Derrière la porte qui donne sur les escaliers permettant de rejoindre la salle de bal, j'attends Charles.
Je ne tiens plus sur place, mes mains sont moites témoignant de mon angoisse.
Je les repasse sur les plis de ma robe maintes fois ... autant pour essuyer mes paumes que pour remettre les plis en place même s'ils sont parfaits.
Comment na pas être anxieuse ?
De plus, le matin même, à peine fus-je réveillée, que Charles m'avait offert « le plaisir de sa couche » ce qui me tendais encore plus.
Toute la semaine il est resté auprès de moi afin de s'assurer que j'avais tout ce qu'il fallait. Il a même retardé le bal attendant que je sois complètement rétablie pour me faire l'honneur d'être sa cavalière. Je ne peux pas refuser, je n'en ai pas le droit. Je sais ce qui m'attend ce soir et je suis prêtre « à l'affronter ».
Je passe ma main droite dans la poche de ma robe. -Eh oui, c'est bien pratique quand on joue un double rôle- et bien vite la phalange de mon index atteint un métal froid : la clé des appartements de Sa Majesté.
Voilà ce que m'avais donné Charles alors qu'on ou qu'il m'embrassait passionnément, son corps entièrement plaqué sur le mien à ne plus en respirer ...
Après ça, comment ne pas offenser Sa Majesté ? Je suis sensée voir le fait de coucher avec lui comme un privilège. Très peu de favorite ont le droit à cette honneur ...
Je suis remplie d'une joie angoissante et affres qui me fait perdre tous mes moyens. Même si je suis très proche de Charles, je me vois très mal allongée sur son lit royal à ses côtés.
Respire Isabella. Respire.Soudain, je sursaute, mon cœur manquant de peu de lâcher : on vient d'ouvrir la porte afin de laisser entrer vous savez qui ! A sa vue, je manquais de chanceler... je ne l'avais jamais vu si beau. Il me rattrapa de justesse par la taille :
_Isabella, est ce que tout va bien ?
Relevant la tête, je plonge mes yeux dans les siens.
Charles s'était rasé ce qui le rendais encore plus jeune qu'à l'ordinaire. Ses cheveux étaient impeccablement coiffés : de petites mèches tombaient sur son front, mettant un peu de « fantaisie » au tout.
Au bout de quelques secondes je lui répondis :
_Oui Votre Majesté. Je vous remercie.
_Ce soir, très chère, appelle-moi Charles.
C'est bien la première fois qu'il m'autorise à l'appeler par son simple prénom en public ... et un privilège de plus !
C'est sûr, avec ça toutes les dames de la cour vont être jalouse de moi ...
J'ouvre la bouche mais je la referme. Ne me laissant pas le temps de répliquer, Charles m'offre un de ses plus beau sourire et son bras.
Il est majestueusement habillé. Vêtu d'un pourpoint bleu sous lequel il a mis une jolie chemise brodée d'or en soie blanche, glissée dans un pantalon droit, bleu nuit foncée brodé d'argent. Agrémenté au passage d'une magnifique ceinture de cuir ; l'ensemble accentuait son charme, sa prestance, bref toute sa personne.
En somme, il est en tout point, particulièrement séduisant.
Sur ce, la porte s'ouvre et le valet après avoir frappé trois coups annonce :
_Sa Majesté l'empereur Charles Quint de Habsbourg, du Saint Empire Romain Germanique et Roi d'Espagne accompagné de l'ambassadrice Isabella Laguerra.A peine eut-il le temps d'achever sa phrase que tous les regards se tournèrent vers nous. Accrochée au bras de Charles, je pris une grande bouffée d'air pour chasser ma nervosité avant de m'aventurer sur le tapis rouge soigneusement callé sur les différentes marches de l'escalier de marbre.
Je m'efforce de regarder le font de la salle alors que nous descendons, les marches une par une.
Je m'efforce de paraître élégante, d'avoir la tête haute.
Ce soir, je n'ai pas le droit à l'erreur.
Sur un côté de la majestueuse salle de balle, je distingue les musiciens ordonnés suivant l'instrument qu'ils portent dans leurs mains. Entre violons, clavecin et luths il y en a pour tous les gouts.
Chacun des ménestrels est concentré sur la partie du morceau qu'il a à jouer. Charles veut que ce bal soit parfait.
Dire que tout ça c'est pour moi ...
La lumière émanant des chandeliers semble valser au rythme de la musique, renvoyant au plafond sur lequel est représenté la Gigantomachie et sur les murs recouverts de magnifiques fresques représentant des épisodes mythologiques comme l'Enlèvement d'Europe ou encore des dieux et des héros, des ombres semblables à des couples de danseur s'adonnant sans scrupule et non sans nonchalance.
Me donnant un premier goût de comment va se finir cette longue nuit.
Je déglutis péniblement et me ravise au moment où sur notre passage, les courtisans se courbent en une révérence. Tout en les jaugeant de haut, j'œuvre à regarder le maximum de personnes dans les yeux et à leur donner un léger sourire ... ce qui s'avère compliqué quand on a appris toute sa vie à se montrer impassible.
