Chapitre 12

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Pdv Emma

Petit à petit, l'esprit apprend à ne plus rien attendre des autres. On s'éloigne, en dressant des barrières si hautes, qu'on les pensent indestructibles, et pourtant...
Il suffit d'une seconde d'inattention pour qu'une poussière s'infiltre par miracle à travers l'une d'elles, et les dégâts deviennent incontrôlables. Car non contente d'avoir atteint un lieu fermé à tous, elle va tout enrayer, et les barrières qui nous protègent des autres, deviennent notre prison.
Aujourd'hui, la réponse de Matthew, vient me rappeler sans douceur pourquoi rien ni personne ne doit s'infiltrer dans mon périmètre de sécurité. Ses yeux tentent de s'accrocher aux miens, mais chaque parcelle de mon corps lutte péniblement pour ne pas exploser face à sa réponse.

- Emma, tu m'expliques ? s'étonne ma mère.

- On peut rentrer ?

Alors que ma mère salue le voisin, je pénètre dans l'appartement sans un regard en arrière. Il y a tellement d'émotions qui se bousculent en moi, que j'ai l'impression de vaciller sous leur poids. Mais en voyant le visage défait de ma mère, c'est la culpabilité qui vient me cueillir. On s'est toujours promis de tout se dire, mais aujourd'hui j'ai essayé de rendre les derniers événements moins graves, car j'en ai marre de relater la violence. Je suis usée de voir les larmes de ma mère, roulaient le long de ses joues car la cruauté de la vie refait surfaces inlassablement.

- Mon poussin, parle-moi, s'il te plaît ?

Son ton empli de tristesse, finit de me faire détester la vie que l'on mène depuis dix ans.

- J'ai juste travaillé cette nuit au drugstore et il y a eu un braquage. Je voulais pas que tu t'inquiètes pour rien.

- Pour rien ?

- On a connu pire maman, alors oui ça fait mal mais j'ai l'hab...

Je me stoppe avant de finir cette phrase qui est en train de me briser. Admettre cette vérité, celle qui te rappelles que la violence a été ton quotidien et reste ancrée dans chaque recoins de ton être est bien trop brutal.
Ma mère m'observe sans dire un mot, avant de s'éloigner rapidement jusque dans sa chambre. Et je sais qu'elle se cache pour déverser toute la rage et la tristesse à l'entente de ma phrase.

En me glissant dans mon lit, ma colère se dirige une nouvelle fois contre le voisin. Il ne mérite même plus que je le nomme. Le fait qu'il fasse du judo m'a fait baisser ma garde, lui laissant cette possibilité de m'atteindre. Mais dès demain, je vais remettre cette distance que j'ai toujours mise avec tout le monde. Et c'est avec cette certitude que je m'endors les écouteurs dans les oreilles.

Le réveil est compliqué ce matin, mon corps entier semble être passé sous un 38 tonnes. Mes muscles sont contracturés, et ma lèvre me lance. En arrivant dans la cuisine, le petit-déjeuner est prêts, ma mère se précipitant sur moi pour me prendre dans ses bras. Cette étreinte est une conversation silencieuse. Malgré la douleur à l'abdomen qui se réveille, ce calin me fait beaucoup de bien.
En sortant de l'appartement pour aller au travail, je prie pour ne pas croiser le voisin, qui fort heureusement ne traîne pas dans les couloirs ce matin.

En arrivant devant la boutique, mon coeur accélère légèrement sa course contre ma cage thoracique. Après deux ou trois grandes respirations, j'entre enfin, en arborant le visage le plus avenant possible, bien que je connaisse mes capacités limités dans ce domaine. En arrivant dans l'arrière boutique pour poser mes affaires, je suis surprise d'y voir Tom. Et on peut dire que c'est réciproque.

- Emma ? Qu'est-ce que tu fais là ? Comment ça va ?

- Je travaille comme tous vendredis Tom, c'est plutôt toi, qu'est-ce que tu fais ici à cette heure-ci ?

Sans finOù les histoires vivent. Découvrez maintenant