Chapitre 17

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Le réveil s'active pour m'indiquer qu'il est maintenant l'heure d'affronter cette dernière journée à New-York. Mais aujourd'hui il m'est bien inutile, car toute la nuit mes yeux sont restés résolument ouverts. Chaque instant qui s'écoulait ne faisait qu'enfoncer un peu plus sournoisement cette pointe dans mon organe vital.

Il m'est impossible de le nommer encore cœur, car il est maintenant vide. Il ne bat plus que pour m'assurer de rester en vie. C'est totalement ridicule sachant que tout en moi se meurt. J'ai l'impression que ce soir c'est la fuite de trop, celle qui nous mène définitivement vers cet abyme que l'on fuit depuis bien trop longtemps.

En m'extirpant de mon lit, je tente de repousser cette pensée qui ne cesse de revenir à moi. Mais visiblement même avec toute la volonté du monde, il n'est pas aisé de se débarrasser de ce sentiment perfide. Ne plus jamais revoir Matthew m'attriste.

C'est ridicule, pourtant sa présence avait réchauffée une petite parcelle de mon âme que j'avais volontairement gelée pour survivre tout ce temps. Et je sais pertinemment que cette aveu de faiblesse va me rappeler pourquoi, je n'aurai jamais dû le laisser entrer.

Lorsque mon regard se pose sur ma mère qui termine de préparer le petit-déjeuner, je devine sans mal que sa nuit n'a pas été meilleure que la mienne. Le faible sourire de façade qu'elle m'adresse ne peut lutter contre la couleur charbon de ses cernes creusées. Sans un mot nous nous enlaçons rapidement avant de manger dans le silence.

- J'ai trouvé un vol pour vingt-deux heures, est-ce que ça te convient poussin ?

Le fait qu'elle ait pris en compte ma demande d'hier, me prouve encore une fois à quel point notre amour l'une pour l'autre sera toujours plus fort que tout.

- Oui maman, merci.

Ma voix n'est qu'un souffle, ne sachant plus vraiment où j'en suis. Je ne suis même pas sûre de réussir à dire au revoir à Matthew. N'est-il pas mieux que je fasse comme si de rien était ce soir durant le cours ? Partir sans me retourner comme pour les fois précédente ? Je n'ai jamais été dans ce cas de figure. D'habitude ils laissent tous tomber après un ou deux essais infructueux. Mais Matthew n'a pris en compte aucunes de mes mauvaises vibrations, s'en accommodant comme si de rien n'était.

- Ça va aller mon poussin ? Je sais que d'habitude on ne garde contact avec personne mais tu peux garder le numéro de Matthew si tu en ressens le besoin.

- Non, ne t'inquiète pas ce n'est qu'une personne comme une autre, demain il sera oublié.

Cette phrase m'écorche la bouche, et elle est bien inutile car le visage de ma mère me montre qu'elle n'y croit absolument pas. Le léger trémolo à la fin de ma phrase n'a certainement pas aidé. Ma mâchoire se crispe pour tenter d'éviter de déverser devant elle, toute la tempête qui se joue en moi.

En entrant dans ma chambre pour me préparer afin d'aller au boulot dans une heure, il me faut une grande inspiration pour contenir cette larme solitaire. Mais c'est peine perdue, elle s'écrase lourdement sur ma joue, détruisant tout sur son passage. Il ne me faut pas longtemps pour tout ranger dans ma valise déjà à moitié faite.

- J'ai pris ma journée, afin de tout régler et ranger avant notre départ. Mike va passer pendant ton cours de judo ce soir, même si je lui ai dit que c'était fini la dernière fois, j'aimerai lui dire au revoir.

Ma mère est dans l'encadrement de la porte, et elle aussi, semble bouleversée par ce départ. Dans ces moments-là, j'ai envie de m'excuser, bien que je ne sache réellement pour quoi.

- D'accord.

Alors que je m'apprête à sortir, elle m'enlace en m'insufflant cette force qui me manque terriblement aujourd'hui. Mes bras s'entourent autour d'elle également, ressentant le besoin de la sentir contre moi, pour affronter cette nouvelle vie qui nous attend.

Sans finOù les histoires vivent. Découvrez maintenant