17 - L'ivresse des descentes

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— Je suis pas prête du touuut !

Je panique. Nous sommes en haut de la piste rouge et mes jambes tremblent à en faire vibrer la montagne.

— Pourquoi c'est si haut bon sang !

Les trois énergumènes autour de moi me regardent avec des sourcils froncés. J'ai un truc entre les dents ? Je fronce les sourcils à mon tour et fais un signe de main pour leur demander ce qu'il leur arrive.

— Mais Maddie, c'est la hauteur moyenne quand on fait du ski.

Je comprends enfin ce qui les étonne. Je me frotte l'arrière du crâne et ricane timidement.

— J'ai peut-être oublié de vous dire que je n'ai jamais skié.

— Maddie... souffle Noa, tu aurais dû nous le dire. C'est dangereux de commencer à skier en piste rouge.

— Je suis désolée, je ne voulais pas vous embêter, vous aviez l'air si contents.

Mon ton est triste, je n'ai pas su le cacher. Je baisse les yeux et je sens une moufle se poser délicatement sous mon menton pour me faire relever la tête.

— On n'est pas tes anciens amis. Tu peux nous dire les choses tu sais ? On ne t'en voudra pas de ne pas savoir skier.

Je regarde Kaïl, ses paroles me rassurent profondément. Mais je n'en reste pas moins stressée par la descente. Mais encore une fois, il me sauve d'une situation désagréable (moins désagréable que l'épisode des toilettes).

— Voilà ce qu'on va faire : on va partir tous les deux de notre côté, je vais t'apprendre à skier et quand tu te sentiras prête on rejoindra Naïm et Noa, ok ?

Ses ok sont toujours si rassurants, tout comme ses paroles en fin de compte. Il a les mots pour me donner confiance, pour calmer mon anxiété. Nous saluons nos deux amis qui s'empressent de descendre la piste à toute vitesse puis nous partons en direction des télésièges pour redescendre vers les pistes plus simples. Kaïl m'explique que celle où nous allons est faite pour les débutants. Déterminée, je teste une première descente seule, comme une grande. Mais quand deux mètres plus loin, je me retrouve comme une autruche, la tête enfoncée dans la neige, je me fais à l'idée que je vais avoir besoin d'aide.

Kaïl descend à mon niveau et m'aide à me relever. Retrouver le contact de ses mains, même à travers le tissu, fait monter la chaleur dans mon corps. Nous nous retrouvons à nouveau au sommet de la piste. Ce n'est même pas une piste verte, c'est une piste d'essai et par ailleurs, la piste où les enfants font de la luge. Voilà donc où j'en suis réduite. Je regarde Kaïl mais il n'a pas l'air déçu d'être ici avec moi et non sur les vraies pistes. Il me montre la position à tenir pour skier. Il m'explique également comment bien me tenir afin de ne plus tomber tête la première et finalement comment freiner, tenir mes bâtons et tous ces gestes techniques. Puis je me lance enfin dans la descente.

Je prends doucement de la vitesse, le vent vient se jeter sur mon visage. Je tiens. Je ne tombe pas. La descente est courte et elle est surtout réussie ! Kaïl arrive quelques secondes après moi. Enivrée par ma réussite, je lui saute dans les bras. Enfin, jessaie puisque mes skis m'en empêchent. Il rigole et se déplace à mes côtés pour m'enlacer. Je fais souvent des câlins à mes amis, mais l'intention n'est pas la même avec lui. Le ressenti non plus.

Je recommence la même descente quelquefois sans jamais tomber. Kaïl décrète alors qu'il est temps d'essayer les niveaux supérieurs. Nous partons en direction de la piste verte, que j'ai réussi avec un franc succès. Puis la piste bleue qui, bien que je sois tombée quelques fois, ne me pose pas plus de difficultés. Trois heures se sont écoulées durant mon entraînement intensif. Je ne suis pas encore prête à faire la piste rouge, alors nous passons le reste de la journée sur la bleue. Celle-ci me donne des sensations phénoménales.

Ce n'est que lorsque je me sens plus à l'aise que je me permets d'apprécier ce qui m'entoure. Le ciel est d'un bleu infini. La neige est jonchée d'habiles traces de ski. Il fait froid et pourtant, grâce à ma combinaison je le ressens à peine. Ce paradoxe me procure un malin plaisir. Quand je me propulse dans la descente, le froid vient me taillader le visage comme si des centaines de stalagmites s'enfonçaient dans mon visage.

Kaïl m'explique que c'est pour cette raison qu'il faut porter un col et qu'on ira m'en acheter un. Nous continuons nos descentes effrénées. Plus nous en faisons et plus je prends de l'assurance. J'accélère petit à petit, je passe de lignes droites à des ondulations timides et finalement je fais de belles et grandes courbes. Mes skis me portent, pris d'une fièvre d'excitation. L'air pur de la montagne remplit mes poumons de joie. J'accélère encore. Je poursuis un rythme effréné tandis que Kaïl tente de me rattraper. Je n'entends rien autour. La piste est dans une bulle insonorisée que seul le vent peut traverser.

Je prends un virage. De temps à autre, le son de la neige change pour racler sur le verglas. Je contourne une personne. Nous entrons sur une dernière partie de la piste qui est à présent jonchée d'arbres teintés de blanc. Je fais une photo mentale de ce paysage me promettant de le peindre un jour.

Un skieur devant moi freine, je l'esquive de justesse. J'entends la voix de Kaïl derrière moi mais je ne parviens pas à discerner ses mots. Je suis prise de passion pour la vitesse. L'adrénaline me donne des ailes (et non Redbull). Kaïl arrive à mes côtés et me fait des signes de mains, me demandant de ralentir. Je secoue la tête et donne une nouvelle impulsion à l"aide de mes bâtons. Dernière ligne droite. Je me sens invincible. Une petite bosse arrive sur mon chemin, je tente de l"esquiver mais je n"y parviens pas. Je passe sur le bord de la butte, je manque de tomber à la renverse, mais je parviens à me rattraper à la dernière seconde.

Arrivée en bas de la descente, les silhouettes de Noa et Naïm se dessinent au loin. Je pars les rejoindre et lorsque Kaïl réapparaît dans notre champ de vision, nous faisons des grands signes à son attention. Il arrive à côté de moi, ôte ses lunettes et je découvre un visage mêlé de colère.

— Tu veux me faire avoir une crise cardiaque ou quoi ? Cest ton premier jour Maddie ! T'as disjoncté ?!

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