Chapitre 26 : la DGSM

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Je battis lentement des paupières, laissant entrevoir un plafond de métal incrusté de clous rouillés. Les souvenirs toquèrent à la porte de mon esprit, tous plus confus les uns que les autres ; où étais-je ? Puis, l'image de la silhouette pirouettant dans les airs et nous assonnant tour à tour des coups de poing et de pied.

-Ils se réveillent ! beugla soudain une voix bourrue, qui m'arracha un sursaut.

Je me redressai vivement, ce qui m'arracha une grimace ; une atroce douleur me saisissait tout le crâne, comme si on l'avait violemment jeté contre une pierre ou enfoncé de clous. Je balayai les environs du regard ; j'étais allongé sur un lit de camp militaire, aux côtés de George, Jeane et Sinna. La pièce était grande et haute de plafond. Elle était jonchée de caisses métalliques et d'objets divers, sans grand rapport les uns avec les autres. Au fond à droite, un bureau entouré de machines équipées d'un écran diffusait une lumière artificielle aveuglante, ajoutée à celle des LED accrochées au plafond. Le reste de l'espace était occupé par d'autres lits militaires, ainsi de plusieurs tables de métal, une cuisine dans le fond gauche et quelques canapés. 

On dirait un bunker, songeai-je, les sourcils froncés. Il y avait là six hommes ; la moitié étaient vêtus comme des gens ordinaires, tandis que les autres portaient des uniformes militaire à tissu de camouflage vert.

Une porte à ma droite grinça, et une jeune femme y pénétra. Ses cheveux noisettes relevés en un chignon lâche, elle ne portait que du noir ; de va veste, son débardeur à son pantalon cargo et ses boots, elle se serait rendue invisible dans la plus faible des obscurités.

Je manquai alors de m'étouffer lorsque je réalisai que c'était elle qui nous avait attaqué.

-Ah, enfin, railla-t-elle, hilare, en prenant une chaise.

Elle s'assit nonchalamment et nous dévisagea avec la plus grande curiosité, sans gêne. Je vis du coin de l'œil George se recroqueviller sur lui-même, mal à l'aise.

-Nell, la héla un des hommes, assis sur un canapé non loin, une tasse à la main. T'es sûre qu'c'est des Erkaïns ?

Je fus saisi d'un mouvement de recul, épouvanté :

-Comment savez vous... ?!

Mais, à ma plus grande surprise, ils ignorèrent ma remarque et Nell pivota vers son collègue :

-Honnêtement Greg, je n'en sais absolument rien. A vrai dire, je m'attendais pas à les battre si facilement.

Je lui jetai un regard noir ; étions nous des animaux à leurs yeux ? La jeune femme se leva et fit quelques pas dans la pièce :

-Je pensais qu'ils allaient se transformer et me déchirer les boyaux, mais ils ont rien fait. En fait, je suis un peu déçue. Je me suis entraînée toute ma vie pour me préparer à ce jour, mais ce n'était pas très dur, finalement. Peut être même un peu trop facile...

-Nous ne sommes pas des animaux sauvages, gémit soudain George.

Cette fois-ci, les visages pivotèrent dans sa direction.

-Vous n'êtes pas des Erkaïns ?! fit Greg, écarquillant ses immenses yeux bruns.

Je levai les yeux au ciel : ils nous prenaient véritablement pour des animaux, et non des semis-hommes. Je soupirai et fermai alors les yeux, allongeant ma tête et courbant l'échine. La seconde d'après, j'étais devenu un Panda-Roux. 

L'expression ébahie et la bouche ouverte de stupéfaction, ils me fixaient tous avec désormais une peur nouvelle ; sûrement mes griffes ou mes crocs, de la taille de leurs pistolets rangés à leur taille les effrayaient-t-ils.

-Ben ça alors, s'étouffa l'un d'eux, hébété. C'est impressionnant.

A mes côtés, mes trois amis me suivirent, et les hommes eurent cette fois-ci un mouvement de recul à la vue de George.

-Mon Dieu, c'est un ours ?! s'étrangla un autre, les yeux écarquillés. Il est deux fois plus grand que nos ours à nous !

-Ce sont des Erkaïns, Lionel, c'est normal, le rassura Nell, chez qui je sentis tout de même une certaine crainte.

J'agitai les moustaches, satisfait ; ainsi transformé, il m'était plus aisé de sentir leur peur et de leur inspirer un minimum de respect. Bien que George à lui tout seul suffise à effrayer la salle entière, j'étais plus à l'aise ainsi.

-Pourquoi ne vous êtes vous pas transformés quand Nell vous a attaqué ? demanda Greg, quelque peu pâle.

Ce fut au tour de Sinna de prendre la parole :

-Nous ne sommes pas ici pour montrer à tous les Humains que nous sommes des Erkaïns. Notre véritable nature doit rester secrète.

-Bah oui Grégoire, t'es con ou quoi ? pouffa l'un des hommes, moqueur.

Son collègue lui jeta un regard noir. Jeane lança alors :

-Vous êtes qui, d'ailleurs ?

-La DGSM, répliqua Lionel, presque las. Nous avons...

-Nous ne sommes pas venus ici pour jouer aux touristes, le coupai-je d'une voix froide, agacé.

Il referma la bouche, surpris, et j'enchaînai :

-Alors si vous pouviez nous relâcher, ça serait plutôt pas mal. Disons que ça nous éviterait de tous vous tuer ici.

Cependant, à la seconde même où je prononçai mes derniers mots, Nell dégaina son arme à feu et siffla, menaçante :

-Essaie un peu.

Je feulai, les oreilles rabattues, et les collègues de la jeune femme portèrent la main à leur ceinture, prêts à intervenir au cas où.

-Il n'y a donc pas de pistolets là d'où tu viens ? me lança-t-elle d'un ton froid. Tu ne sais pas que juste en appuyant sur la détente, tu crèves dans la seconde qui vient ?

-Il n'y a pas de pistolets, là d'où je viens, crachai-je, la fourrure hérissée. Ils ont été interdis quand nous avons su ce que vous en aviez fait.

Nell cilla, quoique de quelques millimètres à peine, et je n'attendis pas qu'elle enclenche le chien. Je bondis, chassai la fourrure de mes bras et redevins un homme en une fraction de seconde ; j'attrapai ses épaules lors de ma chute et la plaquai au sol dans un grognement. Son arme glissa au sol, et sous ses yeux écarquillés, je coinçai ses mains sous mes genoux et appuyai mon avant-bras sous son cou.

Le silence tomba dans la salle tandis qu'elle plongeait ses yeux bleus dans les miens. J'eus alors un sourire narquois, tant presque amusé et satisfait que mauvais, et me relevai. Elle resta quelques secondes à terre, stupéfaite, et je redressai le menton :

-Si nous l'avions vraiment voulu, nous l'aurions tuée depuis longtemps...

Je retournai m'asseoir auprès de mes amis, et ces derniers me jetèrent un regard approbateur. Alors que le silence s'éternisait, je jetai un regard exaspéré aux Humains :

-Et nous ne sommes pas des animaux sauvages, alors rangez vos putains d'armes !

Les Mondes d'Enohr ; les Secrets de Kaï -Tome 3 Cycle 1 / Terminée /Où les histoires vivent. Découvrez maintenant