Te souviens-tu ?

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La partie commence et je suis prête à en découdre. Bien que ce soit la première fois de Kaïl ici, je ne perdrai pas ma place indétrônable du plus grand nombre de victoires amassées. Je ne lui ferai pas de cadeau. Il a l'air totalement perdu au début, mais il comprend vite les règles du jeu et se remet sur les rails, prêt à me poursuivre à grande vitesse pour rattraper ses points. Mon regard laisse transparaître toute la fureur du monde. Mes yeux bougent dans tous les sens à une vitesse astronomique pour être la première à repérer les indices. Je ne parle plus, trop concentrée sur mon objectif.

— Je te préviens, je suis un des plus grands mauvais perdants de l'univers. Je refuse de perdre face à toi.

La bataille entre nous a duré près de quarante minutes avant que Kaïl ne trouve ma dernière île et que je jette mes bras en l'air en sautillant. Je me rapproche de lui et le pointe du doigt.

— T'as perdu, t'as perdu, je chantonne.

Kaïl croise les bras sur son torse et fronce les sourcils. Je lui parle mais il ne répond pas, il continue de bouder.

— Tu sais quoi Maddie ? Je ne pensais pas passer de si bons moments avec toi. Je n'avais plus ri autant depuis longtemps.

Son ton est encore amer, mais sa phrase me ravit. Je prends place à ses côtés, prête à le défier dans un nouveau jeu. Je m'étais rapprochée sans même m'en rendre compte, tant j'étais concentrée sur la partie.

Dans le jeu Jungle Speed, les joueurs doivent attraper le totem au centre de la table le plus rapidement possible lorsqu'ils tirent une carte identique. Au fur et à mesure de la partie, nos bras se frôlent de plus en plus. Ce n'est que lorsque nous attrapons tous les deux le totem en même temps que je me rends compte de notre proximité. Je relève le visage vers lui, nos mains toujours enlacées autour du totem. Nos visages sont à quelques centimètres l'un de l'autre. Je sens son souffle chaud caresser ma joue. Je n'avais jamais été aussi proche de lui (à part quand je vomissais).

J'observe son visage, particulièrement les petites lignes qui dessinent son sourire. Ces longs cils que toutes les filles rêvent d'avoir. La lumière se reflète dans ses yeux noisette. Le temps tourne au ralenti en cet instant si précieux. Jusqu'à ce qu'un serveur nous interrompe pour prendre une nouvelle commande de boissons.

Nous nous écartons l'un de l'autre comme si de rien n'était. Mais nos sensations corporelles, elles, ne peuvent oublier. Nos coeurs battent encore à l'unisson, nos épaules pleurent leur séparation et nos yeux se souviendront à jamais de cette vision.

Le serveur revient avec deux verres de jus puis repart aussitôt. La partie continue dans une atmosphère lourde. Mais ne vous méprenez pas, ce n'est pas désagréable. Après quelques autres parties et de nombreux éclats de rire, nous décidons de rentrer. Le froid me prend d'assaut dès que je franchis le pas de la porte. J'ai bien pensé à prendre une veste, mais elle ne suffit pas à me réchauffer. Les températures de l'hiver sont toujours plus piquantes que prévues.

Timidement, Kaïl me propose son pull pour me réchauffer. J'accepte, touchée par son geste qui réchauffe plus mon coeur que mon corps. Il est vingt heures, autrement dit : l'heure de manger. Nous décidons alors de rentrer chacun chez soi. Alors que nous nous dirigeons en direction de mon appartement, la pluie nous surprend. Une fine averse, faisant briller les lampadaires de la rue. Nous courrons pour nous abriter sous le balcon d'un bâtiment. Kaïl émet un rire enfantin. Quest-ce qu'il y a de si drôle à se faire tremper jusqu'aux os ?

— Allez Maddie, détends-toi. Tu n'aimes pas courir sous la pluie ?

— Tu te crois dans un film ? Bien sûr que non.

Kaïl prend un air blasé. Il attrape ma main, me sort de ma tanière, et me fait tournoyer au milieu de la rue. Au début, je trouve ça désagréable - d'ailleurs, c'est toujours le cas. Mais avec Kaïl, c'est différent. Au bout de quelques minutes, je me prends au jeu. Je tourne sur moi-même, les bras en l'air, sautant dans les flaques pour l'éclabousser. Pour lennuyer, je secoue mes cheveux tout près de lui. Je pensais lui faire regretter son idée. Pourtant, il a l'air d'encore plus apprécier le moment.

Tandis que mon mascara bave sur mes joues pour me faire ressembler à un panda, lui n'a droit qu'à des cheveux trempés qui retombent sur son visage. Il est magnifique avec ces gouttes d'eau perlant sur ses cils. Quand nous nous calmons tous les deux, il pose sur moi un regard intense, déstabilisant.

— Alors, il est chouette ce film, pas vrai ?

— Peut mieux faire.

— Menteuse ! s'offusque-t-il. C'était génial. Presque trop beau pour être vrai, n'est-ce pas ?

J'acquiesce et lui signale qu'il est temps de rentrer. Nous marchons sans bavardage. Ce n'est pas un de ces silences embarrassant, c'est un silence qui vaut de lor. Celui qui prouve que l'on se sent bien en compagnie de cette personne. Nous nous promenons côte à côte, nos épaules se frôlent pendant des nanosecondes.

Kaïl me raccompagne chez moi, argumentant que c'est pour ma protection, alors que je jure savoir me défendre en cas de problème. "Tu verras bien que non si un jour ça t'arrive", me dit-il. Je n'y crois pas un mot.

Une fois devant ma porte, nos regards se croisent et un léger silence s'installe entre nous. Cette fois, il pèse sur nos épaules. Nous cherchons tous deux quoi dire, en vain. Cest ce fameux moment où on ne sait pas quoi faire pour se saluer.

Option A, une bise tout ce qu'il y a de plus normal. Réponse B, le prendre dans mes bras. Réponse C, l'embrasser.

Mais même si je suis une folle alliée et la fan numéro un des films romantiques, je sais qu'il est bien trop tôt pour l'option C. Alors je choisis la D : déposer un tendre baiser sur sa joue. Sa pommette rebondit sous mes lèvres et alors que je m'écarte de lui, il cache son visage derrière une main. Ce qui ne m'empêche pas de le voir sourire. Il est chou.

— Oh, avant que j'oublie, dis-je en soulevant le pull. Il faut que je te le rende.

Il pose sa main sur la mienne, je m'arrête en plein élan.

— Je te dois une sortie. Tu me le ramèneras la prochaine fois.

Mes joues s'embrasent, laissant le feux de mes sentiments s'exalter.

— C'est d'accord, à bientôt Kaïl.

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Quel titre donneriez-vous à ce chapitre ? 👀 Je vous laisse décider et celui que j'apprécie le plus apparaîtra dans le roman à sa sortie !