Quelques mètres sur les pavés me suffisent à ressentir les bienfaits de 'lair extérieur. Le froid va m'aider à y voir plus clair.
— Tes potes sont des cons, crache-t-il d'un ton ferme.
Je proteste, mais il secoue nonchalamment la tête, il ne veut rien entendre.
— Je ne comprends pas comment on peut laisser une amie, rentrer seule dans les rues de Lyon. Quoi ? Ne me regarde pas comme ça. J'ai entendu plein de mes amies me raconter des histoires horribles de choses que les femmes subissent dehors. Et elles en ont fait partie. Alors arrête avec ça je ne lâcherai pas l'affaire.
Visiblement, je parle à un sourd... Nous marchons côte à côte dans le silence. De temps à autre, ma voix brise le calme apaisant de la nuit pour lui indiquer le chemin de mon appartement. Mon regard se balade de gauche à droite pour faire passer le temps. Là, dans l'obscurité, sous les lampadaires de la rue, je remarque à quel point il est beau. Les lumières jaunes se reflètent dans ses cheveux ondulés, semblables aux vagues un soir de tempête. Il ne porte qu'un pull aux couleurs de l'hiver. Comment fait-il pour supporter un froid pareil avec si peu de fringues ?
Après une dizaine de minutes, je l'interpelle sur ce qu'il a déclaré plus tôt. L'alcool commence doucement à s'envoler, redonnant libre cours à mes pensées.
— Ce ne sont pas des cons, ils sont de loin les meilleurs amis que j'ai jamais eus. Tu aurais vu ceux d'avant... Ils me considéraient comme une moins que rien, ce que je faisais n'était jamais assez. Je parlais toujours trop ou trop peu. J'étais trop souvent collée à eux ou trop distante. Je n'étais jamais à la hauteur.
Je frotte mes mains ensemble avant de m'excuser. Quand je bois trop, j'ai tendance à déblatérer autant qu'une bouche à incendie fendue. Après un temps de réflexion, ses yeux jonglant entre le sol et les miens, il me répond.
— Je confirme. Eux, ce sont des cons.
Il se gratte l'arrière du crâne. Je n'aime pas ça, la pitié. Sa bouche s'entrouvre mais se referme aussitôt. Que veut-il me dire de plus ? Durant les vingt minutes qu'il reste, nous apprenons à nous connaître. Posant des questions sur nos vies, sur ce que nous espérons pour notre futur, sur nos passions...
— T'as prévu de faire quoi plus tard ?
— Je n'ai pas envie de penser à plus tard.
N'hésite pas à me renvoyer la question surtout, monsieur rabat-joie.
— Et tu fais quoi comme études ?
— Je suis à la fac mais je m'en fiche un peu. Je suis surtout là pour les potes.
Tout le contraire de moi donc. Cest moi ou il fait plus froid qu'avant ?
Quelque chose me trotte dans la tête depuis toute à l'heure. Le genre de question que je pose toujours aux premiers abords, quitte à faire fuir la personne. C'est une sorte de test pour savoir si ça vaut la peine de continuer à parler. Quand j'estime que le bon moment arrive, je me lance.
— Tu fais confiance à ceux qui tentourent ?
Il se crispe sur le coup, devenant raide comme mon hamster quand il est décédé. Ses orbites s'ouvrent en grand et il semble chercher ses mots.
— Honnêtement, je ne compte sur personne.
Il a l'air aussi étonné que moi du ton qu'il a employé. Il s'excuse et reporte son attention sur la route. La surprise ne quitte pas mon regard. Aucune confiance ? Cest absurde ! Comment peut-on vivre entouré de personnes à qui l'on ne peut pas se confier.
— Tu ne te fies vraiment à personne ? Même pas à tes amis proches ou à ta famille ?
— Tu l'apprendras un jour, les gens finissent toujours par retourner leur veste. Quand une autre situation les arrange mieux, ils te plantent un couteau dans le dos.
Son ton est plus froid que l'air ambiant, je serre le poing, c'est lui le con.
— Je suis plutôt du genre à donner ma confiance et si je vois que je suis déçue, je la reprends.
— Ça va te jouer de mauvais tours.
— T'es trop pessimiste.
— Réaliste, corrige-t-il en faisant un signe innocent.
Je souffle un « dommage » avant d'accélérer, espérant qu'il ne l'ait pas entendu. Nous atteignons enfin la porte de mon immeuble. Je monte les premières marches, essaie d'enfoncer la clé dans la serrure et après trois essais, il vient maider. Ça me coûte cher de le remercier mais, après tout ce qu'il a fait pour moi
— Attends, prends mon contact. Comme ça, quand tu seras chez toi, je pourrai m'assurer que tu es bien arrivée.
Un sourire narquois fend son visage. Il me faut quelques secondes pour comprendre qu'il n'est pas sérieux, que ce n'est qu'une tentative masquée pour avoir mon numéro. Je lui tends alors mon téléphone pour qu'il s'ajoute à mon répertoire. J'apprends par la même occasion qu'il s'appelle Kaïl. Je le remercie une dernière fois de m'avoir raccompagnée avant de m'engouffrer dans l'immeuble. À peine la porte claquée, je retire déjà mes talons. Ils me causent une douleur tout droit sortie des enfers. Je souffle d'épuisement quand j'arrive à mon appartement. Monter quatre étages en ayant bu est un pur calvaire. Je saute sur mon lit et m'étire de tout mon long. Les murs de ma chambre tournent encore autour de moi. La sensation met un moment à se calmer. J'agrippe tant bien que mal mon téléphone pour tenir Kaïl au courant. Est-ce que je devrais attendre ? Ça ne ferait pas bizarre de lui envoyer un message maintenant ? En plus il ne fait confiance en personne, il a échoué au test. Mais je me demande bien pour quelles raisons Il faut que j'approfondisse nos discussions. Il faut que je sache.
Maddie : Je suis bien arrivée chez moi :)
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Te souviens-tu ?
RomanceAlors que Maddie jongle entre ses peines de cœur, ses incertitudes et une relation familiale plus que chaotique, elle fait la rencontre de quelqu'un qui pourrait bien bouleverser tous ses idéaux. Plus le temps passe, plus ses sentiments prennent pla...