Quand le hasard s'en mêle

9- Aller de l'avant

Maxime

Alors que je me dirige vers le bureau de Fred, pour le rejoindre, je croise Emmy qui arrive pour commencer la journée. Depuis notre conversation, les tensions se sont quelque peu apaisées, bien que nous restions sur des interactions polies et professionnelles. Mais aujourd'hui, elle a l'air détendue.

— Salut, me sourit-elle.

— Salut, réponds-je. Ça va ?

Elle acquiesce en mâchouillant une chouquette. Je me retiens de sourire.

— Réunion ce matin ?

— Ouais... Il faut bien, dis-je en haussant les épaules.

Elle me fait un sourire entendu, prête à partir, mais je me surprends à l'interpeller :

— Emmy, attends !

Elle se retourne, un sourcil levé, et j'en profite pour piocher dans son sachet. C'était trop tentant.

— Hé ! Mes chouquettes ! s'exclame-t-elle, amusée mais faussement outrée.

— C'est pour me donner du courage, ris-je en mettant la pâtisserie dans ma bouche.

Elle lève les yeux au ciel alors que Fred sort de son bureau.

— Bonjour Emmy, salue-t-il.

— Bonjour. Vous devriez dire à vos managers que ça ne se fait pas de piquer des chouquettes à leurs employés sans défense, balance-t-elle tout naturellement avec son plus beau sourire innocent.

— Oh... le regard de Fred passe d'Emmy à moi. Euh, ok, je m'en charge, sourit-il. On y va Max ?

Je hoche la tête et le suit, tout en jetant un regard amusé à Emmy, qui me fait un petit signe de la main. En entrant dans le bureau de Fred, il me lance en fermant la porte :

— On dirait que les choses se sont arrangées avec Emmy.

Je mets un temps à réagir en m'installant sur le fauteuil face à lui, un peu incrédule.

— Euh... Oui. Ça va.

— J'ai remarqué que c'était un peu tendu depuis quelques temps.

Fred me regarde un moment, jaugeant la situation avant de se décider à aborder le sujet :

— Si tu veux en parler, je suis là...

Je le fixe, tentant de masquer ma surprise. Ce regard bienveillant me rappelle que, malgré tout, il n'est pas seulement mon supérieur ; il est aussi comme un mentor.

— Ça dépend, lui dis-je en forçant un sourire. Je parle à mon boss ou à mon parrain ?

Il me renvoie un sourire amusé.

— Ah, ok. C'était personnel, répond-il du tac au tac.

Pour tout vous dire, mon parrain –Fred– a le don d'observer et d'analyser ce qu'il se passe autour de lui. Même quand vous faites attention, il remarque quand quelque chose ne tourne pas rond. Depuis petit, il a toujours su voir quand j'avais quelque chose que ce soit positif ou négatif et surtout m'apporter des conseils utiles. Je savais que je pouvais compter sur lui et que c'est toujours le cas, d'ailleurs.

— Euh ouais... mais c'est réglé, t'inquiètes pas. Tout roule pour le boulot.

— Je sais. Même si je ne suis pas friand du mélange pro / perso, j'ai bien vu que le boulot était fait, même si quand vous communiquez en direct, c'est plus fluide, sourit-il.

— Mouais, réponds-je songeur.

— Ok, vas-y, parle au parrain qui est en moi, me dit-il.

Je le regarde hésitant.

— Quoi ? Je vois bien que quelque chose te ronge. On parlera boulot après. Chaque chose en son temps. Qu'est-ce qu'il se passe avec Emmy ?

— Rien. Enfin... On a couché ensemble, j'ai flippé et pris mes distances de manière maladroite, on en a discuté la semaine dernière et voilà, débité-je.

— Oh là. Doucement. Explique.

Je le regarde et constate, rien qu'à son regard, qu'il ne lâchera pas l'affaire si vite. Alors je décide de me confier.

— Je l'ai rencontré en boite avant de commencer ici... et comment dire...

— Elle t'a plu ?

