24 - Monstrueuse redescente en enfer

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— On peut savoir pourquoi tu n'as rien préparé ?

Le ton de mon père est plus que dur. Je me confonds en excuse malgré moi. Je sais que je n'ai rien fait. Ils ne m'ont jamais dit qu'il y avait quelque chose à préparer. Mais injustement, ils pensent que je dois tout deviner de ce qu'ils attendent de moi. Et injustement, je vais me ramasser un tas de remarques. Je les connais par cœur ces situations.

— Tu pourrais faire un petit effort pour t'apprêter aussi. Regarde-toi, tu ne ressembles à rien. Va te changer pendant qu'on rattrape ce que tu as eu l'audace de ne pas faire.

Je m'excuse à nouveau et cours dans les escaliers pour m'éloigner de là le plus vite possible. Deuxième coup dans la poitrine. Comment voulez-vous que je m'aime alors que même mes parents ne le font pas ? C'est ce que je demande par message à Kaïl. Je les ai vus pendant à peine cinq minutes et je replonge déjà dans une tristesse aussi profonde que les abysses du plus grand Océan. Kaïl tente de me rassurer mais rien ny fait. Je ne comprends pas pourquoi je suis si éloignée de ma famille. Et ça me console en un sens, de ne pas être comme eux. La pomme est tombée très loin de l'arbre. Je suspecte même que je sois tombée d'un autre et que la personne qui m'a ramassée m'a mise dans le mauvais panier de récolte.

Quand je redescends, ils ont mis la table, commandé un repas et préparé leur plus beau sourire hypocrite pour recevoir notre famille. Je vois dans leurs yeux que mon accoutrement ne leur convient toujours pas. Devant mon miroir, j'ai essayé à nouveau de me regarder, d'aimer mes empreintes rouges. Mais après leur réflexion de tout à lheure, c'est comme essayer de franchir la voie 9 ¾ en étant un Moldu. Ma famille, leur famille, m'accueille à bras ouverts. Ils ont haussé le même sourire que mes parents. Les repas en famille chez moi servent avant tout à montrer lequel d'entre nous à le mieux réussi sa vie depuis la dernière fois. J'aimerais un jour connaître des festivités faites de retrouvailles sincères.

Durant l'apéro, les adultes débattent entre eux pour montrer les prouesses de leurs enfants. Évidemment, je ne fais pas partie du lot. Quand l'heure du repas sonne, c'est au tour des parents et des grands-parents de se battre à coup de phrases cinglantes. Moi, je ne parle pas. J'essaie de me faire la plus discrète possible. Je compte les heures avant que cette torture se finisse. Mais ma mère en a décidé autrement.

— Marie et Maddie ont toujours de très bon points, pas vrai les filles ?

Marie s'empresse de hocher la tête et de citer ses meilleures notes. De mon côté, je n'ose pas leur avouer que je travaille de moins en moins. Mon esprit à remplacer les maths par les fossettes de Kaïl, le français par ses douces paroles, et les sciences par les sensations que mon corps ressent dès que nos peaux se touchent. Mes pensées divergent tandis que leur conversation continue. Il ne se raccroche à la réalité que quand mon nom apparaît.

— Maddie devait montrer l'exemple à sa soeur mais finalement, c'est plutôt l'inverse qui se produit. Nous sommes fiers de notre petite.

Orhhh pitié ! Arrêtez de nous comparer sans cesse. Ils ne veulent pas comprendre que nous sommes deux personnes différentes et non un embryon qui devrait imiter son jumeau.

— On ne la reconnaît plus ces temps-ci. Elle baisse dans notre estime.

Je lève les yeux sur eux. Je le savais au fond de moi, mais ça pique tout de même. Ils passent leur temps à frotter contre moi le buisson d'un rosier. Constamment quand je repars d'ici, c'est avec des égratignures dans lesquelles leurs paroles mesquines s'infiltrent pour atteindre directement mon coeur.

— Elle ńa plus rien pour elle la pauvre.

Là, c'en est trop ! Ils pourraient tout de même me respecter un minimum. Je décide de suivre les conseils de Kaïl. Soit ça va améliorer la situation, soit l'empirer et peut-être que je n'en sortirai pas indemne. Mais après tout, c'est déjà de cette façon que ça va se finir. Ce matin, il m'a dit que famille ou pas, le respect devait persister et que s'il ne m'était pas donné, je devrais le récupérer par moi-même.

— Vous savez quoi, dis-je en me levant de table, j'ai en réalité bien plus que ce que vous ne pensez. J'ai de bonnes notes, des amis qui sont présents chaque instant à mes côtés, une vie autonome dans mon propre appartement, je perfectionne mon art chaque semaine et j'ai même un petit ami !

Grosse erreur Maddie Je ne trouvais plus quoi dire alors j'ai inventé. Après tout, ce n'est peut-être pas un si gros mensonge. Ou avec un peu de chance, ça n'en restera pas un très longtemps. Mais je savais qu'en tirant cette carte, ma famille m'aimerait à nouveau. Toutes les têtes autour de la table se tournent à présent vers moi, prête à m'entendre me languir de ma magnifique histoire damour. Chez eux, relation est égal à réussite dans le jargon des affaires.

Ils ont passé le reste de la soirée à me poser des questions et moi, à inventer. Je crée une histoire, un tissu de mensonges. Nous nous sommes rencontrés à un concert, notre relation dure depuis quatre mois, il est parfait (ce qui est vrai), il me nourrit de cadeaux (ce qui, dans leurs critères du parfait petit ami, est très haut placé) et fait très bien la cuisine. Ah, d'ailleurs il sappelle Mathys. Oui, quitte à sombrer dans un océan d'affabulations, autant y aller à fond pour faire couler l'épave le plus vite possible.

L'heure des cadeaux arrive. Chaque parent offre leurs cadeaux à leurs enfants. Pas la peine d'en acheter pour toute la famille, ça serait bien dommage de perdre de l'argent inutilement. Ma soeur reçoit deux billets d'avion pour partir en vacances tout frais payer avec une copine et moi je reçois un plaid. Avec un peu de chance il a l'option « consoler Maddie ».

Quand la soirée se termine, malgré ma fatigue, je nettoie immédiatement tout ce qui traîne pour qu'ils n'aient rien à me reprocher. Une fois ma tâche accomplie, je cours dans ma chambre. Le poids qui comprime ma poitrine refuse de partir. Ce genre de moment passé avec eux est plus que pesant. Il est insoutenable pour moi. Je suis obligée de rester à leurs côtés, de jouer la comédie, de feindre la parfaite petite famille qui s'aime à la folie. Alors qu'au fond de moi, je sens que je les déteste. Recroquevillée dans mon lit, je me pince les lèvres pour ne pas craquer une nouvelle fois. Une migraine commence à arriver, symptôme récurrent lorsque je suis sous pression durant plusieurs heures. Je sers fort contre moi le pull que Kaïl m'a prêté lors de notre première sortie. Je n'avais pas envie de lui rendre. Son vêtement porte encore son odeur malgré la pluie qui a dégouliné dessus. Je le serre de plus en plus fort sentant le chagrin remonter dans ma gorge. Je ne comprends pas mes parents. Je n'ai pas ma place ici.

Je me surprends à me demander : est-ce qu'ils seraient présents s'il m'arrivait quelque chose ?

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Vous ne savez pas le bien que ça me fait de replonger dans cette histoire (écrite il y a environ 1 an, la relecture/ correction n'a pas encore été faite sachez-le). Une fois ces étapes passées, l'écriture sera bien plus fluide et jolie, les scènes plus poussées, les autres personnages bien plus complets,...

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