Je reconnais ainsi le duc de Bavière, le monarque du Danemark, le roi de Hongrie, le roi du Portugal et tant d'autre qui ont répondu à l'invitation de Charles.
Sa Majesté s'est bien gardée de ne pas inviter le roi de France, ce qui aurait sûrement déclenché une guerre entre les deux souverains ... les relations sont toujours aussi tendues ...
Sur ce, alors que la marche prend fin, toujours accrochée au bras de Charles, celui-ci me guide tranquillement au milieu de la salle.
C'est à nous d'ouvrir le bal par une valse.
Charles me prend délicatement par la taille, tandis que je pose une main sur son épaule et l'autre sur sa côte.
Les violons se mirent à jouer. Et alors que je tournoie à la cadence de cette douce mélodie tout devient qu'un tourbillon de couleurs et de volupté.
Je m'étonnais à sourire franchement, collée au corps de celui qui me tenait. Seule sa présence me reliait à mon esprit qui se perdait dans cette atmosphère dont je n'avais pas gouté les prémices depuis longtemps.
_Tout le monde te regarde me fait-il remarqué.
Et en effet, c'est seulement quand la musique s'arrêta que je me détachais des yeux sombres de Charles et que je saisis les regards des convives dont j'avais la totale attention. Certains avaient la bouche ouverte marquant l'étonnement de notre prestation subjuguante.
Je réprimais de justesse un petit rire nerveux.
_Tu es magnifique.
Le souffle de Charles dans mon oreille et ses lèvres dessinant un sourire sans faille me replongèrent dans un océan empli de la doucereuse magie de la fête. L'espace d'un temps je réoubliais la foule dont les prunelles étaient essentiellement braquées sur ma personne.
Je dû reprendre mon courage pour rejoindre le fauteuil de bois esthétiquement sculpté, placé au côté du trône de Son Altesse.
Une fois assisse, les violons reprirent leur air de valses. Je fermais les yeux et me revis quelques instants plutôt, emporté par l'élan de cet homme - qui je dois l'admettre me faisait tout de même tourner la tête - dans cette grande salle où il n'y avait que nous dans un semblant de réalité.
Les verres et les danses s'enchaînaient tout comme les convives qui tournoyaient sans cesse dans une symétrique myriade.
La musique bas son plein, j'ai dû mal à percevoir les conversations dans tout ce brouhaha.
_Isabella ...
Cette voix : celle de Charles.
Je me tourne vers lui. Je ne peux m'empêcher de le contempler, de le contempler et de le contempler ...
J'ai peur d'oublier ses traits pourtant si familiers, une fois que je serais repartie ...
_Est ce que tout va bien ? Tu es pâle bizarrement ...
Je hoche difficilement la tête, tout tourne trop vite ...
_J'ai ... j'ai dû boire trop de vin d'un seul coup ... répondis-je d'une très faible voix.
Charles ouvre la bouche mais je ne lui laisse pas le temps d'en placer une.
Prise de nausées, entre cette boisson envoutante, toutes ces rondes infernales et ce son électrisant, je décide d'aller chercher à manger par moi-même. Hors de question que quelqu'un d'autre le fasse pour moi ...
Quelques monarques se retournent sur mon passage. Les corps se frôlent, se confondent.
Dans cette masse, il m'est difficile d'avancer même si la plupart se décale pour me laisser passer ...
Fondant dans la foule colorée de bleu, de noir, de rouge, de vert et d'une multitude de coloris divers, je me dirige vers le buffet ; une magnifique table rectangulaire argentée sur laquelle sont disposés mets variés, viandes adornées de légumes coupés méticuleusement en morceaux alléchants.
Me frayant un dernier passage, je me poste devant ce festin, attrapant une assiette sur ma gauche.
Mais au moment où je me sers une tranche de cerf fumante et une cuillerée de sauce au poivre, une imposante ombre passe.
Je la sens se plaquer légèrement à moi.
Prenant conscience que ce n'est pas Charles, je prends sur moi pour ne pas me retourner et faire comme si, je n'avais pas remarqué cette mystérieuse personne.
Faisant attraction de son souffle chaud que je perçois dans ma nuque, tellement elle est proche de moi, je continue de remplir mon assiette.
Je me concentre pour atténuer mon souffle saccadé et les battements frénétiques de mon cœur. Ma robe me semble soudain trop étroite ...
Pourtant, prise de stupeur, je lâche la cuillère que je tenais dans ma paume droite quand l'ombre murmure dans le creux de mon oreille sur un ton amical, beaucoup trop amical pourtant démoniaque.
Sa langue frôle chaleureusement mon hélix,un très violent frisson glacial me parcours la colonne.
Et c'est l'abime quand je reconnais le timbre de cette ombre dont les mots me sont adressés.
_Bella ! Comme on se retrouve ...
VOUS LISEZ
Fanfiction Les Mystérieuses cités d'or. Saison 2
FanficIsabella revient dévastée et affaiblie de sa première mission, à la cour d'Espagne. Aidée par sa meilleure amie Elena, elle va tenté de trouver des réponses sur son passé qui cache de lourds secrets et surtout sur la personne qu'elle est vraiment...