11 - Soirée mouvementée

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— Toujours décidée à sortir en boîte ce soir ? s'extasie Noa.

— Évidemment, réponds-je le visage crispé.

— Tu espères me demander quelque chose, cest ça ?

Noa me connaît comme si elle m'avait mise au monde, pas la peine de tourner autour du pot, je me lance.

— On peut inviter Naïm et ses potes ? Dis oui s'il te plaîîît.

— Tu veux dire, inviter Kaïl et ses potes, non ?

Je baisse les épaules, vaincue. C'est évident que je me fiche de voir Naïm. Enfin, je l'aime bien ce n'est pas ça, mais je préfère Kaïl, voilà tout. La sortie de ce soir représente une belle opportunité pour contempler ses fossettes quand il s'adresse à moi.

— Moi ça ne me dérange pas, mais envoie un message aux gars pour être sûre.

Dans un élan de joie, je bondis et saute dans les bras de Noa comme si j'avais déjà gagné.

— Au fait, j'adore tes cheveux aujourdhui !

En tirant la langue, je m'éloigne à reculons dans les couloirs de la fac, guettant une réaction bien particulière. Ça ne loupe pas puisque, une fois l'information montée au cerveau, elle secoue la tête, un sourire crispé déformant son visage. Le voilà ! Ce même air gêné intervient toujours. Elle redoute par-dessus tout les compliments. Vous y croyez vous ? Il faut un sacré grain dans le crâne pour ne pas aimer recevoir d'éloges. Ou un énorme manque de confiance. Connaissant Noa, cest la première option. Du coup, je me suis imposé une règle, une sorte de mantra : « Complimente Noa une fois par semaine et tu vivras plus heureuse ».

— T'es pas croyable Maddie ! me blâme-t-elle.

*

Le soir tombe vite, mais en ce mois de décembre, où le soleil se couche à 17 heures, faire le pied de grue jusqu'au moment de la sortie est d'une attente mortelle. Je guette l'horloge toutes les dix minutes comme si les aiguilles s'arrêtaient lorsque je ne les regarde pas. Pour ne rien arranger à mon impatience, Kaïl m'envoie un SMS.

Kaïl : Jai hâte de te voir ce soir

Ça fera bientôt un mois que l'on s'est rencontré et je l'apprécie un petit peu plus chaque jour. Juste un petit peu ! Ce que le temps passe vite quand même. Sauf ce soir.

Je comble l'attente avec tout ce que je peux trouver. Appliquer une troisième couche de mascara, changer de tenue, regarder un épisode de ma série (mon cerveau refuse de se concentrer dessus). Ensuite, je me décoiffe pour tout recommencer, j'hésite avec un nouvel accoutrement. C'est de la torture cette attente !

Noa se gare devant chez moi à 23 h 13. Je ne comprendrai jamais ces fêtes qui commencent si tard. Dans ma ville d'enfance, lorsqu'on sortait entre amis, ça démarrait à 19 heures.

Là où nous allons ce soir, le Drungly, bien que situé assez loin du centre, vaut le détour. Considéré comme l'une des meilleures boîtes de nuit de Lyon, il représente « the place to be » pour la plupart des jeunes. Nous nous y rendons toutes les trois semaines depuis que j'ai rencontré Noa et les garçons. Avant eux, je passais mon temps seule, je n'aimais pas sortir. Que dis-je ! Je vivais telle une ermite. C'est à cause d'eux si je suis devenue fêtarde, sans pour autant toujours apprécier cette ambiance. En ce qui concerne Noa, elle représente mon parfait contraire : elle sortait du jeudi au dimanche. Depuis notre rencontre, elle a réduit ses sorties nocturnes pour privilégier celles en journées, où l'on peut s'entendre parler par exemple. C'est bien ce qui me dérange le plus dans les fêtes comme celle de ce soir. Nous n'y allons que pour danser — et boire pour certains — mais impossible de discuter.

Devant mon immeuble, Noa m'attend, téléphone à la main. Lorsque je franchis la porte, un émerveillement m'étreint et me laisse sans voix. Ravissante. Elle porte une longue robe violette qui fait ressortir à merveille sa peau noire. Ses cheveux, tout fraîchement coupés, remontent au-dessus de ses épaules. Avec ses talons, elle me dépasse d'une tête. Étant la seule à revêtir des couleurs, elle fera des ravages ce soir ! À force de ne mettre que des nuances de gris, notre génération est devenue daltonienne.

Moi aussi j'aime porter attention à ma tenue. Noa décrit mon style comme « d'une élégance inébranlable, même avec des vêtements quotidiens ». En vérité, ces tenues constituent une arme pour camoufler mes complexes. Ce soir, je porte un body en corset vert émeraude qui m'aide à apprécier ma poitrine quasi inexistante, un pantalon large et des escarpins qui me donnent la sensation d'une meilleure confiance en moi.

— Allez, on file sinon on va se faire attendre.

— Ça ne change pas de d'habitude, glousse Noa.

À peine installée dans la voiture, je sors mon téléphone pour prévenir Kaïl que l'on démarre. Je suis devenue incapable de ne pas lui parler. Sans le savoir, il m'aide à sourire au quotidien à éviter de ruminer, à ne pas penser à mes parents qui, à des kilomètres de chez moi, continuent d'exercer une pression immense.

À notre arrivée, Martin et Jason entament leur deuxième verre. Des souvenirs de mon anniversaire me reviennent en mémoire, je prends donc la décision de me limiter à une seule boisson. Hors de question de finir une autre soirée à vomir dans des toilettes malpropres. Ou sur Kaïl. Je ne sais pas ce qui est pire.

Pendant que le petit groupe discute, je scrute les environs, à la recherche d'un visage connu. Je n'ai pas l'impression qu'ils soient déjà arrivés... Nous nous jetons sur la piste et passons une heure à danser sur les musiques du DJ. Je m'impatiente, me demande s'ils vont venir, quand je les aperçois enfin entre plusieurs têtes en mouvement. Kaïl dépasse le groupe et slalome à la perfection à travers la foule. Tandis quil arrive à mon niveau, je m'élance dans ses bras. Un simple geste d'accueil, ma manière de dire bonjour, rien de plus. Ensuite, j'échange une bise avec chaque nouveau venu.

La soirée reprend son rythme, l'animateur enchaîne les musiques, mes compagnons font défiler les verres tandis que je tiens ma promesse de sobriété. Sous les mouvements synchronisés, les corps s'entrechoquent dans cette salle remplie. La proximité crée un sentiment de malaise chez moi que j'enfouis au fond de mon ventre. Lorsque je suis avec mes amis, je ne m'accorde pas le droit de me sentir mal. Pourtant cette boule grandit à son rythme, tord mon estomac d'une infime douleur qui s'installe comme un mauvais préssentiment.

Je reçois des coups maladroits de la part des personnes alentour. Kaïl, comprenant le calvaire que j'affronte, vient se placer à mes côtés et passe un bras derrière mon dos, sans me toucher. Il fait office de barrière protectrice. Vêtu d'une chemise foncée ouverte jusqu'en dessous de son torse, il laisse entrevoir une chaîne argentée qui descend entre ses pectoraux. Sous ces couleurs roses et bleues, il se montre plus séduisant que jamais.

Tandis que le monde continue de bouger autour de nous au rythme de la musique, il se place face à moi, une main sur mon épaule. C'est ce moment quil choisit pour me glisser un mot au creux de l'oreille.

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