Les Mondes d'Enohr ; les Secrets de Kaï -Tome 3 Cycle 1 / Terminée /

Chapitre 34 : le Procès

J'ouvris brusquement les yeux, tremblant et dégoulinant de sueur. Je battis furieusement des paupières, le souffle haché, et fis volte-face sur le matelas de fortune. Les tâches de couleur dansèrent devant mes yeux, mais je ne pus observer là qu'un silence étouffant. J'allumai la lumière d'une main fébrile et plissai les yeux sous l'éclatante lumière jaune. J'étais seul.

Méfiant, je me levai et ouvris la porte le plus silencieusement possible. Avais-je rêvé ?

Je sursautai brusquement lorsque je vis apparaître devant moi l'imposante stature de George, qui m'adressa un sourire amusé :

-Oh, désolé Kenfu, je t'ai fait peur.

Je le dévisageai de haut en bas ; vêtu d'un jean et d'une chemise blanche, il était des plus élégants. Mais pourquoi se vêtir ainsi ?

Je me secouai, fermant un instant les yeux. Les images de panaches de fumée violette, de Sinna à genoux et de mon baiser échangé avec Nell, ou plutôt Kameryna, me revinrent en mémoire. C'était forcément un rêve. Pourtant, une partie de moi semblait vouloir prouver le contraire. Le Dragon remua dans sa caverne, et je jouai des épaules, mal à l'aise.

-Tu as mal dormi ? s'inquiéta mon ami en terminant d'attacher ses boutons de manche.

Je balayai sa crainte d'un geste nonchalant de la main :

-J'étais nerveux, c'est tout. Et j'ai pas besoin que tu t'inquiètes pour moi, George.

Il étira un sourire rassuré :

-Là je te retrouve.

Il me fit signe de le suivre, ce que je fis, méfiant. Je parcouru le couloir d'un regard inquiet. Nell - enfin, Kameryna - allait-elle se présenter à moi comme s'il ne s'était rien passé ? Comme si tout ceci n'avait été qu'une pure invention de ma part ?

Je me stoppai soudainement : Sinna. Je devais parler à Sinna. Elle seule saurait me dire si je devenais réellement fou ou non.

-George, ou est Sinna ? l'interrogeai-je en le rattrapant.

Il semblait en effet que nous étions seuls dans le couloir. Les autres étaient-ils déjà montés ?

-Elle est avec les autres dans la la Cour de l'Ambassade, me sourit-il. Elle te manque déjà, c'est ça ?

Je lui décrochai un regard noir et il pouffa. Nous grimpâmes les marches rapidement, passâmes le grand hall à toute vitesse sans me laisser le temps de l'observer en détails. Je pus simplement voir un immense lustre de cristal et d'imposantes fenêtres décorées d'arabesques.

Au fond du hall, derrière deux grands escaliers qui menaient aux étages supérieurs, nous nous stoppâmes face à une double porte presque aussi immense que celle de l'entrée.

-Kenfu, je dois te dire un truc avant qu'on entre, grimaça George.

-Pitié me dis pas que t'es une Sorcière Noire en vérité, le menaçai-je, les muscles soudain raidis.

Mais il arqua un sourcil, surpris, et ravala un rire moqueur pour soupirer, plus sérieux :

-En vérité, on est tous debout depuis longtemps. Ils devaient s'installer avant ton arrivée.

Je plissai les yeux : voilà encore quelque chose qui ne me disait rien qui aille.

-Quelqu'un t'a dénoncé, Kenfu. Cette réunion s'est transformée en une sorte de procès. Je suis là pour t'appuyer.

Je me passai la main sur le visage et lâchai un grognement frustré. Cela n'en finissait donc jamais ? Mais soudain, mon cœur rata un battement lorsque je me demandai qui avait bien pu faire cela. Quelqu'un qui aurait comme une envie de meurtre, quelqu'un qui avait pour mission de me tuer au service d'un fameux Maître des Esprits... Je songeai alors à la possibilité que le véritable fou n'était peut être pas moi, mais Kameryna.