Chapitre 2 : STOP ! (non corrigé)

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-Oh, Kenfu ! me héla une voix sèche. Qu'est-ce tu fous ?!

Je pris le temps de me retourner, peu désireux de dégobiller toutes mes tripes sur le pont.
Gaëlla, le général de ma troupe, me sifflait de la rejoindre sans aucune empathie apparente. C'était presque ce qu'il me fallait à cet instant.

Je m'avançai donc vers elle sans me presser, las. Voilà une bonne heure que nous avions fuit le champ de bataille et je demeurai incapable de prononcer le moindre mot.

-On a deux personnes qui te demandent dans la cabine vingt, lâcha-t-elle tout en appliquant un bandage autour de sa jambe.

Perplexe, je me rendis compte que je n'avais même pas remarqué la flèche plantée au genou de la commandante, ainsi que le garrot qui lui arrachait une grimace. Terrifié, je songeai à la possibilité qu'elle soit amputée et à jamais infirme.

-Oh, p'tit con, on s'réveille ! proféra-t-elle pour me sortir de ma transe, à présent agacée.

Je lâchai un sursaut ; avais-je bel et bien entendu ?! L'idée que les deux en question soient George et Jeane me fit bondir vers les escaliers du pont inférieur. Je dévalai les marches quatre à quatre, ignorant la douleur de mes membres transis et du sang séché qui craquelait sur ma peau.

Je descendis un nouvel étage, percutant murs et passants aux détours des couloirs du navire. Et s'ils étaient mourants ?! Gravement blessés, défigurés ?! Et s'ils ne se souvenaient plus de moi ?!

Je finis par tomber devant la porte vingt, les larmes aux yeux et la poitrine précipitamment soulevée sous ma respiration hachée. Je levai le poing, prêt à frapper, mais une force invisible me stoppa. La peur me consumait intérieurement ; je n'étais pas préparé aux funestes possibilités que je pourrais trouver à l'intérieur.

Je serrai les dents, tremblant, puis prit mon courage à deux mains et poussai la porte. Elle lâcha un terrible gémissement, mêlant ma peur à cet horrible cri. A l'intérieur, on avait aligné quatre lits superposés, assignant ainsi huit couchages au lieu de quatre dans cette petite pièce aux murs oppressants. Il y régnait une odeur putride, de sang ou de crasse, probablement un ensemble des deux. Mais l'arome putride de la cabine cessa brusquement d'exister à mes yeux lorsque je vis les deux silhouettes qui riaient au coin de la chambre. George était assis à même le sol, adossé au lit, tandis que Jeane s'était installée dessus, appuyée sur un épais coussin au pied de la couche. 

A ma vue, leurs rires se stoppèrent subitement et un lourd silence occupa la pièce. Mes yeux se remplirent de larmes ; ils étaient en vie. Et là, à rire de bon coeur comme si rien n'avait changé.

Sauf que tout a changé, souffla une voix.

Ils se levèrent lentement pour me faire face quelques secondes. Ni eux ni moi ne semblâmes ne savoir que dire. Soudainement, Jeane lâcha un sanglot et se jeta dans mes bras. Elle m'enserra férocement la taille, secouée de soubresauts bruyants. George se précipita de rejoindre l'étreinte, tout aussi larmoyant que son amie.
Je lâchai de longs pleurs, amères et douloureux, brûlant au creux de ma gorge et sur mes joues.

-J'retire c'que j'ai dit, bredouilla Jeane d'une voix rauque. Je kiffai ton paternel.

Nous pouffâmes, et mon cœur se serra à ce souvenir ; de délicieuses tartines au miel, une terrasse secrète où trois Erkaïns désireux d'échapper à la foule étaient venus déjeuner. Comme tout était simple, à cet instant ! Ce moment me paraissait si loin, à présent... J'avais même du mal à croire qu'il s'agissait de mon passé. C'était plutôt là une vie antérieure que j'avais mené avec arrogance et colère ; désormais, que restait-il du Kenfu d'antant ?

-Kenfu, souffla George tout en se dégageant.

Je sentis Jeane se raidir, et je fis de même : quelle mauvaise nouvelle allaient-ils encore m'annoncer ?!

-On a fait notre possible, je te jure, poursuivit le jeune homme, terriblement coupable.

-Accouche ! le pressai-je, les dents serrées.

Jeane releva brusquement le menton, étouffant un sanglot :

-Thiflea est morte.

Les Mondes d'Enohr ; les Secrets de Kaï -Tome 3 Cycle 1 / Terminée /Où les histoires vivent. Découvrez maintenant