Chapitre 39 - Mathieu

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Je grommelai en sentant quelque chose de râpeux me lécher l'oreille. Une forme se situait tout près de mon visage. Je ne cherchai pas à savoir ce que c'était mais, voulant la repousser, sentis des poils sous ma paume. Je ne pus retenir un juron.

— Un chat ! m'exclamai-je. C'est pas croyable, il n'y a que cette peste de Breton pour me faire un coup pareil. À croire qu'elle ne peut vivre sans lui !

Je roulai sur le côté afin de voir l'heure. Six heures du matin seulement. Encore une heure avant de me lever. Naïvement, je crus pouvoir me rendormir. C'était sans compter la satanée bestiole qui en avait décidé autrement. Sa longue toilette effectuée, elle s'allongea de tout son long contre mon flanc. Je tentais alors de somnoler. Peine perdue. Le sommeil s'était envolé.

Vingt minutes avant la sonnerie de mon réveil, je me levai. Cela gêna Dynamo – quel nom, foutrediable ! Avec un culot inimaginable, il alla se recoucher sur mon oreiller. Je m'habillai en le fixant d'un œil mauvais, réfléchissant à des façons de lui faire regretter amèrement son comportement inadmissible. Je quittai finalement ma chambre pour le salon où j'allumai la radio et en augmentai le volume au maximum – il n'était plus question d'apprécier ou non les musiques fortes dès le matin mais de vengeance.

Je n'eus pas longtemps à attendre. Moins de deux minutes s'écoulèrent avant que débarque Lucile comme une furie dans la cuisine, un index accusateur pointé sur moi. Ses pieds, qui maltraitaient allègrement le sol, s'arrêtèrent à deux pas de moi. Sa bouche s'ouvrit, prête à cracher toutes sortes d'insultes faramineuses et à me honnir à coups de balai imaginaires.

— Oups, je t'ai réveillé ? la devançai-je, faussement désolé.

— Et comment ! éructa-t-elle en appuyant son doigt vindicatif sur ma poitrine, les joues rougies et des mitraillettes à la place des pupilles. Je ne te comprendrais décidément jamais ! Je croyais que tu ne tolérais pas la musique forte le matin, alors pour quelle raison fais-tu le contraire aujourd'hui ?

Prenant mon pied, j'avalais la fin de mon thé tout en l'observant perdre patience. Pendant ce temps, le poste de radio continuait de crachoter des musiques affreusement criardes et assourdissantes.

— Tu veux savoir pourquoi ? Demande à ton chat.

— Hein ? Que vient-il faire là-dedans ?

— Il m'a réveillé en me léchant l'oreille à six heures du matin et m'a empêché de me rendormir.

Lucile écarquilla les yeux, puis, sans transition, s'esclaffa. Une folle cascade entraînante et contagieuse qui menaça de m'intégrer à sa valse.

— Il voulait seulement te dire bonjour, banane ! s'amusa la jeune fille sur le ton de l'évidence. Ça fait longtemps que vous ne vous êtes pas vus ! Mais j'avais oublié que ton antipathie pour toute espèce d'animal te ferait le rejeter.

— Tu m'étonnes qu'il voulait être sympa. Il me connaît si bien, ce sac à puce, qu'il s'est senti le devoir de me déranger. C'est un âne, point à la ligne, en plus d'être terriblement envahissant. Un peu comme sa maîtresse, à bien y réfléchir, ricanai-je.

— Moi, envahissante !? se récria celle-ci en se montrant du doigt. Et toi alors ? Tu es pire que moi, dans ce cas !

Je fis la moue et lui renvoyai une semonce qui lui cloua le bec. Avec bonheur, j'écoutai le bruit du silence. Belle antithèse ! me félicita ma conscience. Les cours de français n'auront pas été vains, au moins, lui répondis-je, sarcastique.

Soudain, la sonnette de l'appartement carillonna par-dessus le vacarme de la radio que Lucile fit taire en appuyant sur le bouton on/off. Cette interruption impromptue avait coupé court à notre querelle des plus matinales. On échangea un regard surpris. Qui cela pouvait-il être ? La sonnette retentit encore, cette fois sans s'arrêter. Je partis ouvrir et me retrouvai nez à nez avec notre « cher » voisin de palier qui avait l'index enfoncé dans l'interrupteur.

La Nostalgie de l'horizon marinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant