28 - Jalousie mal fanée

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J'arrive sur les quais du Rhône accompagnée de Noa. Il ne nous faut pas bien longtemps avant de repérer nos amis qui sont en train de faire les zouaves avec de parfaits inconnus. C'est comme ça que se déroule le Nouvel An à Lyon, apparemment. Des centaines de jeunes (des vrais jeunes, pas ceux d'Amalia) se regroupent sur les quais avec des dizaines de casier de bières, de paquets de chips et un tas de feux d'artifice. Le parfait pack de survie des majeurs. Martin m'a vendu ça comme la meilleure soirée que je ferais de toute ma vie. Et vous vous en doutez, il a à peine exagéré. Mais sa description m'a tellement donné envie d'y aller que j'ai accepté.

Malgré tout, vu la dernière semaine que j'ai passé avec ma famille, je n'ai pas le coeur à faire la fête. J'aurais préféré rester chez moi à me lamenter dans mon lit. C'est d'ailleurs ce que j'avais commencé à faire avant que Noa sonne chez moi et me fasse tomber du lit. Enfin, tomber, pas vraiment. Elle m'a plutôt tirée jusqu'à ce que mes fesses touchent le sol. Mais bon c'est Noa et quand elle fait sa tête de chien battu, on peut tout lui pardonner. La seule raison pour laquelle je suis sortie de mon lit pour venir, ce sont mes amis. Savoir qu'ils sont là me réchauffe le coeur. Et je sais qu'ils me consoleraient même au beau milieu du feu dartifice, quitte à rater le fameux "bonne année" crié sur tous les toits de la ville.

Nous rejoignons donc Martin et Jason qui, vu leur nouvel accent, ont déjà bien bu. Quand ils m'aperçoivent, ils me serrent tous deux dans leurs bras. J'ai l'impression de revenir d'un long séjour durant lequel nous aurions été coupés de tout contact. Je sais que leur câlin ne veut pas dire un simple bonjour. Leurs gestes sont toujours bien plus symboliques que ce que l'on pourrait voir de l'extérieur.

La musique tonne derrière moi, branchée sur d'énormes enceintes ramenées en l'occasion. Les feux d'artifice sont déjà après, alors que la nouvelle année n'arrivera que dans quelques heures. Vivement qu'elle arrive pour qu'elle m'extirpe de cette foutue année que j'ai passée. Enfin, j'exagère. Je ne l'ai pas si mal vécue. Seulement, si l'année prochaine mes parents pouvaient être embarqués dans un tsunami ça m'arrangerait. Oui au beau milieu de la France, pourquoi pas ? Cest le voeu que je ferais lorsque les feux d'artifice écloront dans le ciel. A moins que je n'en trouve un meilleur d'ici là.

Noa me tira par la main pour partir danser au milieu de la foule. Je ne suis pas super à l'aise de me retrouver aussi proche d'inconnus. Les souvenirs que mon corps a gardé de la dernière soirée remontent dans ma mémoire plus rapidement qu'un ascenseur hanté. Noa le sens et vient se coller derrière moi pour me protéger. Noa est ma vraie petite soeur, celle qui ne changera pas, qui ne m'abandonnera pas. Noa, Jason et Martin, ce sont eux ma famille. La famille que j'ai choisie. Je n'ai pas encore décidé qui sera le cousin germain et qui sera loncle saoul, mais ce sont eux.

Kaïl, Naïm et Aaron arrivent en file indienne et viennent se placer à nos côtés. Une véritable chorégraphie commence. Il y a de ces chansons que tous les jeunes écoutent à toutes les fêtes, à tel point que des pas de danse se sont créés en harmonie pour finalement obtenir une danse partagée par tous. Les corps de tous les jeunes venus fêtés bougent à l'unisson. Les rires résonnent comme du cristal et les voix se joignent en une seule. Rares sont ces moments, où quand nous les vivons, nous savons déjà qu'ils resteront à jamais dans nos mémoires. Celui-ci en fait partie. Mon sourire qui jusqu'à présent était digne d'une pièce de théâtre, est devenu plus que sincère. La présence de mes amis, l'énergie que la joie des personnes autour procure et l'ombre de Kaïl dans mon dos me procurent un bien-être infini. Pour une fois, j'ai la sensation que je pourrais aller mieux. Définitivement mieux.

Quand nos dansent se terminent, nous saluons enfin nos amis et rejoignons ceux restés au bar. Mais quand Martin nous voit arriver, son sourire passe de l'enthousiasme à une forme de dégoût ? Difficile à dire avec un verre dans le nez, son visage est déjà déformé. Il se lève de table, attrape son verre sur le comptoir fait de bacs de bière et passe un bras autour de mon cou.

Te souviens-tu ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant