cervicales. Elle porta la main à sa nuque avant que celle-ci ne soit attirée par une substance tiède qui coulait depuis son front jusqu'à la pointe son nez. La couleur rouge de ce liquide l'informa sur l'état de son crâne et elle grimaça en regardant la route sur laquelle elle aurait juré avoir vu quelqu'un quelques secondes plus tôt. Ses pleins phares encore allumés rayonnaient sur plusieurs dizaines de mètre, révélant un paysage déserté par l'humanité.

Soudainement, on toqua à la vitre de sa portière. Elle sursauta et quand elle tourna sa tête, elle n'eut qu'une seconde pour apercevoir le visage de celui qui s'y présentait avant que la fenêtre ne vole en mille morceaux. Des éclats écorchèrent son visage et le reste de son corps. Une main agressive vint l'attraper par le cou et une autre par le col pour l'extraire du véhicule par la fenêtre. Ses vêtements partirent en lambeaux et des débris mutilèrent sa peau.

L'homme la plaqua au sol et s'assit au-dessus d'elle, l'immobilisant de tout son poids. Il pressa un peu plus fort la main sur sa gorge et se pencha sur son visage abîmé. Son autre main caressa son visage de ses longs doigts pour le dégager de ses cheveux et elle put lire sa propre mort dans ses yeux aussi foudroyants que les éclairs qui terrassaient les arbres un peu plus loin. Le regard vide, Natzora n'opposa aucune résistance. En avait-elle seulement la volonté ?

Ses oreilles bourdonnantes eurent peine à entendre les mots que son assaillant lui adressait mais quand il glissa sa main sous son t-shirt, un regain de lucidité réveilla ses facultés de rébellion. Tirant son énergie d'elle ne sait où, elle lutta pour se libérer de l'emprise de son agresseur. La force herculéenne de celui-ci la maintint au sol avec cruauté et c'est quand ses cuisses s'égratignèrent sur le goudron qu'elle comprit qu'il avait réussi à lui retirer son pantalon.

Elle se débattit de plus belle mais ses membres ne lui obéissaient plus. Ses bras et ses jambes étaient liés au sol alors elle se mit à hurler à pleine puissance. Elle pouvait sentir ses mains sur son corps et faillit perdre la tête quand ses lèvres s'imposèrent sur les siennes. Incapable de bouger davantage, elle ne put que pleurer et pleurer encore. Elle supplia l'homme de la laisser tranquille mais de son visage battu par la pluie diluvienne, il ignora les suppliques.

Il lui intima d'arrêter sa résistance mais elle poursuivit ses paroles dans l'espoir de susciter sa pitié. Il perdit patience face à sa désobéissance et lui parla subitement d'une voix encore bien plus menaçante. Qu'avait-il dit ? Elle se répéta les mots dans sa tête :

« Je n'ai rien contre toi mais il doit souffrir... Et pour cela tu dois souffrir »

L'étoile bleutée sur sa joue droite ne brillait pas. Sur l'autre, la goutte factice avait perdu son éclat doré, dilué dans les eaux de la pluie glaciale. Ses cheveux habituellement hirsutes mouraient à plats sur son visage blafard. Seul restait son sourire gavé de venin.

Natzora était épuisée.

Sa révolte tuante consuma son corps progressivement, jusqu'à ce que recroquevillé sur lui-même tel un enfant apeuré, son esprit s'évade loin de cette scène écœurante. Une chaleur douce glissa alors sous sa peau comme du velours. Natzora était ailleurs, dans un endroit où le temps ne comptait plus et où toutes les turpitudes du destin ne pouvaient corrompre ni son âme, ni son corps.

Dans son imaginaire fantasmé, la sobre végétation et les teintes sombres des alentours la guidaient vaillamment vers l'horizon chaleureux où l'éclatant cercle d'or assoupi derrière les montagnes lui promettait le nirvana. Comme dans ce tableau qui avait fait chavirer son cœur, le chemin s'arrêtait sous ses pieds : elle était arrivée au bout.

Un cri fendit les airs....

                    ...et la lumière ne fut plus.




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Nos cœurs alliés - Amor fati (Kuroro x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant