Chapitre dix

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La journée finit, je me dirige à présent vers la villa. Sans oublier notre point de rendez-vous Justine et moi.

Je roule alors sur mon skate, exerce quelques figures puis m'arrête face à la plage. Je m'assis sur les rebords, face à l'océan, puis le contemple.

Je m'inquiète. Shawn ne fait que tarauder dans mon esprit ces temps-ci, je ne reçois aucune nouvel de sa part, et cela est bien la première fois que ça m'arrive.

Ne donner aucune nouvel, ne répondre à aucun de mes messages, ne pas les lire. Que lui est-il arrivé ? Je me sens abandonné. Lui qui n'a jamais pensé à nous séparer. Pas même une seconde.

Et moi qui n'y ai jamais songé. Alors pourquoi ? Pourquoi maintenant ?

Je soupire épuisé. Les mafieux ne m'ont pas suivi fort heureusement. En revanche, ce matin, j'ai dû me confronter à Richard.

Enfin, c'est ce qu'il devait se passer. Parce que j'ai fui. Cela ne me ressemble pas. Fuir devant un problème au lieu de le résoudre est lâche. Voilà ce que je suis.

Lâche.

- Nel ?

Une voix féminine, me sortit de mes pensées tout aussi déprimantes les unes que les autres, puis je tourne la tête vers elle.

- Justine, répondis-je.

Elle s'assit à mes côtés puis me livre sa journée, ses péripéties, ses mauvais souvenirs. Tout ce qui la rend malheureuse.

Mais je sens tout de même qu'il y a quelque chose qui la tourmente et qu'elle ne me dit pas. Je ne vais pas la forcer. Elle est libre de me confier ce dont elle veut. Je suis simplement là pour l'écouter, absorber ses malheurs, et peut-être l'aider si l'occasion se présente.

Je ne suis pas spectatrice, ni figurante de la situation. Je suis sa deuxième épaule à qui elle peut tout confier sans avoir la crainte qu'un jour tout le monde ne le sache.

- Je fuis. Je fuis toute situation qui paraît complexe. Car je n'ai pas le courage de la confronter, dit-elle en se tournant vers moi quelque peu déboussolé.

Alors je fis de même, me tourne vers elle, attendant ce dont elle a à me dire.

- Je ne suis là que pour t'écouter et non te juger, dis-je en l'encourageant.

Elle sourit légèrement puis continue :

- Je mens sans cesse. Je ne peux révéler la vérité par peur de l'abandon. Par peur que plus personne ne m'écoute. J'ai ce besoin intensif de me livrer. De parler. Car mon corps, mon esprit ne peut supporter une fois de plus tous mes problèmes. Ils peuvent paraître futiles, pour toi, pour tout le monde. Mais pour moi, ils sont imposants et prennent beaucoup trop de place. Alors je parle. Je parle et je mens. Que suis-je censé faire dans cette situation ? Quand la personne que tu apprécies le plus, peu te tourner le dos en quelques secondes par la prononciation de simple mot. Dois-je lui dire la vérité ? Ou, dois-je continuer à lui mentir? À me mentir.

J'inspire profondément puis réplique :

- Justine. Il faut que tu te sentes toi. Il faut que tu vives sans être forcé, obligé, à subir les conséquences de tes actes. Chaque problème à sa résolution. Et en l'occurrence, ta réponse et juste sous tes yeux. Si tu te sens mal en retenant ce mensonge, alors révèle la vérité. Si tu as peur qu'elle t'abandonne, alors explique lui. Si tu ne peux te confier, écrit, parle. Seul, ou non, tu seras écouté.

Je soupire puis livre un pour cent de ce qui me taraude.

- Ma mère est décédée à ma naissance. Par ma faute. C'est ce que l'on m'a répété depuis ma venue au monde. Que ce soit par les mots ou bien par les actions. Alors oui. Moi aussi, je me sens seul. Jai donc réfléchi. Trouver la solution. Parler. Chaque semaine, je vais à sa tombe, m'assis face à elle, puis lui parle. Je sais qu'elle m'écoute. Du moins, c'est ce que je persiste à penser. Parce que quelques fois, se voiler la face et plus facile pour nous, et c'est peut-être ce qu'il faut faire pour se sentir mieux. Enfin. Alors, je lui parle, livre tout ce dont je n'ai jamais livré à qui que ce soit. Pas même Shawn, mon meilleur ami. Ma mère est la seule personne qui m'écoute sans aucun jugement, sans être interrompus, et avec patience. Tout simplement parce qu'elle est morte. Mais elle reste ma mère. Et une mère écoute sa fille. Alors je comprends ton point de vue. Ton problème. Et je suis là. Je serais toujours là. Pour tout le monde. Après tous, c'est ce que je peux offrir. Offrir mon pardon en écoutant, en étant présent et active. Livre-toi Justine. Libère-toi de ce fardeau.

Nil Midén : tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant