Chapitre 7 - Mathieu

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Au lieu de me mêler aux convives, je me promenai dans le domaine et finis par m'immobiliser devant le splendide coucher de soleil. Ses rayons nimbaient les bancs de sable du Stêr découverts par la marée basse. De multiples bras d'eau ruisselaient jusqu'à l'Atlantique qu'on apercevait du manoir de Kerlut. La vue était à coupée le souffle pour qui savait l'apprécier.

Tenant d'une main ma flûte de champagne, je dégainai mon smartphone pour immortaliser cette vision, puis l'envoyai à Mylène. Une poignée de secondes plus tard, elle répondit par un émoji cœur. J'en profitai pour lui demander si sa soirée se passait bien.

Malgré tous nos arguments, elle avait refusé catégoriquement de venir au mariage en affirmant que ça n'aurait pas été correct de s'incruster à l'improviste. Ce qu'Agnès avait vivement approuvé, trop heureuse de passer une journée sans « l'intruse ».

Ma sœur n'avait pas rengainé son sabre et continuait de battre froid Mylène. Les heurts et les maladresses s'accumulaient. Difficile d'inventer un nouvel équilibre familial pour ne léser aucun de nous. Mais pas une fois mes parents avaient remis en question la présence de mon amie sous notre toit. Au grand dam d'Agnès, bien sûr.

« Arrête de me materner, Mat, je vais très bien. Malcolm a été mandaté pour prendre soin de moi. »

Elle plaisantait, c'était bon signe. J'avais peur qu'elle se renferme depuis qu'elle avait porté plainte contre son monstre de père avec le soutien de mes parents – ils avaient été désignés comme ses tuteurs de façon temporaire –, de moi-même et de son psy qu'elle voyait deux fois par semaine. Je rangeai mon smartphone, délivré de mes craintes infondées.

— Oh, Mat, toi aussi, tu fais bande à part ?

Je me retournai de trois quarts et vis Thomas marcher vers moi. À son regard opaque, je devinai que le moral n'était pas au beau fixe. Que lui était-il arrivé de grave ? Je ne l'avais encore jamais côtoyé ainsi. Je le lui fis remarquer.

— Je n'ai pas envie d'en parler, marmonna-t-il.

— C'est mauvais de garder quelque chose en travers de la gorge, ça rend aigri. Raconte-moi que je t'allège un peu de ton fardeau.

Le grand frère de Lucile me coula une œillade méfiante mais accepta de me confier ses problèmes de cœur.

— Je suis désolé pour toi, Tom. Il paraît qu'il faut laisser du temps au temps, qu'il finit par adoucir toutes sortes de blessures, même les plus graves. Je t'avoue ne pas vraiment y croire.

Un instant, le paysage se flouta. Des flashs se superposèrent en vrac. Des sensations désagréables m'étouffèrent.

— Tu n'as qu'à te dire qu'une de perdue égale dix de retrouvées, ajoutai-je, la voix enrouée.

Un rire sans joie me répondit.

— Franchement, Mathieu, t'aurais pu te retenir. On ne partage pas la même conception de l'amour, tous les deux. Je n'ai jamais adhéré à l'idée de préférer les relations sans avenir à des authentiques. Peut-être que c'est une façon de se protéger mais je trouve ça assez nul.

— Je n'ai pas eu tant d'aventures que tu sembles le croire, contestai-je. Je ne suis pas un Dom Juan ou un Casanova.

— Peut-être mais ça ne change rien au fait que tu m'as toujours charrié sur mes principes soi-disant vieux jeu.

Un sourire goguenard fleurit sur mes lèvres.

— Que veux-tu que je te dise, Tom ? Tu es quelqu'un de trop sérieux ou de foncièrement rêveur. Tu n'as pas su exploiter cette période bénie de l'école à sa juste valeur. Je te rappelle que c'est le moment où on commence à expérimenter, à tester les limites, à découvrir les plaisirs charnels.

La Nostalgie de l'horizon marinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant