Chapitre 11

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PDV Matthew

En raccrochant, mon esprit a du mal à intégrer toutes les informations que l'on vient de me donner. J'étais prêt pour mon footing, mon unique remède pour garder ce contrôle de soi que je chéris tant, lorsque l'aube apparaît. Dans la pénombre il devient beaucoup plus abstrait, trahi par tout ce qui reste en moi, malgré mes tentatives pour tout étouffer.

Mais là, tout mon être a arrêté de ressasser pour ne retenir que le fait que Emma a été agressée. Un petit éclat, vestige d'un passé bien trop présent, est venu se planter sans douceur dans mon organe vital.

Les idées totalement embrouillées et confuses, j'arrive sans tarder devant le petit drugstore où elle travaille. Accueilli par des gyrophares dont la lumière bleue criarde me paralyse le temps de quelques instants, je m'engouffre sans attendre dans le magasin.

Un homme d'une quarantaine d'années s'affaire avec les gendarmes, pendant qu'un ambulancier tente d'ausculter Emma. Malgré toutes les questions qu'il lui pose, elle reste totalement stoïque, ses yeux se perdant dans le vide. Son regard se détourne pourtant à mon entrée pour venir se braquer sur moi, oscillant entre l'agacement et l'abattement. En m'approchant je remarque sa lèvre tuméfiée et son bras qui enveloppe son abdomen.

- Emma, comment tu te sens ?

Un petit sourire triste se dessine, très vite remplacé par une grimace de douleur à cause de sa lèvre inférieure.

- Tout va bien, tu me ramènes ?

Le patron se retourne soudain à ses paroles, faussant compagnie aux deux agents de police.

- Emma, il faut que vous suiviez l'ambulancier afin qu'on vous soigne à l'hôpital !

- Non, merci.

La détermination dans sa voix me surprend, tout comme son patron qui ne s'attendait visiblement pas à cette réponse.

- Je peux l'emmener moi directement aux urgences si ça vous convient ? proposé-je, rapidement.

L'ambulancier et le patron acquiesce d'un hochement de tête, s'éloignant déjà tous les deux. Le regard d'Emma se plonge dans le mien, et alors que je pensais y voir un peu de reconnaissance au vu de ma proposition, j'entraperçois seulement une sourde colère qui ne demande qu'à exploser.

- Tu sais Emma, même les personnes fortes doivent soigner leur blessure !

- Où vois-tu une personne forte ici, Matthew ? Hein dis-moi, elle est où ? crache-t-elle avec véhémence.

Son ton est si acerbe qu'il me laisse quelques instants sans voix. Son corps s'est raidi et sa mâchoire est maintenant complètement crispée. Comment peut-elle penser qu'elle ne l'est pas ?
J'allais lui répondre, mais en me voyant entrouvrir les lèvres, elle reprend la parole.

- Ne me dis pas que je suis forte, car tu ne me connais pas. Et si j'avais été forte je ne me serais pas fait agresser comme ça en n'étant même pas fichue d'appuyer sur un putain de bouton ! Si j'étais forte, j'aurais réussi à appliquer la seule chose qui me faisait tenir jusqu'à là ! Mais non c'est pas le cas je n'ai pas gardé le contrôle...

Sa tirade se meurt entre ses lèvres, me laissant abasourdi. Et je comprends malheureusement, oui je ne saisis que trop bien le sentiments qui la traverse en ce moment. Cette impression que ce qui vient de se passer nous a complètement échappé, et que les autres nous ont entravés au point de croire, que c'est nous qui avons perdu le contrôle, alors qu'on en a juste été privé.

Je ne vais pas tenter de la contredire tout de suite, car la rage qu'Emma dirige contre elle, ne lui permettra pas d'entendre réellement mes paroles. Alors d'un signe de tête, je lui enjoins de me suivre pour qu'on se dirige à l'extérieur afin de s'installer dans ma voiture.

Sans finOù les histoires vivent. Découvrez maintenant