Chapitre XX. Décisions.

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            Agata m'a réveillée de bonne heure afin que nous préparions un déjeuner digne de ce nom pour accueillir Tahira, la mère de Rayan. Ma tante est stressée de la rencontrer. Elle angoisse concernant l'œil que portera cette femme libanaise d'une soixantaine d'années sur elle. Acceptera-t-elle que son fils unique, petit dernier après trois filles, ait un enfant si rapidement avec une femme de quinze ans son aînée ? Une tatoueuse très tatouée, qui plus est. Divorcée et tata solo d'une adolescente. Elle se pose tout un tas de questions et n'est pas très concentrée à la réalisation du repas. Au bout d'un moment, j'ai cessé de l'écouter et de la rassurer. Il faut bien que quelqu'un cuisine. De plus, j'essaie de camoufler mes maux de ventre qui se sont bizarrement amplifiés depuis hier. Je pensais que ça irait mieux après mon oral de mercredi, et surtout depuis que j'essaie de réellement faire la paix avec ce que j'ai vécu il y a deux mois. Je sens que je commence à fatiguer de tous ces malaises à répétition. J'en ai marre. Agata a peut-être raison après tout. Elle m'avait proposé de prendre rendez-vous avec un psy pour que je puisse vider mon sac à une personne neutre. Ça pourrait être une solution, même si je n'en ai pas envie.

Peu avant midi, Rayan est arrivé en compagnie de sa maman. Cette dernière a les mains chargées de gâteaux orientaux faits maison. Qu'est-ce que j'aime ça ! Elle a aussi apporté une peluche pour le bébé, ravie d'être la première à faire un cadeau à son petit-enfant. Je n'ai pas osé lui dire que j'avais déjà craqué et acheté doudous et petits bodies trop mignons. Cette dame est solaire et adorable. Nous passons un très bon moment tous ensemble. Alors que je me jetais sur un baklava, j'ai ressenti comme une douleur de règles mais en bien plus puissant. Je me suis recroquevillée sur moi-même. Tout le monde me regarde avec inquiétude.


- Mon bijou ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu es toute blanche. – Ma tante a posé sa main sur mon front pour vérifier si j'étais chaude. – De toute façon, tu ne fais jamais de fièvre. Mais tu es en train de me faire une appendicite. Depuis le temps, tu dois être au bord de la péritonite.

- Mais non, ça va aller. Je vais juste aller me reposer. – J'ai essayé de me lever mais j'en suis incapable. Je tente de cacher des larmes qui me montent. – T-tu as encore du Spasfon ?

- Arrête de te gaver de médicaments. Regarde, tu pleures. Allez, j'en ai marre ! On va aux urgences.

- Non, non. Pas besoin. Je te dis que ça va passer. En plus on a des invités.

- Tu devrais écouter ta tante, ma petite puce. Tu as vraiment l'air de souffrir. Je pense que c'est plus prudent d'aller à l'hôpital. Et ne t'en fais pas pour moi, je vous attends ici avec Rayan.


Agata m'a aidée à me lever et me soutient jusqu'à la voiture. Je me suis allumée une cigarette mais elle me l'a jetée par la fenêtre. Elle ne supporte plus l'odeur. Je grogne. Parce que j'ai envie de fumer. Et parce qu'elle roule comme une folle, ce qui me secoue dans tous les sens et me fait encore plus mal. Par chance, elle a vite trouvé une place. A peine sortie du véhicule, j'ai vomi mes tripes. L'infirmière d'accueil et d'orientation s'est fait du souci en voyant mon visage et ma tante en rajoute une couche en parlant de péritonite. Elle doit encore être traumatisée d'en avoir fait une quand elle était petite. J'ai été invitée à patienter en salle d'attente. Autour de moi des enfants pleurent et les gens ont visiblement une bonne raison d'être ici. Il y a même un homme qui tient sa main enroulée dans un linge couvert de sang. Je n'ai pas ma place ici, j'ai juste besoin de me reposer. Je subis les trois quarts d'heure les plus longs de ma vie.


- Mademoiselle Keller ? – Je me suis levée et m'avance en boitant vers l'aide-soignante. Agata me suit. – Viens avec moi. – J'ai été amenée dans un box. Je me suis assise sur le lit. Une infirmière, équipée d'un ordinateur et d'un Dynamap, a rejoint sa collègue.

Promets-moi de ne jamais me libérer de toi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant