Je n'avais toujours pas l'habitude de me réveiller dans les soieries dvargen, mais je devais admettre qu'elles procuraient un certain confort. Le lit était si profond et si moelleux qu'il était parfois difficile de m'en extraire le matin, mais je faisais toujours l'effort pour préserver mon rythme circadien. Comme le roi Ankri l'avait dit, j'étais une lève-tôt, et j'entendais bien le rester. Ekrest m'avait inculqué un certain rythme de vie, qui m'avait apporté beaucoup de bien, ce n'était pas maintenant qu'il n'était pas là que j'allais me relâcher. En outre, si je rentrais à Midgard et que j'étais laxiste dans mon comportement envers moi-même, je n'oserais probablement jamais le regarder dans les yeux.
Cependant, ce matin-là, je ne fis pas de séance d'entraînement complète. Habillée de vêtements amples et confortables, serrés aux articulations par des bandes élastiques, je fis un petit tour de course à pied dans la cité, distançant Keirv en quelques foulées malgré ses protestations véhémentes. Les descentes furent faciles, et je faillis me laisser emporter par la facilité en descendant vers les mines comme nous l'avions fait la veille, mais je me rappelai qu'il allait falloir que je remonte les dizaines de marches que j'avais dévalées, et j'infléchis ma course au milieu de la ville environ. Je fis trois fois le tour d'un large pâté de tours-stalactites, jusqu'au moment où de jeunes dvergar commencèrent à m'observer un peu trop intensément, leurs yeux sombres s'attardant sur mes bracelets et les bijoux offerts par le roi, que j'avais pris par habitude.
Alors, je fis un détour par ce que j'estimais être l'ouest de la ville, et enfin, je repris progressivement les étroites volées d'escaliers en direction du palais royal.
Keirv m'attendait sur le parvis de la cour haute, celle qui était ouverte au public, en tapant du pied, la mine irritée.
— Vous ne...
— Désolée, mais c'était nécessaire. Et, bien que je ne doute pas de tes aptitudes physiques, je doute que tu m'aurais suivie.
Elle fronça le nez, sembla vouloir dire quelque chose, puis se ravisa et se contenta de me raccompagner jusqu'à ma chambre.
— J'ai du temps ? demandai-je en me dirigeant vers la douche.
— Pas vraiment.
— Parfait !
La douche fut expédiée en un tournemain, je me rhabillai de nouvelles soieries aussi extravagantes que toutes celles qu'on m'offrait ici – j'avais une collection à faire pâlir un maître de la haute-couture midgardien – et pris le chemin de la navette. Celle-ci nous déposa quelques minutes plus tard dans les confins de la cité, bien loin de là où j'avais couru, dans une chambre magmatique secondaire accessible uniquement par navette. Là, le pilote nous posa en douceur devant un immense portail encastré dans la roche, Keirv inclina son siège en arrière et me fit signe qu'elle allait rester, et je me souvins qu'elle était elle aussi fille de forgeron. Certainement une histoire de concurrence.
Je lui adressai un signe de la main discret, un sourire aux lèvres, et je me dirigeai vers les larges vantaux de fermés à l'autre bout de la petite caverne dans laquelle nous avions atterri. Ils avaient l'apparence d'un bois sombre, épuré et poli, mais lorsque je toquai, la dureté de la roche m'arracha un grognement. Je pestai en silence, cherchai du regard un levier, une sonnette, quelque chose qui me permettrait d'actionner un quelconque mécanisme pour signaler ma présence. Mais la pierre, qui imitait si bien le bois que c'en devenait perturbant, ne présentait absolument aucune fissure, aucune faille, aucun escarpement sur sa surface lisse.
Je finis par repérer, en tournant sur mes talons avec la tête renversée en arrière, une surface un peu plus polie, que j'assimilai à une cachette de caméra dvargen. Elle était si parfaitement fondue dans le décor que j'eus du mal à la discerner, ne captant d'abord que le reflet étrange de la lumière des veines d'havis sur la surface polie. En plus, la forme de la cavité qui devait contenir la caméra était suffisamment asymétrique pour ne pas donner l'impression qu'elle avait été insérée dans la roche, mais plutôt que c'était un cristal qui avait été découpé et lissé.
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Le Cycle du Serpent [III] : L'Hiver des Maisons
FantasyJe m'appelle Lilith. Il y a quelques temps encore, j'étais une Élite de la Confrérie de Loki, une tueuse fantôme au service de sa famille. Mais cette existence anonyme s'est effondrée. Aujourd'hui, j'erre dans les Neuf Mondes. Dotée de nouveaux pouv...