6 - L'art thérapie

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— Bonjour, jeunes gens. J'espère que vous allez tous très bien parce que ça ne va pas durer.

Amalia est ma professeure d'art thérapie. Je l'ai rencontrée par hasard dans un bar et son look ma captivée dès le premier coup d'oeil. Ses cheveux arborent une teinte similaire au pelage d'un panda roux. Ses lunettes reposent inlassablement sur son crâne, c'est à se demander pourquoi elle en porte. Elle s'habille toujours de manière atypique, mélangeant des couleurs improbables. À vrai dire, son style vestimentaire ressemble à une palette de peinture qui n'a pas été nettoyée depuis dix ans. Amalia rayonne constamment, déversant sa joie de vivre sur toute personne s'approchant à moins de cinq mètres delle. Dans une pièce, impossible de la rater que ce soit par sa prestance ou par sa voix qui porte au loin.

J'étais assise à côté delle au bar. Je discutais avec Martin, rencontré très récemment à ce moment-là. Notre conversation était régulièrement interrompue par cette femme qui s'égosillait à mes côtés dans un dialogue passionné avec le barman. Exaspérée par ses cris, je me suis retournée afin de lui demander de parler moins fort. Elle s'était alors excusée en posant une main sur sa bouche. Amalia a tendance à exagérer le moindre de ses gestes. Un sacré personnage. Une discussion est née naturellement entre nous trois. Je complimentais ce style original qu'elle revêt si bien, et à son tour, elle décrivait avec tant de poésie à quel point elle trouvait mes cheveux merveilleux. C'est ainsi que notre amitié à commencer à prendre forme.

Au cours de notre échange, je lui dépeignais avec enthousiasme ma passion pour l'art, et en retour, elle partagea l'amour qu'elle porte à son métier. Aussitôt eut-elle commencé à parler de ses cours que des notes d'émotion avaient teintées sa voix. Je fus conquise sur-le-champ. Martin a fini par rentrer chez lui, nous laissant toutes les deux nous extasier face à notre nouveau point commun.

Amalia ma conviée à ce monde auquel j'étais étrangère, elle m'a autorisée à rejoindre son cours même après la clôture des inscriptions. Ils avaient donc commencé plusieurs semaines avant mon arrivée. J'ai posé des questions sur le déroulé des leçons, sur ce que je devais apporter, sur ce que ça implique de façon concrète, mais elle ne ma jamais donné de réponses précises. Elle a déclaré d'un air espiègle :

— Tu le découvriras par toi-même au moment venu.

Je me suis munie de toute la patiente que j'avais en attendant ma première séance. Dès mon arrivée, les apprentis m'ont accueillie à bras ouverts et Amalia m'avait offert un kit de départ. Jusqu'à présent, j'ai participé à trois cours, tous plus étonnants les uns que les autres. « Déformons-nous » était le premier, un exercice de caricature qui visait à dédramatiser et accepter nos défauts. Ensuite, il y a eu « Balance ton diable », où nous devions dessiner de manière déformée une personne qui nous avait blessés, puis l'insulter devant le reste du groupe. Oui, vous avez bien lu. Et enfin, il y a eu « Les douze coups du Paradis » (Amalia n'était pas très inspirée pour ce nom-là), où nous devions présenter douze objets, symboles ou proches que nous voudrions emmener au paradis. Le but était de prendre conscience de ce qui à de l'importance pour nous.

Jusqu'à présent, les séances ont été bienveillantes, parfois déroutantes. Mais je comprends à l'intonation d'Amalia que celle-ci s'annonce bien plus corsée.

Nous nous asseyons chacun sur notre tabouret, disposés en arc de cercle pour que tous les élèves puissent se voir. Amalia se place face au demi-cercle et dépose sur un pilier d'exposition sa réalisation recouverte d'un voile. Avant chaque cours, elle prépare ses ateliers ainsi qu'un exemple concret de ce qui nous sera demandé. J'avoue que ça me rassure, moi qui ai toujours peur de faire mal ou de manquer d'inspiration.

Elle dévoile sa peinture d'un geste vif, laissant à la vue de chacun un monstre squelettique, svelte, trônant au centre de sa toile. Une certaine mignonnerie émane de lui et à sa manière, il fait sourire les élèves. Pourtant, Amalia aborde un visage grave.

— Savez-vous ce que ce petit monstre représente ? demande-t-elle.

À son intonation, nos rictus seffacent.

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Des idées de ce qu'il signifie ?

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