Chapitre XXVII. Adversités.

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            J'attends mon passage pour l'oral de français dans le couloir. Je suis entourée d'élèves d'autres lycées. Je ne connais personne. Je suis fatiguée, stressée, malade. Je n'arrête pas de faire des allers-retours aux toilettes pour vomir. Ils m'observent tous bizarrement. Je viens de vider ma bouteille d'eau. Alors que je retournais dans les sanitaires pour la remplir, l'examinatrice a prononcé mon nom. Je me suis arrêtée. Un nœud s'est formé dans ma gorge. J'ai envie de pleurer. Je respire et suis la femme dans la salle d'examen en forçant un sourire. Elle me laisse tirer une œuvre au sort. Le recueil de poésies de Anna Akhmatova. Ouf. Sauvée. J'ai adoré et n'ai bossé que ses textes. J'ai une chance de m'en sortir.

Je m'installe au fond de la classe pour travailler mon plan. Mais je bloque. Je n'ai même pas les prémices d'une problématique. Trou noir. La panique s'empare de moi et j'essaie de noter le peu d'informations que mon cerveau veut bien donner sur ma feuille de brouillon colorée. La seule chose sur laquelle j'arrive à me concentrer est mon envie de pisser. Quelle idée de boire un litre cinq d'eau en moins d'une heure alors que je suis enceinte de quatre mois et que ma vessie s'est transformée en petit pois. Je ronge nerveusement mes ongles et la prof m'interpelle.

En face d'elle, je me crispe. Elle me fixe avec insistance, s'attendant à ce que j'attaque mon analyse. Rien. Je triture ma feuille en mordant l'intérieur de ma joue. La femme souffle en regardant sa montre. J'ai toussoté et ai commencé à broder. Je serre les cuisses en gigottant, je vais me faire dessus. Respire, concentre-toi. Je ferme les yeux et part dans un dernier commentaire avant de me faire interrompre. L'épreuve est terminée. Vraiment ? Mais j'ai été nulle. Je voudrais juste recommencer. Ses yeux désapprobateurs m'observent et je détourne les miens.


- Vous avez suivi les cours cette année, Mlle Keller ?

- O-oui. C'est même l'œuvre que j'ai préférée. Mais j'ai paniqué.

- J'ai remarqué. Si je peux vous donner un conseil, évitez de trembler la prochaine fois. Ça ne donne pas une très bonne image à l'examinateur. Vous pouvez disposer.


Je me suis levée en relâchant des sanglots. Et voilà que je pleure encore. Une fois la porte passée, j'ai détalé en direction des toilettes. Assise sur la lunette, je laisse mes larmes couler. Rater sa vie, étape 256 : ne rien sortir à son oral de français. Quelle plaie. Je n'ai plus qu'à tout donner pour mes écrits dans deux semaines. A peine sortie de l'établissement qui n'est pas le mien, j'ai appelé Rosalya et lui ai donné rendez-vous au centre commercial. Je profite de mon trajet en bus pour me refaire une beauté. Quoi ? Vous n'avez jamais vu quelqu'un se maquiller dans les transports en commun ? En m'engouffrant dans la galerie, j'ai prévenu Castiel que je ne rentrerai pas tout de suite. Il en profite pour aller à la boxe. Il a eu une véritable révélation en commençant ce sport, il est complètement accro. Je sens que ça lui fait du bien et j'en suis ravie. Je sirote un thé glacé en attendant ma meilleure amie. Une fois en sa compagnie, je lui raconte le désastre que je viens de vivre. Elle me rassure et espère mieux gérer quand ce sera son tour la semaine prochaine. C'est tout ce que je lui souhaite.


- Enfin bref. J'ai besoin de me défouler en faisant chauffer ma carte bleue. – La fausse blonde se marre.

- Tes bonnes résolutions n'auront pas duré, ma belle ! – J'ai entouré son bras du mien et l'embarque dans une grande enseigne de prêt-à-porter.

- Chut. De toute façon j'ai une excuse. Il faut que j'achète des cadeaux aux jumeaux. Leur fête d'anniversaire est demain et je n'ai rien prévu. Ni pour eux, ni pour moi.

Promets-moi de ne jamais me libérer de toi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant