Chapitre 31 : les États-Unis

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La soirée débarqua rapidement, apportant avec elle une désagréable fraîcheur humide. Je n'avais été capable de prononcer le moindre mot de toutes les heures qui s'étaient écoulées depuis que George nous avait révélé la nature de la vision de Jeane. Je n'arrivai pas à comprendre. Et plus les paroles de mon ami se répétaient dans mon esprit, moins elles n'avaient de sens. Un second Dragon ? Blanc ? Impossible. Kaï... Kaï m'en aurait parlé. Et surtout, il ne m'aurait pas dit que mon Don serait issu de l'esprit d'Enohry, et que la seconde partie était contenue dans le monstre fantomatique que j'avais vu dans le futur.

A moins, bien sûr, qu'il ne m'est menti. Encore.

Je rejetai ma tête vers l'arrière, lâchant un grognement frustré, et Nell se fraya un passage jusqu'à moi. Elle s'assit sur le siège d'en face et boucla sa ceinture ; Rogers ne tarda pas à la rejoindre et prit place à ses côtés.

-Vous avez déjà pris l'avion ? questionna-t-il, un sourire amusé au visage.

Je jetai un coup d'œil à Sinna et George, assis à ma gauche. Ils ne semblaient pas vraiment rassurés.

-Oui, mentis-je, peu à l'aise d'avouer au directeur notre peur de nous envoler ainsi. Nous sommes simplement inquiets pour Jeane.

-Elle sera là à votre retour, et en pleine santé, nous rassura Martin, les yeux brillants.

Il semblait presque excité à l'idée d'amener des Erkaïns à son Ambassade, ce que je trouvai plutôt embarassant. Nous n'étions pas des animaux à exhiber devant une assemblée, comme s'ils venaient de découvrir une nouvelle espèce ; nous n'étions encore moins des trophées ou des objets à vanter la trouvaille.

Je sentis les moteurs gronder, et l'appareil se mit en marche ; mon estomac se noua et je serrais mes accoudoirs, plus crispé que jamais. Alors, le toit du hangar s'ouvrit et l'engin prit de la vitesse ; je fus plaqué contre mon siège et mon cœur s'affola lorsque nous quittâmes le sol. A cet instant, mes entrailles remontèrent jusqu'à ma gorge et je crus bien dégobiller aux pieds des Humains qui nous faisaient face. Eux semblaient tout à fait à leur aise, comme si ce n'était là qu'une habituelle promenade de santé.

-Où se trouve l'Ambassade ? demanda George, qui n'avait lui cependant pas l'air d'être dans son élément. Il me semblait l'avoir lu, mais le nom ne me revient pas...

-Aux Etats-Unis, lui sourit Rogers.

Aussitôt, les yeux de mon ami s'illuminèrent et il sembla oublier qu'à cet instant, nous étions probablement à plus de mille mètres du sol :

-Les Etats-Unis ! J'ai lu plein de choses sur ce pays. L'Ambassade est dans la Zone 51, c'est ça ? Ca me revient.

Son interlocuteur hocha la tête, visiblement amusé :

-C'est exact. Le reste des Hommes pensent que c'est une base militaire dédiée à la recherche extra-terrestre.

-Ce n'est pas tout à fait faux, dans un sens, fit Sinna, pensive.

Je coulai un regard dans sa direction, un sourcil arqué, et George esquissa un sourire embarrassé :

-Si, c'est faux, objecta-t-il. Nous ne sommes pas des extra-terrestres. Si on se fie aux données scientifiques, nous sommes simplement une sorte de... Monde parallèle. Nous vivons aussi sur la Terre, mais... une Terre meublée par la Magie de notre Pierre.

Mais elle ne semblait pas l'écouter.

J'eus un sourire amusé et reportai mon regard vers les deux Humains qui nous faisaient face. Nell me dévisageait, les yeux plissés, tandis que Rogers semblait contenir un rire.

Mais le souvenir de la vision de Jeane me revint, et mon sourire fondu aussi vite qu'il était apparu ; je réprimai un soupir et fermai les yeux, bien décidé à occuper mon esprit à autre chose. Je ne voulais pas croire que c'était vrai. Cela n'avait aucun sens. Jeane devait se tromper.

Oui, c'était cela. Jeane se tompait.

***

Huit heures tombèrent, lourdes comme des pierres sur mon esprit fatigué. Lorsqu'enfin les terres des Etats-Unis apparurent par le hublot, le soleil pointait tout juste à l'horizon et éclairait le paysage d'une pâle lumière orange.

-Le soleil se lève, fis-je remarquer d'une voix rauque.

C'était la première fois que je parlai depuis huit heures, et ma voix peinait à suivre le rythme.

-Non, me corrigea Nell, amusée. Le soleil se couche.

-J'avais oublié le décalage horaire, pouffa George.

-Moi aussi, murmurai-je, les yeux rivés sur les lumières étincelantes du pays en contre-bas.

Le paysage était si différent de Phoenix. Il était à la fois beau et étrange ; comme si l'on avait disposé au hasard des blocs de lumières aléatoirement sur le territoire.

-On va se poser, mettez vos ceintures, nous indiqua Rogers.

Je baissai les yeux vers la mienne ; je ne l'avais même pas retirée. George et Sinna non plus. Je plissai les yeux : qui aurait l'idée de retirer sa ceinture alors que nous foncions à toute allure à une altitude vertigineuse ?

L'atterrissage fut aussi pénible que le décollage ; beaucoup de secousses, mes nausées habituelles et ma peur tenante de nous écraser au sol. Heureusement, les roues se posèrent sur le sol bétonné sans trop nous bousculer et nous finîmes par nous stopper.

Je me détachai avec joie et fus l'un des premiers à quitter l'appareil. J'étais soulagé de pouvoir enfin quitter l'avion, encore entier et rien qu'un peu tremblant.

Cependant, lorsque la porte s'ouvrit, recrachant un panache de fumée avec elle, je fus forcé de me stopper net, les yeux écarquillés.

J'avais devant moi un gigantesque bâtiment ; la façade principale, qui me faisait face, était décorée d'une ribambelle de colonnes blanches. Les doubles portes qui servaient d'entrée avaient des dimensions totalement disproportionnées, allant à quasiment trois mètres de hauteur. Ensuite venaient une succession de quatre étages, ornés de fenêtres sculptées d'élégantes arabesques. Le toit en pointe était d'un bleu pâle, aux tuiles polies.

On me poussa par derrière et je descendis les marches de métal d'un pas hésitant, le nez toujours levé vers l'édifice.

-C'est donc ça, l'Ambassade, s'étrangla George, tout aussi impressionné que moi.

-C'est encore plus beau qu'Enohria, souffla Sinna.

Je battis des paupières, toujours aussi hébété, tandis que les derniers rayons du soleil disparaissaient à l'horizon.

Nell se stoppa à nos côtés, les mains sur les hanches, et nous sourit :

-Bienvenue à l'Ambassade de la Magie.

Les Mondes d'Enohr ; les Secrets de Kaï -Tome 3 Cycle 1 / Terminée /Où les histoires vivent. Découvrez maintenant