Chapitre 6

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Un vent frais d'hiver me glace les os malgré les vêtements chauds que je porte sur moi.
Son souffle vient délicatement perturber mes cheveux attachés en une demi-queue de cheval. Au loin, j'aperçois un imposant ensemble rocheux : c'est une falaise. Elle a beau être à plusieurs mètres, il n'y a pas de brouillard pour perturber ma vue. Ce qui m'offre un magnifique paysage.
Soudain, j'aperçois une frêle silhouette qui semble appartenir à une femme. C'est tranquillement qu'elle regarde du haut de la falaise l'immensité de l'océan.
Ses longs cheveux sombre illuminés par les clairs rayons de soleil - faibles en cette saison – sont élégamment portés par la brise hivernale.
Et alors que je reconnais mon amie Elena, je prends mes jambes à mon cou, un sourire aux lèvres.
D'emblée je cri son prénom pour l'informer de ma présence. A l'entente de ma voix, elle se retourne mais ne semble pas heureuse de me voir. Au contraire, son visage n'affiche qu'un air triste.
Étonnée, je me mets à courir plus vite pour la rejoindre mais plus j'accélère la cadence, plus la distance qui me sépare de ma meilleure amie semble s'agrandir. Le chemin est interminable.
Je recrie le nom d'Elena maintes et maintes fois mais plus je l'appelle plus j'ai l'impression qu'elle se referme sur elle-même.
Le temps aussi semble s'assombrir : en quelques secondes, les flots se déchainent. Un tourbillon de flocons m'enveloppe m'empêchant d'aller plus loin.
De toutes mes forces je lutte contre neige et vent pour rejoindre coute que coute Elena.
Oubliant la douleur du froid qui me transforme en statue de glace petit à petit, c'est la gorge en feu que je cri de plus belle le nom de mon amie.
Mais une fois de plus, la tempête semble reprendre de la vigueur . La neige tombe en abondance : bien vite la silhouette d'Elena disparait de mon champ de vision et cette masse blanche me recouvre maintenant jusqu'aux genoux, ce qui bloque ma marche.
Le vent me brûle les yeux, ma coiffure est complètement défaite, laissant mes cheveux entremêlés entre eux et les nombreux flocons qui les recouvrent.
Tremblante de froid et de mes légers sanglots, piégée dans cette masse blanche et cet ouragan, je hurle désespérément « Elena » une dernière fois.
Aucun son ne me parvient à part le sifflement inlassable du vent qui me fait perdre la tête. Alors c'est pleurant toutes les larmes de mon corps que je me laisse tombée, laissant Elena toute seule pour affronter son tourment.
_Isabella
Oh Elena, si seulement tu pouvais me répondre et que je pouvais te rejoindre.
_Isabella
A l'entente de mon prénom je me relève frissonnante mais emplie d'un semblant d'espoir.
La tempête à pris fin. La neige qui est tombée à complètement bouleversée l'horizon mais au loin, la silhouette d'Elena m'apparait de nouveau. Droite et en me regardant dans les yeux dont les siens ne traduisent que tristesse, je sens mon être s'emplir d'un profond sentiment de terreur et d'effroi.
Mais au moment où je reprends ma course pour la rejoindre, son visage, son magnifique visage se mouilles d'innombrables larmes de douleur.
D'emblée, elle porte la main à son ventre d'où surgit un gluant liquide pourpre : du sang.
Prise de nausées et de spasmes incessants, elle se courbe sur elle-même pour finir par se laisser tomber sur cette poudreuse immaculée bientôt peinte en une marée de rouge.
A cette vue mon cœur rate un battement. Tout se met à tourner beaucoup trop vite, je suis perdue dans une tornade de violentes émotions.
Entre épouvante, chagrin, douleur : je suis déchirée.
Non ! C'est impossible. Je n'ai pas pu perdre ma meilleure amie ... Pas maintenant. Non ! Non !

