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Il m'avait fallu une bonne heure et des dizaines de questions supplémentaires pour avoir finalement une esquisse de plan. Mon idée en tête, je pris congé du nain qui m'avait donné toutes les clefs – au sens figuré du terme malheureusement – pour réussir mon cambriolage, mais il m'arrêta d'une dernière question.

— Est-ce que...

Il hésita, et je sentis son incertitude dans la crispation de ses épaules, ses mains soudain serrées l'une contre l'autre alors qu'elles avaient passé leur temps à jouer paresseusement avec les outils qui pendaient à sa ceinture.

— En supposant que vous y arriviez... Est-ce que vous pourriez me le montrer, avant de partir ? L'artefact d'ambre ?

— Je...

Je voulus répondre, me ravisai, réfléchis. Veiri était un atout encore incertain. Il était lié à moi par serment d'allégeance, et n'avait pas le droit d'aller à l'encontre de mes intérêts, mais il avait aussi son propre agenda, surtout lorsque je n'étais pas là. Il fallait que je trouve la meilleure réponse.

— Je vous dirai ça d'ici quelques jours, une fois que j'aurai trouvé comment l'évacuer d'ici. Mais je ne pense pas.

Il hocha la tête et n'insista pas, et je crus voir une lueur de culpabilité dans son regard. Était-ce encore une marque de mon passage d'Élue sans trame de vie ? Étais-je en train de l'éloigner du chemin que les Nornes avaient à l'origine tracé pour lui ?

Alors même que ces questions fusaient dans mon esprit, une affirmation s'imposa : je ne devais pas davantage impliquer Kalyan dans ce chaos. Ce que je faisais pour mon père, je le faisais au péril de ma vie. Mais je ne pouvais pas lui demander de faire partie d'une telle folie. C'était un secret de plus à garder malgré la promesse que nous nous étions faite, mais cela valait mieux.

Je lui adressai un bref salut de la main et quittai les lieux, l'esprit préoccupé, jouant avec mes nouveaux bracelets, une moue songeuse étirant mes lèvres. La finesse de la modulation de flux que Veiri avait réussi à mettre en place était impressionnante. Comme pour les Järngreipr de Thor, en glissant ma main le long des bracelets, je pouvais réduire mon flux magique ou l'augmenter. Et tout comme la ceinture de force, les bracelets eux-mêmes me permettaient de gagner encore en puissance. Je n'avais pas encore osé tenter les combiner ensemble, mais j'étais certaine que si je les mettais tous les deux et à pleine puissance, je commençais à friser l'équivalent d'une divinité mineure. Mais je ne tenais pas à attirer les soupçons ni les questions indiscrètes, donc pour le moment, je gardais donc soigneusement ma ceinture de force dans mon inventaire magique et mes gantelets calibrés à ma puissance moyenne.

Mon ébauche de plan en tête, je partis à la recherche de Levi alors que le soir tombait, et l'emmenai vers le terrain d'entraînement. L'avantage des soirées était qu'il n'y avait personne dans l'arène, tout le monde voulant profiter du grand banquet. Même Arnlari, mon entraîneur préféré, n'était quasiment jamais là.

Ainsi, dans le calme d'une arène sablonneuse déserte, tout en échangeant des passes à l'épée, j'annonçai à l'Élu mes intentions de cambrioler l'artefact d'ambre.

— De quoi tu as besoin ? demanda-t-il quand j'eus posé les bases de l'idée.

Je guettai de la rancœur dans son regard, une étincelle de défi, quelque chose. Mais il paraissait si honnête, si transparent que cela en devenait encore plus suspect.

— Tu seras la cible principale. C'est toi qu'ils vont surveiller. J'ai besoin que tu sois totalement irréprochable.

— Donc ?

Je lui exposai l'idée. Il fronça les sourcils au début puis, au fur et à mesure qu'il comprenait où je voulais en venir, son expression s'éclaira, et un mince sourire vint même flotter sur ses lèvres vers la fin.

Le Cycle du Serpent [III] : L'Hiver des MaisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant