«𝗖𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 23» : 𝖻𝗈𝗎𝗊𝗎𝗂𝗇

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Tu t'ennuies énormément, il n'y a rien à faire dans cette chambre où seul le bruit des machines, des médecins et des patients dans les couloirs règne. Parfois il y avait du vent contre les vitres, parfois quelques oiseaux chantonnant et bien souvent de la pluie. Tes rideaux sont ouverts, et tu regardes la vieille dame du lit d'à côté lire un énorme livre. Ta curiosité est piquée, tu essaies donc de lire le titre.

— Tu peux me demander pour le titre, tu sais. lâche-t-elle, munie d'un sourire au coin, amusée.

Tu te figes, décidément, cette dame est trop forte. Serait-ce un alter ?

— Oui, je lis dans les pensées, jeune fille.

Tu déglutis, ça t'effraie, ça voudra dire qu'elle a pu lire dans tes pensées quand...

— Hop hop hop ! La vieille dame posa son livre sur la petite table à côté d'elle, avant de tourner sa tête pour te faire face. Je peux lire dans les pensées que volontairement, je ne veux pas savoir ce que tu as pu penser la dernière fois.

Ses yeux bleus émeraudes te déstabilisent, ils vont droit dans ton âme et t'incitent à baisser la tête. Décidément, elle est intimidante. Dans sa jeunesse, elle utilisait souvent cet alter à mauvais issuant pour des raisons purement personnelles sans qu'elle n'ait de permis provisoire. C'est ce qui lui a valu son hospitalisation à l'heure actuelle. Son cerveau, étant bombardé de plusieurs informations et constamment utilisé pour filtrer les pensées des autres, elle finit par se le bousiller, et elle gagna une tumeur à cet endroit même. Elle est clairement vouée à mourir, et il a été décidé qu'elle passera ses derniers instants sur ce lit puant le désinfectant, pas confortable et dont la froideur des draps lui hérisse les poils. Il ne lui reste qu'un mois, voire trente et un jours, et aucune visite depuis le temps. C'est à croire que tout son entourage l'a oubliée, en même temps, elle n'a pas été tendre avec eux, pas du tout même.

— Désolée, madame !

— Pas besoin d'excuses. Jeune fille, ça t'intéresse les livres ?

Tu as hoché de la tête, en vérité, c'était oui et non. Tu trouvais ça à la fois intéressant et à la fois barbant, en fait, peut-être que ça dépend des livres que tu pourrais lire.

— T'es encore une gamine, mais peut-être que je pourrais bien te parler de ma lecture de ce moment.

Cette vieille patiente, si une chose ne l'avait pas quitté depuis sa jeunesse, c'est bien son amour pour la littérature. Elle ne parle pas souvent, mais quand il s'agit de livres, elle peut faire des exceptions. Et ça fait tellement longtemps qu'elle n'a pas abordé le sujet avec une autre personne qu'elle-même, l'autre patiente n'est arrivée que récemment et la lectrice lui en veut déjà pour ses enfants qui sont plus que bruyants, alors elle ne veut pas lui parler, même pas un regard. Alors elle commença à te parler de sa lecture, et tu te retrouves étrangement submergée par ses paroles. Parce qu'elles étaient sincères, tu en as presque les larmes aux yeux. Tout à coup, tu aurais voulu le lire, son livre, mais tu ne voulais pas lui demander, alors que tu hésitais à si oui ou non tu pouvais lui emprunter ce bouquin qui t'intéresse, la dame prit le devant :

— Quand je l'aurais fini, peut-être.

Un sourire illumina ton visage, ce qui fit sourire la vieille dame à son tour. Depuis combien de temps avait-elle était attendrie par un sourire sincère ? Peut-être le jour de son mariage, ou la première fois que son enfant lui avait souri en tapant des mains. Ou encore lors de cette fête de Noël, avant le drame, quand sa fille l'avait traînée de force chez elle, et que ses petits enfants lui ont offert ce livre entre ses mains avec un énorme sourire sur chaque visage. Elle n'avait jamais voulu le lire mais, en réalisant tant de choses, elle s'était décidée à l'ouvrir. Maintenant ses petits enfants avaient grandi, ils étudiaient à la fac, et sa fille, veuve, nageait dans la mélancolie.

Ce long silence commençait à s'éterniser et très vite, pour ton bonheur, il se fit interrompre par la porte qui s'ouvrait dans un fracas phénoménal. La vieille dame sursauta, et toi en voyant ton grand-frère, essoufflé, deux dossiers entre le bras, tu semblais assez surprise de la voir dans cet état. Constatant que vous n'allez pas être seuls, il hésita un instant jusqu'à ce que la vieille, qui avait cru mourir d'arrêt cardiaque sur le moment, s'exclame :

— Vous pouvez rester, croix de bras, croix de fer, je ne parlerai pas de ce que vous allez échanger avec la petite demoiselle. De toute façon, je vais rendre l'âme dans un mois !

Pris d'empathie, Yagi s'excusa pour la dame, ce qu'elle ne lui en voulait pas puisque ce n'était pas de sa faute après tout. Ensuite, le blond se dépêcha de s'asseoir à ton chevet pour tout te raconter de ses découvertes. Ainsi s'ensuit une longue discussion, plus elle avançait et plus tu ne savais plus quoi en penser. Todu est la nièce de ton meilleur ami, le même que tu as tué par le passé, Akitto. Tout s'embrume dans ton esprit et tout un tas de théories viennent t'assaillirent, oubliant les bonnes choses laissant tout simplement place aux ténèbres. L'horloge indiquait quinze heures alors que le téléphone de ton grand-frère sonna dans sa poche, il le saisit et décrocha à la hâte. Vu celui qui appelait, il le mit en haut parleur pour que tu puisses entendre.

— Oui, j'écoute ? Répondit Yagi, un air d'appréhension collé au visage.

— ...Todu a été arrêté à la sortie de l'école, l'équipe d'Endeavor a reçu quelques informations qui nous autoriseraient à lui faire passer un petit interrogatoire de dix minutes, pas plus.

Ton cœur rata un battement, il fallait absolument que t'y ailles. Mais cette pensée fut vite chassée, de toute façon tu ne pourras pas. Il ne restait plus qu'à prier, prier pour que tous les mystères soient découverts, et surtout, pour que tout redevienne comme avant, et réparer tes erreurs.

Humaine ⁱᶻᵘᵏᵘ ˣ ʳᵉᵃᵈᵉʳOù les histoires vivent. Découvrez maintenant