— Ouais... Je me suis senti attiré par elle direct. Pourtant, elle n'a rien à voir avec le genre de filles qui m'attire en général et en plus, elle m'a remis à ma place direct parce que je lui étais passé devant. Bref, on a passé un moment ensemble dans la soirée, et... on s'est embrassé une première fois et ça m'a fait un drôle d'effet. Ça m'a fait flippé, et je suis parti en pensant ne plus jamais la voir.

— Et tu l'as revu ici. Je comprends mieux le malaise maintenant.

— Oui. Et je peux te dire qu'elle était toute aussi attirante que le samedi soir, souris-je. Et après... Tu savais qu'elle connaissait Martin et Alice ?

— Non. Du coup, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— J'ai appris que Julien est à fond sur elle mais genre vraiment accro quoi, depuis un moment... Alors j'ai essayé de me tenir à distance, mais...

— Vous avez craqué.

— Ouais... Et j'ai culpabilisé. Je te jure, cette fille me retourne le cerveau. J'pensais qu'en couchant avec elle, ça me passerait, mais non, c'est encore pire ! Je crève d'envie de recommencer, avoué-je. Je me sens attirée vers elle malgré tout, c'est plus fort que moi. Mais je culpabilise à mort vis-à-vis de mon pote, c'est abusé. Alors j'essaye de prendre de la distance. Je sais ce que ça fait d'être trahi par un ami et... je lui fais pareil.

— Attends Max, c'est différent. Tu ne fais rien de mal. Il ne sort pas du tout avec elle de ce que j'ai compris. C'est même pas une ex pour lui. Pourquoi te priver de ce qui pourrait être une belle histoire ? Penses à toi d'abord.

Je jette un regard hésitant à Fred.

— Tu as le droit au bonheur, reprend-il. Ce n'est pas ton histoire qui se répète. Tu n'as trahi personne, on ne choisit pas de qui on tombe amoureux.

— Hey, j'ai pas dit que j'étais amoureux ! me défends-je.

— Rhoo, c'est la même chose, tu vois où je veux en venir. Clarisse n'était pas la femme de ta vie. Tu l'as cru et tu as fait une erreur et ça t'a fait du mal surtout parce que ça ne s'est pas fini de la plus belle des manières, mais ça devait arriver. Tu sais, je suis partisan du « rien n'arrive par hasard », et peut-être qu'Emmy est la personne qu'il te faut pour aller de l'avant. Je ne dis pas que c'est LA fille, mais c'est peut-être celle qui te fera réaliser que le bonheur existe pour toi quelque part, et tu ne dois pas laisser filer cette chance sous prétexte qu'un pote la veut. Je veux dire... vous vous entendez bien, pour le peu que je vous vois. Même quand vous vous évitez l'ambiance est pour le moins... électrique, sourit-il. Et visiblement, l'attirance est réciproque, sinon je ne pense pas que vous en seriez là tous les deux. Alors qu'est-ce qui t'empêche d'aller plus loin ?

J'assimile toutes les paroles de mon parrain. A-t-il raison ? Bien sûr qu'Emmy m'attire, un peu plus chaque jour, même si je me raisonne. Qu'est-ce qui m'empêche d'avancer ?

— J'ai peur, soufflé-je. Peur de m'attacher, peur des conséquences, peur de tomber... encore une fois.

— Je sais Max. Ton histoire avec Clarisse t'a marqué. Mais ce n'était qu'un chapitre que tu dois refermer définitivement. Il y a forcément une fin heureuse pour toi quelque part et tu ne dois pas laisser ta peur prendre le dessus. Va de l'avant.

— Ouais... Merci.

— De rien, sourit-il, j'ai signé aussi pour ça. Bon, maintenant, au tour du patron de parler. S'il se passe quelque chose, soyez discrets, je ne veux pas d'histoire ici.

Je souris à sa remarque malgré moi.

— Et passons aux choses sérieuses, ...lance Fred avant de se mettre à me parler de notre prochain projet, avec un client étranger.