Méfiant, je poussai la vieille porte du pont inférieur. Il n'y avait là qu'une seule petite pièce étroite. Une table au centre, au dessus de laquelle pendait une vieille lampe à huile. On trouvait deux lits, découpés dans le murs, ainsi que quelques crochets pendus au plafond auxquels on pouvait probablement attacher des hamacs.
Je déposai mon sac sur une chaise et plissai les yeux. Il n'y avait qu'un placard, placé entre les deux lits. Je m'avançai et l'ouvris ; quelques bouquins et paperasses, voilà tout ce qu'il y avait. J'attrapai alors un vieux rouleau et le dépliai :
-C'est une carte ! m'exclamai-je.
Je refermai vivement les portières du placard et étalai ma trouvaille sur la table. Toutes les îles de Phoenix étaient proprement représentées en couleur. Capitales et noms, tout y était.
-Venez voir ! hélai-je, impatient.
J'entendis des bruits de pas précipités, et la lampe tangua au dessus de ma tête.
-Qu'est-ce qui se passe ? mugit George en déboulant à mes côtés, les poings brandis devant son nez.
-J'ai trouvé une carte, l'informai-je en levant les yeux au ciel.
S'il pensait que j'avais besoin de les appeler pour me défendre d'intrus, il se trompait.
-Une carte de Phoenix ? demanda Sinna en s'approchant.
Je m'assis et me penchai sur le papier jauni par l'humidité :
-Tu veux que ce soit une carte de quoi ?
Elle me jeta un regard exaspéré et prit une chaise à ma droite. Jeane fit de même sur mon flanc gauche, les yeux plissés.
-Jeane, je vois rien avec tes cheveux, grognai-je en écartant son visage.
Elle eut un rire et fit signe à George de nous rejoindre ; lui était toujours méfiant et inspectait la petite pièce d'un œil perçant. Intrigué, j'observai mon ami se placer dans mon dos ; je ne connaissais pas mon ami si méfiant. Il se contenta se placer ses mains sur ses hanches, concentré :
-D'ailleurs, on t'a dit qu'on venait avec toi mais on ne t'a même pas demandé où on allait.
Je soupirai :
-Nous allons sur Enohr.
-QUOI ?! s'étrangla Jeane.
-On fuit la guerre ? ajouta Sinna, les yeux écarquillés.
-Bien sûr que non ! sifflai-je entre mes dents, agacé par leur réaction outrée. Je dois découvrir d'où vient mon Dragon et apprendre à le contrôler. Kaï me l'a dit. Je suis né sur Enohr, alors...
Le silence se tassa ; plus personne ne semblait enclin à se rendre au Noyau, mais ils avaient fait leur choix. Impossible de revenir en arrière, désormais.
-Il faut qu'on trouve le Portail de Phoenix, poursuivis-je, concentré sur la carte.
Mon doigt glissa sur le papier jusqu'à l'île la plus au Nord, représentée de blanc et de bleu :
-Il est sur Akalae.
-Comment le sais-tu ? s'inquiéta George, les sourcils froncés. Il fait tellement froid à Akalae que personne n'y vit.
-C'est écrit là ! m'exaspérai-je en appuyant sur la représentation miniature d'un portail magique, nommé en petites lettres noires "Portail de Phoenix". T'es con ou quoi ?
Il haussa les épaules :
-Excuse moi mais je ne l'avais pas vu, c'est aussi simple que cela.
Jeane leva les yeux au ciel et nous coupa :
-On est où, nous ?
-Là, fit Sinna en pointant du doigt un point noir nommé "Ile d'Eleya".
-L'avantage, c'est qu'on peut tout faire en bateau, concéda George en affichant une moue approbative.
Je hochai la tête :
-Oui. On en a pour combien de temps, à votre avis ?
-Entre six et sept jours, peut-être ? tenta Sinna en se relevant.
Les deux autres haussèrent les épaules ; ils semblaient soudain épuisés.
-Vous savez ce que sont devenus ceux qui sont restés au camp des réfugiés, à Phoenix ? questionnai-je tout en repliant la carte.
Je vis Sinna se raidir à mes mots :
-Je ne sais pas.
Le silence s'attarda quelques secondes. L'ambiance s'était soudain tendue.
-J'espère qu'ils n'ont pas été tués par les Changers, soupira George en tombant assis sur l'un des lits.
-Je l'espère aussi, renchéris-je. Morgan était là bas.
-Ainsi que mes parents et mes frères, ajouta Sinna, la gorge nouée.
Nouveau silence. Que dire dans ces cas là ?
-Je monte vérifier les nœuds, lançai-je à voix basse.
George s'allongea sur le lit et tourna le dos au halot de lumière qui perçait par l'ouverture de la porte qui menait au pont supérieur. Jeane alla se blottir dans son dos sans le moindre mot ; je restai ainsi quelques secondes, à les observer tout deux couchés l'un contre l'autre. Je réprimai une bouffée de culpabilité ; ils avaient tout quitté pour me suivre. J'espérai seulement ne pas les mener vers la mort.
Je finis par tourner les talons, sous l'œil inquiet de Sinna. Je grimpai les marches quatre à quatre et m'avançai sur le pont, les yeux plissés sous l'éclatante lumière du soleil. Je me stoppai à l'extrémité du navire et m'accoudai au plat-bord. L'apaisant sentiment de liberté ressenti quelques heures plus tôt s'était vite envolé ; désormais, seuls mon estomac noué et ma gorge serrée guidaient les battements de mon cœur. Ils tapaient follement à mes oreilles, tandis que les doutes et la peur se frayaient peu à peu un chemin jusqu'à mon esprit.
Ainsi restai je là, à observer les petites vagues caresser la coque de bois. L'eau turquoise refléter les rayons du soleil, et le ciel d'azur s'épanouir sous cette légère brise salée.
N'ai pas peur, souffla l'apaisante voix de Kaï dans mon esprit. Aussi longtemps que je vivrai, je veillerai sur toi. Un sourire larmoyant me monta aux joues. Le vieux Roi me manquait déjà.
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Les Mondes d'Enohr ; les Secrets de Kaï -Tome 3 Cycle 1 / Terminée /
Fantasía⚠️Corrections en cours⚠️ (Lire le chapitre d'avertissement avant la lecture) *********** [Tome 3 de la Saga des Mondes d'Enohr] *********** Une Prophétie est née. Une Guerre a éclaté. Le Panda-Roux pourra-t-il tous les sauver ? Alors que Kenfu et s...