1 - Tête dans la cuvette

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La musique vibre, accompagnée d'éclats de rires qui retentissent dans cette atmosphère festive. Depuis l'autre bout de la pièce, Jason me regarde d'un air complice. C'est grâce à lui que cette fête peut avoir lieu. Bien que mon appartement soit grand si on considère la taille générale qu'ont les appartements étudiants, il ne suffit pas pour accueillir tout ce beau monde. Et pour couronner le tout, mes voisins sont de vrais emmerdeurs. Ils n'hésiteraient pas une seconde à appeler la police dans l'espoir de me faire virer de cet appartement. Pour ma défense, ce n'est pas après moi qu'ils en ont. L'étudiant qui louait mon logis précédemment était un pur fêtard. Les pauvres doivent encore être traumatisés des tremblements de terre que sa musique provoquait

Alors que je me perds dans mes pensées à observer tout ce beau monde autour de moi, une main se pose sur mon épaule. Je me retourne et me retrouve nez à nez avec Noa qui me tend un verre. Ensemble, nous trinquons à cet événement spécial. Nos verres cartonnés se tordent en se cognant l'un contre l'autre tandis que la bière qui se trouve à l'intérieur tente de sen échapper.

Ça ne fait que trois mois que je connais ces personnes, mais je sais au plus profond de moi que je ne retrouverai une amitié aussi fusionnelle avec personne dautre. Là, au beau milieu de cette soirée, je me sens profondément bien. Comme si enfin, je mautorisais à être moi-même. Comme si enfin, javais trouvé ma place. Ces amis qui mentourent, je lespère, resteront dans ma vie encore longtemps. Qui sait, peut-être quaprès mes études je resterai vivre ici. Je nai aucune envie de me retrouver dans mon ancienne vie

Alors que nous dansons au centre de la pièce avec Noa, Léa nous rejoint. Nos corps remuent au rythme de la musique quand dun coup, les lumières séteignent. Ce signe distinctif, je le connais bien. Et je redoute ce moment précis lors de chaque anniversaire. Cette crainte me submerge dautant plus, car cette fois, ce rituel mest adressé.

Un halo orangé apparaît et ondule sur les murs de la cuisine tandis que la vingtaine d'invités entame leur diabolique chanson. Leurs voix résonnent comme un troupeau de casseroles sur de la roche, mais elles ne sont pas moins effrayantes. Mes joues sempourprent, et le feu me monte à la tête. Fuyarde, je fixe la flamme de la bougie en souriant pour ne pas avoir à croiser le regard de mes invités. Tous les téléphones sont braqués sur moi, comme si jétais un animal de cirque. C'est alors que Baptiste sécrie : « Fais un vu, Maddie ! ». Eh bien, mon souhait, cest que cette tradition disparaisse !

Enfin, cest fini ! La fête reprend son cours, les gens se dispersent dans la pièce. Une piste de danse se forme dun côté, une table se transforme en champ de bataille pour beer-pong de lautre et un dernier coin se met en place dans un désordre informe. Des verres à moitié vides saccumulent, des cadavres de bouteilles jonchent le sol à côté de chips écrasées. Pour finir, une montagne de vestes sentasse sur le canapé. Deux corps sont empilés au-dessus, couchés de manière chaotique comme sils avaient été jetés tels quels.

Cette situation me tire un rire mi amusé-mi nerveux, surtout quand jimagine le temps quil va nous falloir pour remettre de lordre dans cet appartement. Tant pis, là , je veux juste profiter. Minuit vient de passer et les deux garçons qui se vantaient de pouvoir boire sans fin sont les seuls à dormir. Ça ne métonne pas de David, mais concernant Bobby, cest une sacrée surprise ! Après tout, ce nest pas bien grave sils ne sont plus de la partie. Javoue avoir invité trop de monde. Si ça ne tenait quà moi, nous naurions été que cinq. Sept, pas plus. Malgré moi, quand je vois tous mes amis faire des fêtes avec des centaines de proches, je les envie un peu. Pourtant je ne voudrais pas vivre ça. Parfois je ne me comprends plus

Alors que jobserve les deux corps endormis sur le canapé-mentaux, je me surprends à bailler. Je secoue la tête et attrape un verre posé à côté de moi. Un cul-sec plus tard, je repars daplomb vers Noa que javais perdue de vue depuis toute a lheure. Elle est de loin lune de mes meilleures amies depuis que je suis arrivée ici. Concentrée sur sa partie de beer-pong, elle sursaute quand jarrive à ses côtés et me propose de rejoindre la jeu. Avec quelques verres dans le nez, mes talents de tireuse délite sont loin dêtre à leur apogée. Après six lancées et autant de bières, lalcool décuple ses effets, devenant plus intense. La pièce tourne autour de moi, mais je persévère. Lorsque le second tour commence, ce nest plus à côté dans les récipients que je vise, mais à côté de la table. Mes concurrents rigolent et se félicitent déjà de leur future victoire.

Vient ensuite une série de jeux tous plus alcoolisés les uns que les autres. Je dois dire que je nen ai retenu ni les règles, ni les noms. Passé deux heures du matin, je vois à peine le bout de mes pieds, je titube comme un nouveau-né qui apprend à marcher et ris aux éclats sans réelle raison. Lors dun énième shot, je rencontre celle quon appelle « la goutte de trop ». Je me précipite alors aux toilettes, bousculant maladroitement une fille qui navait rien demandé. Des insultes fusent dans mon dos tandis que Léa éponge son t-shirt, imprégné de la bière que jai renversé sur elle. Désolée Léa, mais là, il y a plus urgent.

Et puis de toute façon, elle a lhabitude avec moi. Nous sommes arrivées dans cette ville ensemble. Perdues, nous ne connaissions personne. Cest sur les réseaux que nous nous sommes rencontrées. A la rentrée, nous avons eu la malchance de tomber dans des classes différentes. Malgré quon ne se croise jamais dans les couloirs, nous sommes restées en contact. Nous organisions des petites sorties au centre commercial. A chaque fois, sans exception, il m'arrivait de trébucher ou de faire tomber quelque chose. Ça doit être une malédiction.

A peine arrivée dans la salle de bain, je claque la porte et m'effondre devant la cuvette. Une sensation de brûlure envahit mon oesophage au passage du liquide et une larme s'échappe. Sur mon front, une perle de sueur dégouline, collant des mèches de cheveux au passage. C'est décidé, plus jamais je ne boirais autant d'alcool. Même la voix dans ma tête est à bout de souffle.

Tout à coup, un raclement de gorge mextirpe de mes pensées.

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Un petit vote pour le soutien <3

PS : des apostrophes et des "oe" ont été supprimés lors du copier-coller, n'hésite pas à me signaler ceux que je n'ai pas vu, c'est très désagréable à la lecture alors autant régler ça au plus vite

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