_ELENA ! Je hurle en frappant de toutes mes forces sur cette masse blanche qui semble se durcir au moment où je reprends vaguement conscience de ce qui m'entoure alors qu'on se met à me secouer.
_Isabella. Isabella ! Réveille-toi !
A l'instant où on me donne une violente claque mes paupières s'ouvrent difficilement. Et c'est avec étonnement au bout de quelques longues minutes que je remarque que je suis allongée sur mon lit et que ce n'est seulement mon matelas que j'étais entrain de frapper.
Vite-fait, je scrute la pièce du regard mais il n'y a personne dans ma chambre. Seul le vent sifflant contre les vitres parvient à mes oreilles.
Je n'ai pas rêvé. J'ai pourtant entendu quelqu'un m'appeler ... et sentis quelqu'un me frapper ...
Avec épouvante alors que mon mauvais rêve ressurgit dans ma mémoire, je demande, un filet de sueur coulant le long de mon échine :
_Elena ! Où est Elena ?
La personne sort en trombe de ma salle d'eau et alors qu'elle se jette sur moi pour m'enlacer de toutes ses forces, elle me dit :
_Je suis là Isabella. Tout va bien, tu as juste fait un cauchemar. J'ai dû te laisser seule quelques instants pour faire couler ton bain ...
_Oh Elena ! J'ai eu si peur ... J'ai, j'ai cru que tu y avais laisser ta vie toi aussi ... lui confessais-je entre deux sanglots.
Et alors que mon amie se met à me bercer, elle me chuchote doucement :
_Calme-toi ma belle. Je suis là.
Elle pose un baiser sur mon front tandis que je me blottie contre-elle.
_Comme tu vas mieux, Charles requiert ta présence ... de quelque couleur veux-tu que ta robe soit ?
_Je suis encore en phase de deuil Elena. Lui répondis-je le souffle court, une larme venant se loger dans le coin de mon œil.
_Excuse-moi Isabella ... Je ne voulais pas te faire de mal ...
Elle resserre son étreinte et au bout de quelques minutes de silence, elle me fait savoir :
_Bon. Je vais m'occuper de ta toilette, fais-moi signe quand sera prête ... et fait attention en te levant ... cela fait une semaine et demie que tu es alitée ... sans compter la traversée ...
Et au moment où Elena ferme la porte de ma salle de bain, je me laisse retombée sur le lit.
Une semaine.
Cela fait une semaine qu'Elena a réussit à persuader Charles.
Et je lui suis entièrement reconnaissante. Grâce à elle, les médecins m'avaient enfin laisser en paix et j'ai pu passer des moments de pur bonheur : Elena a réussi à me faire oublier ma maladie même si ce n'était pas gagner au début : la plupart des repas qu'on m'apportait et qui devenait de plus en plus copieux se retrouvaient en partie régurgités.
Et même si au fil des jours j'avais repris du poids et de la force, on m'a interdit jusqu'à ce matin de me lever de mon lit ... et sans savoir pourquoi ni comment, j'avais l'impression que ma mémoire me jouait parfois des tours ...
J'avais essayé de résumé du mieux possible à ma meilleure amie les six mois épouvantables que j'ai passé aux Amériques : la traversée, mon arrivée au fort de Tumbes, les effroyables manières de Pizarro dont je garde d'atroces souvenirs , la rencontre avec les trois enfants, le secret que renferment mon peigne, les retrouvailles avec mon père, la mort de Francesco, Hernando, les Olmèques, la montagne du bouclier fumant, les Cités d'Or, la Pyramide de Mu, l'explosion du camp ...
Mais, mais malgré ça, j'avais la ferme impression qu'il manquait une part au récit ... mais impossible de savoir quoi ... c'est le trou noir.
De son côté, Elena a effectué les recherches pour Sa Majesté et a surpris le plus de conversations possibles comme je le lui avais demandé dans ma lettre mais il faut encore qu'elle m'en fasse un rapport détaillé ... elle a préféré me changer les idées avec d'autre thèmes comme ... la mode.
Je ne pouvais pas lui en vouloir, elle a tellement fait pour moi ces derniers temps, sa présence était plus qu'un réconfort pour moi ! ... Même s'il m'arrivait de la trouver différente : ces derniers temps, elle a des sauts d'humeur dans lesquelles je ne la reconnais pas ...
Je préfères me dire que c'est moi qui ai changé et que l'Elena que je connais depuis toujours est restée la même !
_Isabella ! Ton bain est prêt ! M'informe-t-elle enjouée.
Je souffle un bon coup et lui réponds :
_J'arrive, deux secondes ...
_Isabella ! Il te reste moins d'une heure pour te préparer avant ton audience privée avec Sa Majesté alors fait moi le plaisir de sortir de ce lit !
Je ne me fais pas prier : je me lève doucement pour éviter les vertiges et c'est à petit pas que je me dirige vers ma salle d'eau.
Une fois entrée, Elena se dirige vers moi et alors qu'elle commence à défaire les lacets de mon fond de robe, je lui dis en me tournant vers elle, un peu précipitamment et paniquée :
_Elena, laisse. Je vais me débrouiller ne t'inquiètes pas ...
En effet, jusqu'ici j'avais réussi à lui cacher les cicatrices de mon dos ... je n'ai pas envie qu'elle les voit ... c'est mieux ainsi, je pense.
_Oh excuse-moi ... je ne pensais pas ... que ... dit-elle désolée.
_Non, c'est juste que ...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'elle a déjà pris congé non sans m'adresser un chaleureux sourire.
Déshabillée, je plonge dans l'eau chaude qui me détend immédiatement. Puis lavée et parfumée, j'attrape une serviette au moment où sans le vouloir, mon regard se pose sur le miroir. Six mois et demi que je ne me suis pas contemplée, depuis la dernière fois que j'ai vu mon reflet bien des choses se sont passées ... quelle Isabella vais-je découvrir si je décide de m'y mirer ?
Quand j'ose m'avancer jusqu'au miroir, c'est à peine si mes jambes me soulèvent encore. Je suis prise d'importants tremblements quand je me mets à contempler mon reflet.
Et c'est à peine si je me reconnais : la fille qui me fait face, est une parfaite inconnue.
Je me détaille alors de haut en bas : les traits de mon visage sont plus renfoncés, plus fin aussi mais mon regard, lui est déterminé. Je sais qu'on ressort toujours plus fort de ses blessures.
Mes cheveux ont bien gagné dix centimètres, bien que je n'aime pas avoir les avoir si longs - question de pratique – je m'étonne à me trouver assez jolie.
Mes yeux descendent ensuite sur ma poitrine, sur mes côtes, sur ma taille. Je me trouve bien trop fine, mes os ressortent beaucoup trop à mon goût, mes courbes ne sont plus les mêmes. Mon regard aussi est troublant : empli de détermination, de vengeance ...
Mon être à jamais marqués par les cicatrices qui témoigne de ces six mois durant lesquelles j'ai battu, j'ai tué, j'ai lutté et souffert.
S'il y a bien une chose que je retiens c'est que :
Je ne suis plus la même.


Fanfiction Les Mystérieuses cités d'or. Saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant