«𝗖𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 12» : 𝖽𝗈𝗎𝗅𝖾𝗎𝗋

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Point de vue inconnue :

Je me sens mal, terriblement mal. Ma tête me lance, merde, pourquoi ils parlent à voix haute ? Doucement, doucement, arrêtez, j'ai... j'ai peur.

Ça tourne, tourne, tourne.

Hey, je ne sens plus mon corps.

Mes battements de cœur, ils sont gros, gros, ho, mes pieds... est-ce-que je n'aurai pas besoin de lunettes ? Ils sont... en train de fondre, fondre, dans le sol.

Je rêve. Voilà. Je suis... juste en train de rêver.

Personne ne me voit, oui, je suis invisible. Personne, personne, ne remarque ma présence.

"La pauvre..."

Je me sens bizarre, pourquoi sont-ils aussi tristes ?

"Orpheline, à cet âge..."

Et si je partais ? Je veux m'enfuir, fuir.

"Je pourrais comprendre pour son père, mais sa mère..."

Et si je tombais de la chaise ? Et si je fermais les yeux à jamais ? Je ne veux pas faire face à leur regard, ils sont effrayants.

"Bah oui, il avait perdu son frère à l'époque, il a dû tellement accumuler le pauvre !"

Mes pieds bougent seuls, et cet endroit lugubre disparaît de ma vision. Mais maintenant, je suis perdue. Je n'aurais peut-être pas dû m'enfuir comme ça.

Todu !

Mamie ?

Des pleurs, mais, mes mains sont mouillées. Est-ce que sont mes yeux qui lâchent cette pluie abondante ?

Todu, mon enfant, où es-tu ?!

Mamie, je suis là, viens me sauver, s'il te plaît, ils n'arrêtent pas de parler derrière notre dos!

Je me lève, oui, mes jambes ne flanchent pas. Je porte des sandales noires, mes pieds sont si petits, et ma robe est tout aussi sombre. Où suis-je ?

Mamie !

Ohh, tu es là, mon chérie !

Elle a lâché sa canne et a couru vers ma personne pour me prendre dans ses bras tremblants. Ses habits sont tout aussi noirs que les miens, mais sa robe est beaucoup plus longue que la mienne. Où sommes-nous ?

Tu m'as fait tellement peur, mon enfant !

Je sais, elle exagère, de toute façon, c'est ce qu'elle fait toujours. Je devrais souffler, geindre, me plaindre. Mais, ma gorge se noue, j'ai terriblement mal, c'est douloureux.

Plus les minutes passent et plus elle commence à disparaître, ma mamie se volatilise. Je reprends de la voix, je lui crie de revenir vers moi, à moi, à la pauvre orpheline que je suis. Reviens, s'il te plaît ! Je ne veux plus être seule, je ne sais même plus qui je suis.

Tout le monde, tout le monde me dénigre mamie. Pourquoi tu t'en vas aussi soudainement, qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que j'ai encore fait qui mérite le châtiment ?

Je me sens tourner, encore, encore.

Des rires, des esclaffements, trop fortes, trop puissantes. Pourquoi, pourquoi dois-je ressentir tout ça ? C'est trop fort, trop fort.

Aidez-moi, quelqu'un.

Quelqu'un... pitié, à l'aide, je ne veux pas mourir !

— Hey !... un bruit métallique se fracasse sur un meuble... Todu, debout, allez, au tableau !

Je sursaute et regarde ma professeur, me voilà de retour au présent et sur la terre ferme. C'était quoi ça, ce visuel de l'enfer ? Olalah, je sens encore mon cœur battre à la chamade.

— Todu !

Je sursaute de nouveau, pourquoi madame Hawaii doit toujours crier aussi fort ? On a bien assez de chahuteurs dans cette petite salle, et ils font bien leur boulot, pour crier bien fort à vous rendre sourd comme des autruches, c'est le jackpot.

— Je répète... Jirai Todu ! Dit la sorcière en appuiant bien fort sur mon nom de famille, quelle ordure.

