Chapitre 38 : le Monde de l'Esprit

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J'ouvris lentement les yeux. Mon pouls était calme, et ma vision était nette. Perplexe, je me redressai et constatai que j'étais assis dans ce qui me semblait être un néant absolu, comblé de vide et d'obscurité. Je battis des paupières, balayai les alentours d'un regard consterné.

C'était donc à cela que ressemblait le Monde de l'Esprit ? Un néant total ?

-Ou alors c'est juste dans ma tête que c'est le vide total, murmurai-je pour moi-même en pouffant.

Je m'ébrouai aussitôt ; l'heure n'était pas aux plaisanteries. J'aperçus soudain la base d'un édifice de pierre. Les moustaches agitées, je plissai les yeux pour mieux cerner les contours de la structure et mon cœur manqua un battement lorsque je réalisai l'envergure de ce que j'avais pris pour un simple objet. J'avais face à moi une muraille de pierre et de métal d'une hauteur indéfinie, si haute que malgré tous mes efforts et en me retournant la nuque dans tous les sens possibles, je ne pus en voir le sommet.

Au centre des murs, deux portes de bois mesurant bien plus d'une centaine de mètres trônaient dans un silence pesant. Je m'approchai de l'entrée céleste à pas menus. Mes poumons étaient comprimés de nervosité. Qu'allais-je bien découvrir derrière cette entrée titanesque ?

Je fus saisis d'un frisson lorsque le mécanisme ébranla l'espace. Les portes s'ouvrirent dans un silence quasi-total -uniquement percé par les battements fous de mon cœur et ma respiration hachée. 

Je me faufilai dans l'embouchure et plissai les yeux sous l'éclatante lumière immaculée qui s'empressa de se jeter sur mon visage crispé. Alors, je battis des paupières et découvris un ruban de route pavée qui glissait devant moi. Un brouillard compact m'empêchait d'apercevoir où il s'achevait ; je ne parvenais à décerner qu'une imposante structure floue et aux contours irréguliers.

Aux abords des trottoirs effacés de la route s'alignaient des dizaines de maisons. L'ensemble du paysage était d'un blanc parfait, comme dessiné dans un nuage. Les reliefs des bâtiments étaient flous, comme à demi gommés. Le sol comme le décor extérieur étaient couverts d'une couche de brouillard.

Je fis quelques pas, perdu, et eus l'impression d'être perché dans le ciel, à l'abri du ventre d'un nuage. Ou alors, je suis mort, déglutis-je intérieurement. Je chassai cette idée sombre de mon esprit et poursuivis mon chemin.

L'endroit était vide. Ni vent, ni murmure des arbres ou berceuse de chants d'oiseaux. Je ne percevais aucun ruissellement indiquant la présence d'eau. Je levai la truffe et ne vis qu'une étendue infinie de blanc.

Le royaume de l'Esprit est vraiment étrange, songeai-je, le pelage gonflé. Rien en ce lieu ne m'était familier, soit rassurant. Malgré le fait que j'étais dans mon propre esprit, j'avais le sentiment d'y être totalement étranger.

-Kenfu ?

Je fus pris d'un violent sursaut et fis volte-face, toutes griffes dehors ; cependant, mon agressivité fondue aussi vite qu'un glaçon au soleil lorsque mes yeux réalisèrent qui se tenait au seuil de l'une des maisons, perplexe.

-Maman ? m'étranglai-je, les oreilles rabattues.

Une seconde silhouette se dessina derrière elle, et ma queue fila entre mes jambes :

-Papa ?!

Je reculai de quelques pas, la poitrine comprimée. Ce n'était pas normal. Ils ne devaient pas être là...

-Que fais-tu ici, Kenfu ? m'interrogea Aïru, les sourcils froncés.

Mes parents s'avancèrent et je demeurai pétrifié sur place, incapable du moindre mouvement.

Les Mondes d'Enohr ; les Secrets de Kaï -Tome 3 Cycle 1 / Terminée /Où les histoires vivent. Découvrez maintenant