23 - Un accueil renversant

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J'ai à peine dormi de la nuit tant j'étais stressée. Voilà deux jours de sommeil minable qui se concluent en une magnifique paire de cernes. Je n'aurais pas dû me moquer de celles de Noa je l'avoue. Nous avons à peine le temps de déjeuner qu'il est déjà temps de sauter dans la voiture. Le trajet se passe dans le silence. Noa me regarde tristement. Elle sait exactement à quoi je pense mais je n'ai même pas le courage de la rassurer. Un nouveau mammouth est venu s'installer sur mon coeur. Il se roule dessus et se couche pour l'écraser de tout son long. Kaïl a menti encore une fois, un mammouth c'est déjà trop lourd.

Je repense à hier soir, à sa réaction. Je pense à mes parents, à l'appréhension que j'ai. Je pense à moi, à ce que je vais bien pouvoir faire pour tenir. Mes pensées s'emmêlent et à cet instant j'aimerais retourner dans la piscine pour me laisser flotter jusqu'à ce que mes pensées s'arrêtent. La voiture se stationne, il est temps de dire au revoir. Mes amis m'accompagnent jusqu'au quai. A tour de rôle, ils me serrent dans leurs bras. Naïm me dit que tout va bien se passer. Kaïl me dit qu'il est là. Et Noa reste silencieuse. Elle na jamais été très douée pour rassurer les gens autrement que par sa présence. Mais son contact suffit plus que tout.

Je les quitte et me dirige comme un automate vers une place. Ils sont encore sur le quai. Ils attendent que mon train démarre pour retourner dans la voiture et poursuivre leur petit bonhomme de chemin. Quand le les portes se ferment, ils me font des grands signes de main. Qu'est-ce que je ferais sans eux ?

Le trajet est terriblement long et je ne parviens pas à concentrer mes neurones sur une tâche. L'angoisse ma prise d'assaut et s'est battue avec la tristesse. L'une à gagné, l'autre s'est terrée au fond de moi jusqu'à mon arrivée à Reims. Mes pensées se sont éteintes. Désormais, il n'y a plus que le vide en moi. Je n'arrive à me concentrer sur rien. Pas une série, pas un livre, pas un réseau social ne m'intéresse. Même la beauté du paysage qui défile me lasse. J'essaie de dormir mais je n'y parviens toujours pas. Je m'abandonne alors à un ennui des plus profonds qui s'étalera sur les prochaines heures.

J'essaie d'appeler mon père. Il ne répond pas. Je lui laisse alors un sms. Puis j'en fais de même avec ma mère qui, sans grand étonnement, ne décroche pas non plus son téléphone. Je souffle et pars m'asseoir sur un banc de la gare. Le froid est plus piquant qu'en haut des montagnes, c'est indéniable. Je les appelle en continu pendant dix minutes. Quand je ne sens plus mes doigts tant ils sont congelés sous le froid, je range mon téléphone et cache mes mains dans la poche ventrale de ma veste. Les minutes défilent et toujours aucun signe de vie. Je rapproche mes genoux contre mon ventre, assise sur le banc en espérant que la chaleur de mon corps me réchauffe petit à petit. Mais c'est peine perdue. Deux heures plus tard, je vois la tête de Guy à l'autre bout de la gare. Je comprends directement le message et je devine d'avance ce qu'il va me dire : "Oh tu sais ma petite, tes parents ont du boulot. ils n'ont pas eu le temps de venir te chercher. Mais ils ont hâte de te voir". Mais la fin de cette phrase qu'il m'a si souvent dite n'est qu'un ramassis de mensonges.

— Bonjour Maddie !

Son sourire illumine les quais de la gare et pourtant, nous sommes en pleine journée. Guy est de loin l'homme le plus bienveillant que je n'ai jamais rencontré. Il ne ferait pas de mal à une mouche (il en a déjà tué quelques unes, mais il m'a fait promettre de ne rien dire).

— Bonjour Guy, je suis contente de te voir !

Mais mon sourire dit le contraire. Je n'ai jamais été très forte pour cacher mes émotions. Et Guy me connait par coeur. Il m'a élevée presque au même titre que mes parents. Si pas plus. Quand ils n'avaient pas le temps de faire les cours, ils appelaient Guy. Quand ils avaient trop de travail pour venir me coucher, ils appelaient Guy. Quand ils étaient trop fatigués pour jouer avec moi, ils appelaient Guy.

— Je suis désolé Maddie. Tu les connais, ils travaillent beaucoup.

— Oui je sais, jai l'habitude ne t'en fais pas.

Mais l'habitude ne guéri pas toutes les blessures.

Il me serre dans ses bras durant une longue minute avant d'insister pour porter mon sac jusqu'à sa voiture. J'ai beau argumenter autant que je le veux, il n'écoute pas. Il estime que le voyage m'a trop fatiguée pour porter un poids aussi lourd. Il s'inquiète parfois tellement pour les autres qu'il en oublie de se regarder. Guy à le teint terne et des yeux fatigués. Sa peau attrape des tâches de vieillesse tandis que sa voix retrace les longues années de sa vie. Il doit avoir quatre-vingts ans à présent. Qu'est-ce que je l'aime. C'est mon deuxième papa, même si j'aurais préféré qu'il soit le premier.

Je monte dans la voiture et nous partons en direction de ma maison. Guy refuse d'entrer et dit qu'il doit rentrer s'occuper de George, son petit (grand) labrador. Il m'enlace à nouveau pour me dire au revoir puis je rentre dans ce que je considérais autrefois comme ma maison. A l'image de mes parents, elle est grande, luxueuse et sans âme. Je les appelle mais personne ne répond, je crie le nom de ma soeur mais à part mon écho, je n'entends rien. Je monte à l'étage et retrouve ma chambre sens dessus dessous. Durant mon absence, ils ont stocké un nombre incalculable de choses en tout genre : des cartons, la planche de repassage, du linge étalés partout sur mon lit et j'en passe. Ils ont bougé des meubles pour se faire de la place.

Je vois visiblement le seul endroit qu'il me restait ici n'est plus. Je dégage mon lit de tout ce qui le pesait, contrairement à ce qu'il me reste sur le coeur. Je lance mon sac dans la pièce, il atterrit aux pieds de mon armoire. Puis, j'applique la raison numéro une du PowerPoint de Kaïl et lance un film de noël sur mon téléphone. Les heures défilent et je n'ai toujours pas de signe de vie de mes parents. Je m'inquiète puisque nous sommes le soir du réveillon. Ils ne peuvent pas ne rien avoir prévu.

Il est passé dix-neuf heures quand je descends à la recherche de quelqu'un. Après avoir fait dix fois le tour des pièces, la porte d'entrée s'ouvre. J'inspire un grand coup, laisse s'écouler quelques secondes puis je pars les accueillir. Ils me font la bise, tous les trois.

— Comment ça se fait que Marie était avec vous ? Guy m'a dit que vous étiez au travail.

— Nous étions au centre commercial, me réponds diplomatiquement mon père.

— Ah je vois, courses de dernière minute pour les cadeaux ?

Je tente de dissimuler mon ton qui tend à virer vers la méfiance.

— Non pas du tout, Marie voulait s'acheter une nouvelle robe pour ce soir. Il fallait bien qu'elle soit présentable devant nos invités.

Un premier coup de couteau vient s'enfoncer dans ma poitrine. Donc s'ils ne sont pas venus me chercher après avoir été à distance durant quatre mois, c'est pour acheter une robe à ma sur. Le ton est donné au moins.

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Pas facile ce retour en famille elle me fait mal au coeur la petite Maddie, pas vous ?

Te souviens-tu ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant