Chapitre XXIII - TH 2

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Plus l'année poursuivait son cours, plus, évidemment, on se rapprochait de cette fin. Cette fin qui nous fera voyager vers un nouveau début. Un nouveau début que l'on en décidera le chemin pour notre vie. Notre vie future réussie ou manquée.

Et ça, on ne manquait pas de nous le rappeler. S'acharner pour réussir. Il y avait aussi cette sorte de dicton qu'on nous faisait servir comme encouragement : « Ça en vaut la peine. N'abandonnez jamais ou tous vos efforts n'auront servi à rien. »

C'était vrai dans le fond.

Mais qui dit que l'on veut vivre après ça ? Qui dit que si certains sont ici, c'est seulement pour avoir une bonne éducation et de nombreuses connaissances pour ensuite vivre insouciant. Qui dit que si certains sont ici, c'est parce qu'ils ont été obligés de rentrer dans ce lycée sans volonté personnelle. Qui dit aussi que certains ne sont là que pour se vouer à un avenir même pas construit.

Ce que je veux dire, c'est qu'on est entrés ici, certains avec les idées propres et se surpassent, certains avec un futur plus que flous et se surpassent, certains en profitent et se surpassent.

Et dans tous ces cas, on nous retrouve tous dans ce nuage gris, sombre et morne.

La patience, l'endurance, la souffrance. Constamment.

Ce prof en particulier, à peine les élèves assis, qui se permettait de nous faire des leçons de moral en se mettant à nos places, comme s'il connaissait tout de nous et osait nous nuire à la moindre occasion. Parce qu'évidemment, il valait mieux que nous puisqu'il avait soi-disant réussi sa vie.

Je l'avais vu. Sae-Jin. Pendant le discours de ce con. Je l'avais vu s'attaquer à ses doigts, les tripoter, s'arracher des bouts de peaux, se ronger les ongles, les faire craquer et parfois pincer d'une force importante la graisse de sa paume.

Cela faisait déjà bien un moment que j'avais remarqué qu'elle utilisait sa peau pour atténuer son stress. D'abord sur ses mains, lorsque la longueur de ses ongles s'est perdue. Puis lorsque le bout de ses doigts se colorait de nuances de rouge et de roses. J'avais cru voir aussi une fois une marque rouge sur le haut de son dos, lorsque je l'avais porté jusqu'à son lit ce jour-là. Je ne disais rien, sachant que je ne pouvais rien y faire. C'était quelque chose de naturel en quelque sorte. Si l'on regarde les mains de notre classe, plus de la moitié correspondrait à ce signe de stress. Et j'en faisais partie.

On pouvait s'entraider, mais pas l'arrêter. On pouvait se soutenir, mais pas l'oublier.

Mais j'avais vu quelque chose de plus... Inquiétant. Et c'était autre chose que le stress.

Elle aime le dessin. Elle transportait toujours son carnet dans son sac et ça lui arrivait parfois le midi, lorsque les toilettes étaient encore notre refuge, de le sortir et de me laisser la chance de l'observer s'éclairer sur cette feuille blanche.

Pourtant, ces dessins de son carnet se résumaient à des œuvres, uniques bien sûr, mais ils reflétaient toujours la sérénité, le rayonnement de vie. Et sous son lit, un autre monde obscur avait pris vie.

Ce matin-là, j'avais dû me retrouver caché sous son lit. Au milieu de son multiple bordel, se trouvait une pochette où débordait un tas de feuilles empilées improprement, mais juste sous mon nez. J'aimais ses dessins, et chaque fois que j'avais l'occasion de les admirer, je le faisais. Alors j'ai ouvert cette pochette.

Un visage qui pleurait.

Bon, pourquoi pas ?

Une silhouette en boule dans le coin d'un mur.

Mais encore ?

Quelqu'un debout au bord d'une falaise.

La falaise près de la ville ?

𝐍𝐄𝐕𝐄𝐑𝐌𝐈𝐍𝐃​Où les histoires vivent. Découvrez maintenant