Te souviens-tu ?

14 - 5 raisons de ton innocence

Suite à ma phrase, ils ouvrent grand la bouche, les sourcils haussés jusqu'à la racine de leurs cheveux. Noa verse à son tour une larme et saute dans mes bras. Pris d'une colère noire, Martin frappe la table avec violence, faisant sursauter quelques élèves aux environs. Sous le choc de sa réaction, mes mains tremblent. Est-ce que je dois aussi me méfier de ceux qui m'entourent ?

— Ce n'est pas ta faute, c'est juste un gros con irrespectueux. C'est inhumain comme geste ! s'emporte Jason à son tour, les dents serrées.

Mais leurs paroles ne me rassurent pas pour autant. Je suis convaincue que quelque chose dans mon comportement la poussé à agir ainsi. Quand des bras m'encadrent et posent un ordinateur sur la table devant moi, j'émets un mouvement de recul. Ma tête cogne contre le torse de Kaïl. Mon premier sourire de la journée pointe à l'horizon. Sans même nous dire bonjour convenablement, il allume la machine qui s'ouvre sur un PowerPoint intitulé « 5 raisons de ton innocence ». Debout derrière moi, il énumère chacun des points à voix haute.

— Raison numéro une : Certains individus sont dotés d'une intelligence équivalente à celle dun pigeon (les pigeons ne comprennent pas le principe d'espace personnel).

Martin part aussitôt dans un fou rire qui sonne aussi faux que les seins de Camila (pardon Camila). Il se penche et se bidonne la tête vissée sur la table, rebondissant à chaque ricanement. Sale moqueur. Moi, j'apprécie beaucoup sa touche d'humour.

— C'est avec ça que tu comptes la rassurer ? Passe ton chemin, on se débrouille bien tout seuls, assène-t-il.

Noa fusille Martin du regard en plaçant sa main par-dessus la sienne. Elle invite ensuite notre présentateur à continuer son exposé.

— Raison numéro deux : Parce que tu es l'unique soleil qui brille dans la noirceur de ce monde — il glisse aux autres de ne pas le prendre pour eux et poursuit — malheureusement les insectes stupides s'y collent (tu as de la chance, moi je ne suis pas un insecte).

Je rigole dans ma barbe. Noa nous observe en retrait, passant du visage bienveillant de Kaïl au mien.

— Raison numéro trois : parce que certains individus sont aussi lourds qu'un troupeau de mammouths sur les épaules (un seul, ça peut aller, mais au-delà de trois, on finit aplati).

Martin croise les bras, exaspéré, soufflant assez fort pour que Kaïl le remarque. Quant à Jason, il lui donne un coup dans le dos tout en souriant face à l'originalité de l'exposé.

— Raison numéro quatre : parce que ton charme est si puissant qu'il agit comme un aimant (je te propose d'installer un périmètre de sécurité). Je te propose d'être ce périmètre, ajoute-t-il alors que ce n'est pas retranscrit sur l'écran.

Mes yeux brillent de joie. Il pousse l'humour à un tel degré de nullité que ça en devient drôle.

— Et raison numéro cinq : parce que certains hommes sont comme des enfants dans un musée, ils ne peuvent s'empêcher de toucher ce qui est interdit (les mômes sont parfois plus lourds que les mammouths).

Il referme l'ordinateur d'un air théâtral, un large sourire fend son visage. Je me retourne, me lève et prends Kaïl dans mes bras. Ses mains passent dans mon dos et me serrent vigoureusement. A son tour, Noa l'enlace et je l'entends chuchoter : « merci pour ce que tu fais pour elle ».