Chapitre 7

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Nos regards restent braqués l'un à l'autre, annulant toute l'agitation du lieu où l'on se trouve. Dans le sien, je tente de trouver la réponse à ma question silencieuse. Mais la réalité de l'instant présent me rattrape, en me rendant compte que nous sommes toujours debout devant l'ensemble des personnes qui nous accompagnent. Mon corps reprend le dessus, me dirigeant rapidement dans les toilettes afin de reprendre un minimum mes esprits.

Les accusations de l'abruti font toujours vibrer une sombre colère dans chaque cellule de mon corps. Mon cœur, par ses battements, déchire ma cage thoracique dans une rage que je ne connais que trop bien. Celle qui consume un peu plus mon âme dès que cet horrible sentiment d'injustice m'envahit. A une période de ma vie, je répondais par la violence verbale, incapable de contrôler ce flot de rancœur. Maintenant je préfère la fuite. Fuir lâchement pour que mon esprit garde la lucidité nécessaire pour ne pas répondre par la violence, car lui ressembler me tuerai. Après cinq minutes à essayer de retrouver un semblant de normalité, je ressors pour aller directement attendre Matthew, devant le bar.

Une pluie fine m'accueille, lorsque je m'adosse aux briques délavées de l'établissement. Sans vraiment pouvoir l'empêcher, j'analyse rapidement l'environnement qui m'entoure, en espérant ne pas y trouver son visage. C'est souvent dans ces moment-là que la limite entre ma paranoïa et le monde réel devient très fine, arrivant à voir son visage, sa silhouette sur des personnes totalement inconnues.

- On rentre ?

La voix rauque de Matthew me sort de mon observation, surprise par le ton désabusé de celle-ci. Savoir que la discussion l'a remué, provoque en moi un mélange de soulagement et en même temps de profonde tristesse. Car malheureusement, lorsqu'un sujet nous touche à ce point c'est qu'on y a été confronté de près. Pourtant contrairement à moi qui peine à m'adapter à la société, lui semble s'y être totalement acclimaté de nouveau.

- Tu préfères peut-être apprendre à danser sous la pluie ? plaisante-t-il, devant mon absence de réponse.

- Tu sais danser toi ?

Visiblement mon sarcasme lui passe à côté car il me présente sa main comme un futur cavalier. Bon, au vu du petit rictus qui étire ses lèvres, il a très bien compris, mais trouve ça drôle de faire l'imbécile.

- Oui on va rentrer, déclarai-je en prenant la direction de sa voiture.

J'espère qu'il ne se vexera pas trop de mon refus de rentrer dans son jeu, mais c'est typiquement le genre de comportement, que je ne sais pas gérer en société. Ma mère va certainement lever les yeux au ciel quand je vais lui dire, se demandant une nouvelle fois comment sa fille peut-être aussi peu à l'aise avec les relations aux autres.

Matthew vient à mes côtés pour aller jusqu'au parking, et mes joues rougissent d'un coup lorsque mon coup d'œil dans sa direction, qui se voulait discret, pour savoir s'il était vexé, s'accroche à ses yeux qui me fixent également. Comme à chaque moment gênant, mes mains sont les victimes idéales, faisant craquer mes doigts un à un. Une fois à l'intérieur de sa voiture, ma tête se tourne vers l'extérieur pour tenter de me couper de ce brouhaha incessant de mes pensées.

- Du coup tu m'as toujours pas dit, quel est l'élément le plus important pour toi dans le code moral ?

Je me tourne rapidement dans sa direction, étonnée qu'il remette notre conversation de la dernière fois sur le tapis, et surtout qu'il attende une réelle réponse. Il ne comprend peut-être pas les signaux que tout mon être envoie, pour lui indiquer que je ne suis pas une personne avec qui faire la conversation. Il me semblait que les vibrations que l'on émettait faisaient plus ou moins fuir les gens selon la négativité qu'il en résultait. Et il est clair que les miennes sont à l'unisson pour repousser tout le monde, mais Matthew a visiblement un dysfonctionnement sévère dans sa réception des vibrations.

Sans finOù les histoires vivent. Découvrez maintenant