Chapitre 38 - Lucile

4 1 0
                                    

Je venais de rentrer à l'appartement, les bras plus chargés qu'à mon départ. Mes affaires en vrac sur dans le petit couloir, je m'étais adossée à la porte d'entrée refermée, puisant dans mes forces enfouies pour survivre aux prochaines semaines.

— Tu peux te pousser de là, Tigresse ? J'aimerais passer, murmura tout à coup une voix grave que j'aurais préféré ne jamais réentendre.

Le frisson qui parcourut ma peau à l'endroit où son souffle s'écrasait me déplut si fortement que je ne pus m'empêcher d'être désagréable. Au diable tes belles résolutions ! exulta presque ma conscience que je soupçonnais de savourer grandement mes prises de bec avec Mathieu.

— Tu ne pouvais pas mourir pendant le week-end, Côte fêlée ? lançai-je effrontément. Je ne sais pas moi : sauter du balcon, te taillader les veines, te pendre avec ta ceinture, par exemple.

— Oh, mais, dis-moi, tu as l'air d'humeur massacrante ! Qu'est-ce qui t'as mis dans cet état ? Ton retour à Brest ou ma présence ? Par ailleurs, je t'ai connue plus inventive. Tu te ramollis, ma vieille !

— Moule à gaufre, grinçai-je à l'entente de ses paroles révoltantes.

— Oiseau de malheur mal empaillé, je suis sûr que tu n'as jamais fait usage de celui-là, me glissa-t-il, un vent de vantardise battant pavillon sur son visage.

Il avait raison sur ce point et ce constat augmenta ma colère. Je crachai une bordée d'injures pimentées sous son regard narquois où brillait une lueur de désir que j'aurais aimé ne pas identifier.

Mathieu avança encore d'un pas. Nos corps n'étaient plus séparés que par une misérable distance qui frisait l'insolence et dont l'indécence aurait été sévèrement mise sur la touche quelques décennies auparavant. De mauvaise grâce, je finis par me décaler.

Le sourire indolent, mon détesté colocataire quitta tranquillement l'appartement. Tout aussi brusquement qu'il s'était emballé, mon cœur retrouva sa sérénité. Il semblait frôler la tachycardie lorsque le jeune homme avait le malheur de s'approcher d'un peu trop près.

Accroupie devant la cage de Dynamo qui piaffait d'impatience après tout un trajet à miauler de désespoir, je l'en libérai. Le propriétaire n'avait vu aucun inconvénient à la présence d'un animal. Ainsi, en l'emmenant avec moi, j'avais résolu sa déprime. J'espérais simplement qu'il ne s'ennuierait pas trop dans un si petit espace. De toute manière, j'avais prévu de le ramener à Loctudy à chacun de mes retours pour qu'il puisse se promener à sa guise. Pour l'heure, Dynamo frottait sa tête contre mon genou en émettant des ronronnements sonores. J'embrassai son poil soyeux, puis me redressai pour allumer le poste de radio tandis qu'il partait en excursion dans l'appartement.

J'étais en train de dîner lorsque Mathieu revint. Je me rappelai soudain d'une chose importante et l'interpellai vivement. Sans se braquer, il s'assit sur l'autre tabouret et me fit signe de m'exprimer.

— Pourquoi as-tu menti à Alix Lebrun sur notre relation ?

— Ça m'est venu comme ça, je n'ai pas réfléchi.

Je m'en interloquai, si bien que Mathieu acceptât de me mettre au fait de son truchement.

— Alix est un véritable coureur de jupon, en plus d'avoir la fâcheuse tendance de courir deux lièvres à la fois. Il ne fait pas de doute qu'il aurait tout fait pour que tu te retrouves dans son lit. C'est l'unique chose qui l'intéresse chez les filles. Tu comprends, maintenant ?

— Qu'est-ce qui te fait dire que ça ne m'intéresse pas de visiter ses draps ? rétorquai-je du tac au tac, l'air licencieux, pour mieux dissimuler mon écœurement.

La Nostalgie de l'horizon marinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant