Une frénésie à m'en donner la migraine s'était emparée de la ville, telle que même le Manoir en période de crise ne pouvait pas rivaliser. Cela faisait plus d'une semaine que je découvrais les préparatifs intenses qui précédaient Arshina, mais aujourd'hui, la veille de la première célébration, je découvrais une folie qui me dépassait absolument. Il manquait apparemment encore une dizaine de milliers de pierres précieuses sur le million, et les invités étaient arrivés en masse dans les deux derniers jours. Il y avait des représentants dvargen et elfes à tous les angles de couloir, et on présageait même l'arrivée de vanir et d'æsir dans la soirée. Les intendants ne savaient pas où se donner de la tête pour placer tout ce beau monde.
Pour ma part, réfugiée dans ma belle suite premium au sommet – inversé – de la cité, j'essayais de me tenir aussi loin que possible de la folie des préparatifs. J'avais passé les deux nuits précédentes à récupérer de ma vidange d'énergie magique avec Veiri, et à anticiper en toute discrétion le vol de la clef d'ambre de Skadi. J'étais encore loin d'un plan viable, et je ne pouvais pas beaucoup communiquer avec Levi à cause de la surveillance permanente à laquelle il était soumis, contrairement à moi. Mais, de ce que j'avais compris en furetant à droite et à gauche et en explorant la ville autant que possible, le joyau de la collection du roi serait dévoilé au troisième jour des célébrations, à l'apogée de la fête. Et ensuite, il disparaîtrait à nouveau dans les coffres-forts impénétrables auxquels même moi je ne pouvais accéder.
Là-dessus, Ekrest avait été plus clair et intraitable que jamais : voler un objet dans un coffre nain, c'était mission impossible. Littéralement. Ou alors, il fallait solliciter un autre nain, mais jamais aucun n'accepterait parce que cela impliquerait de dévoiler les secrets des coffres magiques à un non-dvergr.
Soudain, je me figeai, une pensée m'effleurant.
J'avais un dvergr à mon service. Et je pouvais lui demander ce que je voulais, y compris ce que son code de l'honneur lui aurait autrement interdit. En outre, mes bracelets devaient être prêts. Il était donc temps que je lui rende une visite qui, je l'espérais tant pour lui que pour moi, serait plus agréable que la dernière fois. J'appelai Keirv, qui ronchonna longuement sur ma tenue « simpliste » alors que tant de grandes personnalités commençaient à affluer dans la cité, mais elle me guida malgré tout dans les profondeurs de la cité en direction de la forge du dvergr. Et il suffit qu'elle m'annonce à l'interphone pour que quelqu'un de l'autre côté bredouille à toute vitesse :
— J'appelle le maître forgeron tout de suite.
Deux minutes plus tard, les loquets cliquetaient.
— Ah, c'est ma visiteuse !
Veiri m'ouvrit les portes en grand, et j'eus le temps d'entr'apercevoir les autres artisans de son atelier – que je voyais pour la première fois – qui se carapataient pour disparaître dans les profondeurs de la forge. Quelques uns me jetèrent cependant des regards insistants, à tel point que Veiri dut m'expliquer :
— Vous avez un peu saturé mes appareils, la dernière fois. Ça a soulevé des questions.
— Et ça aussi, je suppose, fis-je en désignant le cache-œil alors qu'il refermait précautionneusement derrière moi.
— Effectivement.
Il le souleva d'un geste négligent, dévoilant une orbite cautérisée, un amas de chairs brunies et noircies.
— Vous m'en voyez navrée, maître forgeron.
— Mmhm. J'espère que vous n'avez pas amené votre... nouvel ami ? interrogea-t-il en me guidant vers une porte dérobée que, comme souvent, je ne repérai que lorsqu'il l'ouvrit d'un simple pointage de son laser de poche.
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Le Cycle du Serpent [III] : L'Hiver des Maisons
FantasyJe m'appelle Lilith. Il y a quelques temps encore, j'étais une Élite de la Confrérie de Loki, une tueuse fantôme au service de sa famille. Mais cette existence anonyme s'est effondrée. Aujourd'hui, j'erre dans les Neuf Mondes. Dotée de nouveaux pouv...