— Attends... c'était pas le nom du meurtrier de l'époque là ?! Chuchote ma voisine de table.

— Ah mais... t'as raison, je l'avais zappé celui-là !

Encore cette règle qui se fracasse plusieurs fois au même endroit, ça va me rendre folle cette histoire. J'ai tout fait, depuis le début de l'année, pour que personne ne le sache. Je l'ai même confié à madame Jun, qui elle, au moins, a été coopérative.

— Silence ! Braille madame Hawaii, qui est tout le contraire de l'île paradisiaque d'ailleurs, à toute la classe avant de donner un dernier coup de règle.

Plus une mouche dans l'air, quel plaisir, j'ai toujours mal supporté les fortes sensations des hurlements humains. J'ai toute la peine du monde à me contenir, alors je souris en serrant la peau de mes cuisses jusqu'à me saigner s'il le faut. Un réflexe, assez pratique.

— Bien bien, maintenant, Todu, au tableau et que ça saute !

Cette prof est beaucoup trop sévère, je ne peux pas m'autoriser de jouer un peu plus avec sa patience. Même si, franchement, je sens que je suis quand même bien dans la cata' là.

— Oui, madame ! Je me lève rapidement de ma chaise pour résoudre l'équation qui est au tableau.

Celle-ci, je la maîtrise !

×××

Point de vue extérieur :

Alors que le ciel devient petit à petit profondément grisâtre, le vilain de la pluie fume paisiblement une clope en-dessous d'un gigantesque pont. À ce moment précis, un train vient de passer au-dessus de lui, créant des bruits de fer insupportables et des sifflements assourdissant, rompant ainsi le doux silence.

Le vilain râle bien fort en écrasant son mégo au sol, si Todu était là, elle se serait fâchée bien fort à cause de son geste. Alors il profite de son absence tant qu'il peut. Il est vrai que cette jeune fille lui a beaucoup apporté, mais ça doit en rester là, il n'en veut pas plus, surtout qu'à cause de lui, elle commence carrément à vriller du côté de la folie totale.

Grâce à elle, il a pu arrêter ses crimes. Oui, avant il en commettait pas mal, et il faisait pas avec le dos de la cuillère, c'était en masse. Parce qu'il lui obéissait au doigt et à l'œil, il lui fallait quelqu'un pour retarder les héros, ou plutôt, les occuper en attendant. Parce qu'il était fortement blessé, il fallait qu'il trouve le temps de se cacher et de s'en remettre. Et sur le moment, Hichiro lui est paru comme un bon plan.

Mais Hichiro, aka le vilan de la pluie, a arrêté ses activités de meurtre suite à une rencontre au métro. Cette personne lui a semblé si frêle, si fragile et tellement dépourvue de sens qu'il s'était rendu compte en quoi consistait la bêtise humaine. Ce qu'il cherchait depuis tellement longtemps en prenant le temps de tuer, c'était de comprendre, comprendre pourquoi l'humain est si faible.

Il a vu la femme qu'il voulait tuer, puis, nada, rien, cette envie qui l'envahissait sans cesse avait disparu comme par magie.

Puis, ses yeux s'étaient baissés sur cette enfant collée à son bas. Et en la voyant, il a compris, l'idée s'était finalement attachée à lui comme une évidence. La réalité. Il s'est senti tellement bête, tous les cadavres qui l'incombaient s'étaient comme rattachés sur ses épaules.

C'est parce qu'on passe par des moments pareils, parce qu'on est enfant, qu'on est naïf, qu'on est bête sur la réalité qu'on devient une grosse bêtise.

Et pour éviter ça, il a compris que la vérité comptait plus que jamais. Sans elle, l'humain resterait toujours dans le cocon de ses pensées.

***

Vous voyez les paroles de Bad Apple ? Bah quand je les ai découvertes j'ai tout de suite pensé à Todu !!

Humaine ⁱᶻᵘᵏᵘ ˣ ʳᵉᵃᵈᵉʳOù les histoires vivent. Découvrez maintenant