22 - Derrière les rires

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Point de vue d'Emmy

Quelques jours ont passé depuis l'incident chez Maxime, et bien que la tension persiste, Alice a proposé qu'on se retrouve chez elle pour une soirée tranquille. J'hésitais à y aller, sachant que Julien serait probablement là, mais je sais que la fuite n'apportera rien et qu'il vaut mieux affronter la situation. Je me suis dit qu'un moment passé avec le groupe, même si cela pourrait sembler être un faux-semblant, pourrait apaiser un peu la lourdeur qui pèse depuis notre confrontation

Alors que je rassemble mes affaires pour quitter le bureau, Maxime se penche légèrement vers moi, l'air soucieux. Ses sourcils sont froncés, et je sens bien qu'il rumine quelque chose.

— Emmy... t'es sûre que ça te dit vraiment d'y aller ce soir ? demande-t-il d'une voix hésitante.

Je m'arrête pour le regarder, surprise.

— Oui, pourquoi ? On n'a pas eu de soirée tous ensemble depuis un moment, et ça pourrait faire du bien de changer un peu d'air avec tout ce qui s'est passé ces derniers jours.

Il soupire doucement et fixe un instant le sol avant de reprendre.

— Je sais bien... c'est juste que... Julien sera là, et je crains un peu les retrouvailles. Avec ce qu'il s'est passé...

Je prends sa main dans la mienne, la serrant doucement pour lui transmettre un peu de réconfort.

— Ne t'en fais pas, Maxime. On va faire de notre mieux pour garder les choses légères, et puis, on n'a pas à tout suranalyser, pas vrai ?

Il hoche la tête, mais son regard reste préoccupé.

— Promis, si jamais la tension monte, on trouvera un moyen de s'éclipser, ajoutai-je avec un sourire complice.

Il finit par sourire lui aussi, serrant ma main une dernière fois avant de relâcher un peu sa tension.

— Si on n'est pas mort avant, tués par les mitraillettes à la place de ses yeux.

— T'es bête, réponds-je en souriant.


Maxime et moi arrivons ensemble chez Martin et Alice, nos sourires s'effaçant quelque peu en découvrant Julien déjà installé, son regard s'éteignant à notre entrée. Sa posture est plus fermée, comme un bouclier invisible entre lui et le reste du groupe. Mon estomac se noue légèrement, mais je m'efforce de sourire.

Nous nous installons dans le salon, chacun avec un verre, les premières parts de pizza circulant joyeusement. Martin lance une blague sur nos « nouveaux tourtereaux », Maxime et moi étant venus officiellement ensemble, mais je ris pour dissiper le malaise sans croiser le regard de Julien. La soirée commence bien, tout le monde semble détendu, sauf une tension discrète entre nous trois, perceptible uniquement aux regards et aux gestes retenus.

Charlotte, décidée à faire baisser les défenses de chacun, sort soudain un jeu d'ambiance.

— Jamais je n'ai jamais, déclare-t-elle en agitant une carte avec un sourire malicieux. La règle est simple : chaque fois que quelqu'un a fait ce qui est annoncé, il doit boire une gorgée, nous rappelle-t-elle comme si on ne connaissait pas les règles du jeu.

Son regard pétillant se pose brièvement sur moi, puis sur Maxime, comme si elle savait pertinemment que ce jeu allait nous exposer.

—Allez, premier tour, poursuit-elle. Jamais, je n'ai jamais... volé quelque chose dans un magasin.

Alice et Martin échangent un sourire coupable et boivent, provoquant les rires et quelques commentaires moqueurs. Je souris en les écoutant, essayant de m'imprégner de cette ambiance joyeuse, même si mon regard se pose furtivement sur Maxime.

Quelques tours passent, chacun plus anodin que le précédent, jusqu'à ce que Charlotte décide de jouer une nouvelle carte, un sourire en coin :

— Jamais je n'ai jamais... embrassé quelqu'un dans ce groupe.

Les rires s'étouffent dans la gorge de chacun. Maxime et moi échangeons un regard hésitant, et, après une courte pause, nous levons nos verres sous les regards mi-amusés, mi-intrigués de nos amis. Julien, de son côté, est resté impassible, mais son sourire s'efface légèrement, sa mâchoire se crispant imperceptiblement.

Tous les regards se tournent vers Charlotte qui boit également un verre. C'est là qu'elle ajoute avec un sourire en coin :

—C'était juste un vieux smack, mais... c'était avec Emmy, quand on était ados.

Un éclat de rire me prend par surprise, et je secoue la tête en lançant :

—Oh non, Charlotte ! Pourquoi tu sors des vieux dossiers ?

Elle hausse les épaules, faussement innocente.

— Eh bien, c'était dans le cadre du jeu ! répond-elle faussement innocente. Puis bon... un premier baiser, même un smack, ça se partage, non ?

Charlotte éclate de rire et, pour ajouter à l'ambiance, m'offre un clin d'œil complice.

On continue de rire, mais je sens le regard de Maxime sur moi, à la fois amusé et intrigué. En douce, il murmure :

—Alors... tu as embrassé ta cousine ? Voilà un côté de toi que j'ignorais.

Je lève les yeux au ciel, amusée.

—Oh, tais-toi, c'était pour jouer. Et puis, ça ne compte même pas !

Maxime sourit, visiblement apaisé et amusé par ce petit souvenir de ma vie d'avant.

La partie reprend, puis c'est au tour de Julien. Il pioche une carte au hasard, et émet un petit rire amer :

— Jamais je n'ai jamais... menti à un ami.

Le silence retombe lourdement. Mes doigts se serrent un peu trop fort autour de mon verre, sentant mon cœur battre plus vite. Le regard de Julien se pose brièvement sur moi, puis sur Maxime, comme une ombre qui ne s'attarde que pour repartir. Maxime, lui, se tend, et je vois bien qu'il essaie de garder son calme, son visage un peu plus fermé qu'à l'habitude.

Martin, l'éternel pacificateur, se racle la gorge et tente d'apaiser la tension :

— Moi, j'avoue, j'ai déjà menti pour éviter un dîner avec mes beaux-parents ! Désolé ma puce, s'adresse-t-il à Alice.

Les rires se font entendre à nouveau, et l'atmosphère semble se relâcher un peu. Julien, cependant, évite soigneusement de croiser nos regards. Je sais qu'il lui faudra du temps, mais cette froideur me laisse un pincement au cœur.

Alors que la soirée avance et que la tension semble enfin se dissiper, Maxime me glisse un regard furtif. Il effleure discrètement ma main sous la table, cherchant à m'ancrer dans le moment. Ce simple contact apaise mes pensées, me rappelant que malgré tout, nous sommes ensemble dans cette épreuve.

Alors que la soirée tire à sa fin et que les rires et blagues ont peu à peu repris bien que je reste inquiète : Julien pourra-t-il vraiment passer l'éponge, ou sommes-nous destinés à marcher sur des œufs chaque fois que l'on se croisera ?


Quand le hasard s'en mêleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant