Chapitre 5

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Pdv Matthew

Mon regard dévie immanquablement vers elle. Son judo est explosif mais tous ses mouvements sont d'une justesse implacable.

- Toi, tu es amoureux mon pote !

Lucas me sort de mes pensées, détournant enfin les yeux d'Emma pour se poser sur celui qui est maintenant à mes côtés, vidant sa gourde pour reprendre son souffle. Il faut bien quelques secondes pour que sa phrase s'imprime sous mon crâne.

- Pardon ?

La bonne réponse est simplement non, mais mon esprit n'est pas encore tout à fait dans cette conversation. Bien entendu, il se marre.

- De son judo, mec ! C'est tout ce que t'aime. J'ai même l'impression de voir ta version miniature et féminine ! s'amuse-t-il.

Un sourire s'étire sur mes lèvres, incapable de cacher que pour une fois il a visé juste. La passion qui l'anime lorsqu'elle entre sur le tatami, fait naître une petite étincelle en moi, car on ne rencontre pas si fréquemment ce genre de personne.

- En tout cas, elle m'a clairement fait comprendre qu'on ne deviendra jamais amis, plaisantai-je.

- Ah enfin une personne sensée qui pense également que l'amitié homme/femme n'existe pas !

Je ne cherche pas à le contredire, sachant d'avance que je perdrai mon temps dans ce débat. Mais concernant Emma, il est plus probable qu'elle ne veuille lier d'amitié avec personne, homme ou femme. Ça ne me regarde absolument pas, mais c'est plutôt étrange qu'une jeune femme de vingt ans se mette autant en retrait de la société.

- Pour les compétiteurs, je vous garde cinq minutes après la fin du cours, pour parler de la compétition de dimanche.

On se met en place pour le salut, puis un petit groupe vient s'agglutiner près de moi en attendant mes explications. Emma est bien évidemment en retrait, ne sachant pas encore que si elle le souhaite elle va pouvoir y participer en équipe.

- Pour l'individuel, je veux que vous soyez au gymnase dès neuf heures dimanche, pour qu'on fasse un échauffement et pour l'équipe vers treize heures. Samedi on fait un entraînement plus léger et on se blesse pas, n'est-ce pas Lucas ? terminai-je, en souriant.

Cet andouille avait réussi à se casser les orteils la veille d'une grosse compétition, en voulant trop en faire à l'entraînement. Depuis je prends un malin plaisir à le prendre comme exemple de ce qu'il ne faut pas faire, juste pour le voir me lancer un regard blasé.

- Bon allez, à samedi ! Emma, est-ce que je peux te parler deux petites minutes, s'il te plaît ?

Son visage laisse échapper une expression de surprise, très brève, avant qu'elle n'acquiesce d'un petit mouvement de tête. Une fois seuls, son corps me lance à la gueule qu'elle est franchement mal à l'aise, ses mains entrent inconsciemment dans les manches de son kimono. Bien que son attitude ne me soit pas spécifiquement adressée, c'est la première fois que ma présence est aussi mal perçue.

- Il nous manque une personne... pour euh... pour l'équipe. Est-ce que ça t'intéresse d'en faire partie pour dimanche, bégayai-je.

Son malaise a déteint sur moi, on aurait dit un collégien qui proposait un rendez-vous à une fille, alors qu'ici il n'y avait absolument rien de personnel. Ses yeux se braquent aux miens, et l'éclat de joie qui les traverse, me cueille sans prévenir. Mon regard se pose ensuite sur le petit sourire qui s'étire sur ses lèvres. Mes pensées s'embrouillent légèrement, pour qu'une seule ressorte sans raison particulière. Son sourire est vraiment hypnotisant, quand il semble sincère et non de façade. Putain, heureusement que personne n'entend les conneries que mon cerveau vient de débiter en moins de trente secondes.

Sans finOù les histoires vivent. Découvrez maintenant