21 - Quand la bulle éclate

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Point de vue de Maxime

Emmy est installée dans le canapé, emmitouflée dans l'une de mes chemises trop grandes pour elle. Elle s'est blottie contre un coussin, le visage détendu, et je me dis que si je pouvais capturer cet instant, figer son sourire pour toujours, je le ferais. Mais, bon, on commence vraiment à avoir faim, et je suis presque sur le point d'appeler le restaurant pour savoir si la commande a été oubliée.

Je me rapproche du canapé, essayant d'ignorer la douleur lancinante de mon épaule. Je m'assois à côté d'elle, prenant soin de ne pas trop bouger mon bras, et elle vient poser sa tête contre moi, un sourire satisfait aux lèvres.

— On dirait que tu t'habitues trop vite à mes chemises, dis-je avec un sourire taquin.

— C'est vrai... C'est confortable. Et je pourrais m'y habituer très facilement.

Je ris, mais même ce léger mouvement me tire un peu au niveau de l'épaule. Emmy lève les yeux vers moi et, remarquant mon léger malaise, approche doucement sa main de ma joue.

— Tu as encore mal ? me demande-t-elle doucement.

— Un peu, mais rien de dramatique, la rassuré-je.

Elle rit doucement, un éclat de malice dans le regard. Puis, dans un élan plus tendre, elle s'approche de moi pour déposer un baiser délicat, presque aérien, sur mes lèvres. Sa main reste posée sur ma joue, comme un soutien silencieux.

— Et... tu comptes me voler toutes mes chemises ?

— C'est le but, dit-elle en haussant un sourcil avec un sourire malicieux. D'ailleurs, la prochaine cible, ce sera tes sweats.

Elle rigole, et je sens la chaleur douce de sa présence, comme un baume apaisant. Ce genre de moment me semble presque irréel, comme si nous étions coupés du monde.

— Sérieusement, tu vas vraiment envahir ma garde-robe ?

— Envahir ? Non... je n'oserai pas, réplique-t-elle, faussement outrée.

Elle se tourne pour me faire face, et je m'amuse de la façon dont elle défend son plan de pillage vestimentaire. Elle me regarde un instant, puis, dans un élan soudain, elle se hisse pour m'embrasser. Ma main libre se glisse sur sa nuque, la rapprochant un peu plus de moi, et pour un instant, tout le reste disparaît. Emmy se place à califourchon face à moi, pour poursuivre notre baiser quand son ventre se met à gargouiller super fort, ce qui nous fait éclater de rire. La sonnette retentit enfin, Emmy se réinstalle contre son coussin tandis que je me lève.

— Ça doit être notre sauveur, dis-je avec un sourire en coin, me dirigeant vers la porte.

J'ouvre en grand, déjà prêt à récupérer les sacs de nourriture et à faire un commentaire sur la lenteur du service, quand mes yeux se posent sur...

— Julien ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Mon cerveau a besoin d'une seconde pour assimiler la situation. Ce n'est pas le livreur, non. C'est Julien, planté devant moi, les yeux agrandis, l'air de quelqu'un qui vient de recevoir un coup en pleine poitrine. Je jette un coup d'œil derrière moi, réalisant soudain qu'Emmy est là, à quelques pas, juste visible par-dessus mon épaule.

Elle aussi s'est figée, la main encore sur le coussin comme si elle pouvait se cacher derrière. Une légère rougeur monte à ses joues, et moi, je sens une goutte de sueur froide dévaler ma nuque.

— Je venais voir comment tu allais suite à ta blessure... Mais visiblement, tu t'en sors très bien.

Je bafouille, tentant de remettre de l'ordre dans mes idées.

— Écoute, Julien... ce n'est pas ce que tu crois... enfin...

Mais quel con, pourquoi je dis ça moi ? Forcément que c'est ce qu'il croit : Emmy est chez moi, dans ma chemise, et moi vêtu d'un simple jogging... ça ne fait aucun doute sur l'intimité entre nous.

— Sérieux Max, Emmy ? demande Julien, la voix étrangement étranglée.

Le silence s'abat entre nous. Julien serre les poings, et son regard passe de moi à Emmy.

— Je t'ai parlé d'elle, de ce que je ressentais... et toi, tu m'écoutais, tout en sachant que tu couchais avec elle ?

Emmy, qui s'est levée, semble pétrifiée. Son regard va de Julien à moi, et je devine qu'elle ne sait pas non plus quoi dire pour atténuer la situation. Julien, lui, continue, sa voix chargée de reproches.

Ses mots percutent avec la force d'une gifle, et je reste un moment muet, partagé entre la honte et l'envie de me défendre. Mais chaque phrase qui me vient à l'esprit sonne creux.

— Écoute... c'est un peu compliqué, tu vois, je...

— Compliqué ? Ouais, j'imagine que c'est « compliqué » de trahir un de ses amis.

— Julien, écoute... C'était pas...On a essayé de garder nos distances, je te le jure, mais...

Il éclate de rire, un rire amer qui résonne dans tout le couloir.

— Tu te fiches de moi, c'est ça ? Tu gardais tes distances ? Et tu crois que je vais te croire ?

Je n'ose plus le regarder dans les yeux, et un silence lourd s'installe, comme un mur entre nous. Julien serre toujours les poings, son regard trahissant une douleur que je ne peux que deviner.

À côté de moi, Emmy s'avance finalement et tente de prendre la parole.

— Julien... On n'a jamais voulu te faire du mal, ni Max, ni moi. Quand tu m'as dit ce que tu ressentais, je t'ai répondu honnêtement que je n'étais pas prête pour une relation, mais... mais Maxime et moi, c'est... arrivé, et on n'y était pas vraiment préparé. On attendait juste... de savoir comment te le dire.

— Comment me le dire ?! crache-t-il. Vous n'avez même pas eu le courage d'être honnêtes avec moi.

— Julien, calme-toi, j'essaie en vain de prendre un ton apaisant. On... on voulait te le dire, mais...

— Mais quoi ?! Maxime... Je t'ai confié mes sentiments, bordel ! Tu le savais, et tu es passé outre !

Il tourne les talons, ses pas résonnant dans le couloir vide, et, quand la porte se referme, un poids immense retombe sur mes épaules. C'est tout ce que je voulais éviter : la blessure, la trahison.

Je m'appuie contre le mur, tentant de remettre de l'ordre dans mes pensées.

— Putain, soupiré-je nerveusement.

Emmy s'approche, sa main se posant timidement sur mon bras.

— Maxime... Je suis désolée.

— Tu ne pouvais pas savoir qu'il allait débarquer, dis-je la voix rauque.

— Toi non plus, sourit-elle. Il faut lui laisser le temps de se faire à l'idée sans doute...

— Ouais... je suis son Vincent, balancé-je soudainement.

— Quoi ?

Emmy me regarde incrédule. Je souffle un coup et me décide à lui raconter cette partie de mon histoire qu'elle ignore encore. Décidément, ces derniers temps sont propices aux confessions pour nous.

— J'ai quitté Clarisse parce qu'elle me trompait avec Vincent. C'était un pote que j'avais. Un jour, je suis rentré de déplacement, plus tôt que prévu, et je les ai surpris.

— Oh... je suis désolée, Max.

— C'est en partie pour ça que je gardais mes distances... enfin j'essayais, au début. Je sais que vous n'avez jamais été en couple avec Julien, mais quand j'ai compris que c'était sur toi qu'il avait des vues, j'ai repensé à ce que j'ai ressenti en découvrant un pote avec ma fiancé, et... Je ne voulais surtout pas être celui qui fait vivre ça à quelqu'un d'autre.

Elle me regarde avec des yeux remplis de tendresse.

— Je comprends mieux, murmure-t-elle, sa voix à peine un souffle.

Je passe une main sur mon visage et fixe Emmy, me rendant compte qu'elle est essentielle pour moi. Je m'apprête à lui dire quand la sonnerie retentit à nouveau : notre repas est enfin arrivé.

Quand le hasard s'en mêleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant